Yam Dam
de Vivian Goffette
Drame
Avec Fabio Zenoni, Clarisse Tapsoba, Valérie Lemaître, Christophe Sermet, Delphine Cheverry
Sorti le 24 septembre 2014
Premier long-métrage du réalisateur belge Vivian Goffette, Yam Dam est un film à la fois surprenant et prenant qui charme, secoue et chamboule.
C’est l’histoire de Christian (Fabrice Zenoni), un vétérinaire de province. La fin de la trentaine probablement, sans enfants et sans histoires. Avec l’aide de sa femme et de quelques amis, il a fondé une petite association caritative destinée aux enfants de l’Afrique. Mais sa démarche humanitaire ne l’empêche pas de s’ennuyer ferme. Alors Christian se distrait en s’inventant un double sur internet et en flirtant avec de jeunes africaines en quête d’une vie meilleure. Jusqu’au jour où Faustine (Clarisse Tabsoba), une Burkinabée de 26 ans avec qui il chatte régulièrement, lui rend visite de manière impromptue dans son cabinet.
À partir de cette première rencontre entre Faustine et Christian, on se permet d’échafauder divers scénarios sur l’avenir improbable du duo. Road movie, drame social, film engagé ou plutôt romantique ? Yam Dam est un peu tout ça à la fois sans l’être vraiment. Mais ce qui est sûr, c’est que le film aime les chemins de traverse et part plus d’une fois là où on ne l’attend pas. Saisissant de maitrise, ce premier long-métrage de Vivian Goffette, tourné à petit budget dans la campagne belge, passe allègrement d’une frontière à l’autre, tantôt avec légèreté, tantôt avec gravité mais toujours avec justesse et sensibilité.
Le réalisateur belge scrute les ambivalences des relations avec acuité. Parfois dérangeant, parfois généreux, son film possède cette authenticité et cette force captivante qui happent dès la scène d’ouverture. Et pourtant, dans sa mise en scène, il n’y a pas un mot de trop, pas un pas de côté. Goffette va à l’essentiel. Sans surligner les dialogues, il parvient à rendre visible les insaisissables questionnements de Christian. On dit souvent que c’est lorsqu’ils se taisent que les héros en disent le plus ; la fin du film en est une belle confirmation et est éloquente à plus d’un titre.
Vivian Goffette démontre également une belle technique lorsqu’il s’agit de dépeindre nos regards sur le continent noir. Regards fantasmés voire lubriques pour certains (les propos sexistes à l’égard des femmes noires ne manquent pas à l’appel), regards réservés, hostiles ou encore regards de pitié pour d’autres. L’accueil de Faustine en terre belge n’est, en tout cas, pas des plus conviviaux. Malmenée par un passeur, elle tente de trouver une main secourable auprès de Christian qu’elle pousse involontairement dans ses retranchements.
Sans doute parce qu’ils ne sont pas suffisamment exploités, les ressorts amoureux du film peinent à convaincre. Mais peut-être est-ce l’intention ? Dans la relation tissée entre le vétérinaire et la jeune burkinabée , il y a peut-être une volonté d’échapper aux lieux-communs ? Peu importe, au fond, car l’essentiel est ailleurs. L’attention du film se focalise autour d’une réflexion forte sur l’engagement. Le fameux décalage entre les beaux discours et les actes. La difficulté à donner de sa personne sans attendre une contrepartie. L’aide à distance mesurée et cadrée face à l’assistance spontanée (et parfois envahissante) au quotidien. La sécurité contre le risque. Autant de conflits intérieurs, comme nous les connaissons tous.
C’est la grande force de Yam Dam (le titre trouve son explication dans le film) : réussir à utiliser le singulier des histoires pour révéler la nature humaine et dépeindre l’universel. À voir absolument.