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    We Love Arabs d’Hillel Kogan au Théâtre National

    Texte et chorégraphie d’Hillel Kogan avec Hillel Kogan et Adi Boutrous. Du 27 février au 3 mars 2018 au Théâtre National.

    Deux danseurs, deux corps et deux expressions différentes. Deux hommes qui pourraient échanger et créer ensemble se retrouvent en opposition, et tandis que l’un dirige en dictant chaque mouvement et sentiment, l’autre, muet, ne semble pas avoir de place pour exister en tant qu’être individuel.

    We Love Arabs commence avec l’arrivée d’Hillel Kogan, chorégraphe, metteur en scène et acteur de cette pièce. Le thème est annoncé d’entrée de jeu : questionner l’identité et faire cohabiter deux cultures. Avec humour, cet homme seul sur scène tente en vain de s’exprimer, utilisant à outrance les codes absurdes de l’art contemporain (effets, suspens et verve poétique). Il souhaite travailler avec l’image du juif qui rencontre un arabe, le danseur Adi Boutrous. Comment dialoguer avec un homme alors qu’on en a une idée déjà toute faite ? Sûr de lui, il se retrouve à dicter à son partenaire ce qu’il doit être, mais se heurte très vite à ses propres stéréotypes. Il ne cherche pas à le comprendre, persuadé de devoir lui inculquer sa vision. Il fera de même avec le spectateur, infantilisant régulièrement le public. Une collaboration qui ne peut pas fonctionner s’improvise alors pour créer ce qui pourrait être la chorégraphie la plus clichée.

    Comment exister en étant le porte-parole d’un genre, d’une culture ou d’une religion ? Le danseur arabe supporte le poids d’incarner une minorité, une image superflue dictée par l’occident. Le chorégraphe narcissique décortique chaque morceau de la pièce, impose chaque mouvement et chaque émotion. Il se moque des codes de la chorégraphie et de l’art contemporain. En les traduisant à l’excès, il les rend absurde et les remets alors en question. Quel est leur intérêt et comment réellement donner sens à la danse quand le médium semble si souvent réservé à un certain public ?

    C’est avant tout l’idéologie du monde artistique en Israël qu’il dénonce. Comment peut-il y avoir si peu de danseurs arabes quand ils représentent plus de 20% de la population ? La réputée compagnie de danse « Batsheva » n’en compte pas un seul en plus de cinquante ans, comme l’a souligné Hillel Kogan après la représentation.

    Le jeu sur les stéréotypes se poursuit jusque dans le travail du son et des lumières. Il tente d’appuyer « la grandeur » des émotions des personnages en jouant avec des éclairages forts et doux ou encore en passant de Mozart aux musiques arabes.

    On aurait pu craindre que le ton de l’humour manque de subtilité. Toutefois, la naïveté du chorégraphe se révèle sincère et plutôt bien représentative de celui qu’il décrit comme « bien pensant », « gaucho », « intéressé mais pas trop ». L’auto-dérision d’Hillel Kogan est attachante. Sans honte, il exagère mais assume aussi ses croyances et ses ignorances. Adi Boutrous est réellement embarrassé de la situation, son hésitation interprétée est bien réelle.

    La pièce joue entre les frontières de la réalité et de la scène. Les danseurs y portent leurs noms, utilisent leurs véritables origines et sûrement une partie de leur vision du monde, créant un véritable conflit d’identité.

    Il est beau de percevoir au-delà de leurs jeux, leurs langages réellement différents : leurs manières d’utiliser leurs corps et leurs voix, leurs charismes et leurs expressions du visage.

    Hillel Kogan réussit son pari sans prétention, mais nous laisse cependant sur notre faim. De son propre aveu, il ne cherche pas à aller au-delà d’un simple constat. Il montre avec humour la situation de l’art contemporain en Israël et dans la société occidentale, mais ne propose pas de solution, ne semblant pas souhaiter réveiller ou mobiliser. Si elle ne soulève pas les foules, la pièce apparaît néanmoins comme un divertissement intéressant.

    Si We Love Arabs monte ingénieusement l’échec de ce qui aurait pu être une belle collaboration, Adi Boutrous pourrait nous en proposer une dans sa pièce It’s always here, rejouée prochainement en France (notamment les 7 et 8 avril au Pavillon noir à Aix-en-Provence).

    Luna Luz Deshayes
    Luna Luz Deshayes
    Journaliste du Suricate Magazine

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