De Louis-Ferdinand Céline, mise en scène de Philippe Sireuil, avec Hélène Firla, crédit photo Cie FOR
Du 16 au 27 février 2016 au Théâtre des Martyrs
Il n’est pas question de débattre ici de la qualité de l’écriture de Céline : le texte de Voyage au bout de la nuit, même réarrangé, même incomplet, est toujours fort et percutant, que ce soit pour un familier ou pour quelqu’un qui le découvre. Ferdinand Bardamu, personnage marqué par les événements qu’il décrit, évoque son passage au travers des horreurs du début du vingtième siècle.
Dans cette adaptation scénique, le texte dit se concentre sur la première partie des « pérégrinations » de Bardamu : son expérience en tant que soldat dans les tranchées de la première guerre et les effets de celle-ci sur son esprit et sa vie – délaissant ainsi les parties africaines et américaines du roman.
Ce n’est pas le plus radical des choix opérés par le metteur en scène Philippe Sireuil et l’actrice Hélène Firla. Car c’est bien une femme que l’on retrouve sur scène dans cette adaptation, non pas en tant que narratrice extérieure, mais bien en tant que Bardamu lui-même. Engoncée dans un costume trois-pièces, coiffée d’un chapeau melon et la cigarette à la bouche, Hélène Firla « est » Bardamu, de manière saisissante voire effrayante, avec une densité rare.
La mise en scène s’efface et se met au service du texte et de la prestation de l’actrice en arborant un dépouillement ascétique : Bardamu ne bougera pas de sa place, rivé à son banc, faiblement éclairé, devant un rideau fermé. Il ne peut y avoir de mise en scène dès lors qu’il n’y a pas même de scène. Ce sont tous ces choix, tendant univoquement vers une idée d’épure la plus parfaite possible, qui permettent de profiter pleinement de la performance d’Hélène Firla et d’être percuté par sa déclamation fonceuse, par les inflexions de sa voix. On en vient presque à être surpris d’entendre une voix totalement fluette lorsque Bardamu imite une femme. C’est à ce point que l’incarnation est parfaite.