De Georg Büchner, mise en scène de Michel Dezoteux, avec Karim Barras, Azeddine Benamara, Eric Castex, Inès Dubuisson, Fanny Marcq, Denis Mpunga, photo: © Alice Piemme
Du 19 mars au 4 avril 2015 à 20h au Petit Varia
Georg Büchner a mis fin à ses jours avant d’avoir achevé ce qui restera dans les annales comme l’œuvre de sa vie. C’est certes malheureux mais pourtant, les quatre manuscrits de Woyzeck, incomplets, fragmentaires, désordonnés, sont devenus un matériau dont les metteurs en scène raffolent à juste titre.
Le chef-d’œuvre inachevé intrigue, passionne même. Tant de questions restent sans réponse. L’histoire de Woyzeck est trouble et le restera sans doute. Aussi les voies d’exploitation sont-elles nombreuses, et c’est là, vraisemblablement, la plus grande richesse de l’œuvre de Büchner. Une richesse que Michel Dezoteux et son équipe ont su exploiter avec beaucoup de sens artistique.
Woyzeck est un homme assez simple, soldat de profession et épris pour son malheur de la belle Marie, dont la fidélité et la vertu ne sont pas les qualités principales. Pour ne rien arranger à l’affaire, le pauvre Woyzeck est de nature tourmentée. Ses démons intérieurs le traquent sans relâche. Il a beau lutter tant bien que mal, sa vie est une descente aux enfers qui ne fait qu’accélérer…
Pour accueillir un pareil personnage, le Petit Varia a été complètement transfiguré de sorte que le spectateur est immédiatement immergé dans l’univers du texte. La scène est grillagée, l’ambiance nocturne, hivernale. Le protagoniste, incarné par Karim Barras avec beaucoup de classe à l’instar des autres acteurs de la pièce, apparaît d’emblée nerveux, fébrile, peut-être même angoissé, il paraît évoluer dans un monde où tout lui est hostile. L’énergumène rôde et arpente l’espace sans cesse, comme un animal en cage, une cage dont les barreaux incarnent si bien la prison mentale où sa folie le retient captif. Et dire que son état ne fera qu’empirer…
Le spectacle gagne rapidement en rythme et en intensité. Un rythme cassé, décousu, à l’image des fragments de texte, sans doute. Certaines scènes prêtent à rire, tandis que d’autres mettent le spectateur mal à l’aise par leur noirceur, leur froideur. Le malaise s’accentue au fur et à mesure que Woyzeck sombre dans la folie. Déjà des idées meurtrières lui traversent l’esprit. Y a-t-il d’autres issues que la mort ? La mort est-elle seulement une issue ? Et ce couteau tâché de sang, d’où vient-il ?
Michel Dezoteux est en train de réaliser une trilogie sur l’art et la folie. Après Hamlet et Woyzeck, nous avons déjà hâte de découvrir le troisième opus de la série !