Vivre sa mort
de Manu Bonmariage
Documentaire
Sorti le 4 mars 2015
Philippe Rondeux, soixantenaire, Beaurinois, revient d’une promenade. La maladie lui offre encore cette faculté même si il sait que la fin est proche et inévitable. Il observe son petit fils dans les bras de son épouse, une fenêtre les sépare, comme si l’âme était toujours présente pour contempler la vie, de l’extérieur, le corps s’éteignant petit à petit. Passer une dernière fois les fêtes de fin d’année avec ses proches, après il pourra partir. Partir mais de quelle façon quand on est profondément ancré dans la foi ? Que signifie la foi par rapport à un Dieu qui ne répond plus ?
Manu de Coster, robuste chirurgien, est atteint du même mal. Il raconte que des années de marathon lui ont peut être permis de retarder l’échéance mais le cancer, lui, n’a pas choisi de l’épargner. Aucun espoir pour un mal qui le ronge chaque jour de plus en plus. Accompagné lui aussi par ses proches et le prêtre Gabriel Ringlet, il a choisi l’euthanasie comme acte final.
Dans Vivre sa mort, Manu Bonmariage (à l’origine de l’émission Strip-Tease) et son cinéma direct filme de façon croisée ces deux hommes au seuil de la mort. Caméra à l’épaule, il écoute, questionne parfois ces deux hommes qui ont décidé d’accepter de vivre une dernière fois. L’idée étant de suivre et de comprendre deux individus différents aux destins liés.
On ne sort certainement pas indemne du dernier film de Manu Bonmariage. Bien sûr, le degré de sensibilité n’est pas le même chez tout le monde mais il convient de constater qu’un silence inquiétant planait après la projection. Les images sont parfois très dures voire insoutenables. L’évolution de la maladie, les témoignages et les réactions de l’entourage de Philippe et Manu résonnent pourtant en nous tout au long des séquences. La gravité du sujet n’implique plus forcément une distance subjective qu’on peut adopter face à tel ou tel épisode de Strip-Tease. L’écran de cinéma n’est plus une frontière connue mais une ouverture sur le réel nous ramenant sans cesse au même constat : nous serons tous confrontés à la mort.
Il est certain que d’autres questions pourront se poser notamment sur l’implication du corps médical quand on a plus d’espoir et que la souffrance est devenue inqualifiable. Certains pourront reprocher à Manu Bonmariage une forme de voyeurisme dans des situations inappropriées. Ce qui pousse aussi à se demander si les proches de Philippe et Manu auraient agi de la même façon si la caméra n’avait pas été présente. Arrive-t-on totalement de se détacher de la présence du réalisateur ? Oui, certaines fois, quand on n’en peut plus. Cela pose encore une fois les questions liées à l’objectivité de celui qui veut rendre la réalité telle qu’elle est. N’y a-t-il pas une prise de position évidente dès lors qu’il y a montage?
Vivre sa Mort reste en tous les cas une œuvre poignante, une représentation aboutie du réel dans sa forme la plus grave. Manu Bonmariage réussit à nous donner des pistes de réflexion, à nous mettre littéralement face à la mort, avec poésie parfois.