Auteur : Morgane Caussarieu
Edition : Au Diable Vauvert
Genre du livre : Roman
Un jour, Arsène capture un gros poisson et le même jour, il capture une étrange créature. Il ne sait pas à quoi il est confronté ; un poisson particulier ou une créature mythologique ? La Vouivre peut-être ? Cet être poisson en bas, femme en haut ; tout porte à croire que c’est bien elle la Vouivre. Arsène en est sûr, l’escarboucle qu’elle porte à son front le prouve. Et comme les contes le disent bien, la Vouivre protège un trésor. Alors quoi de mieux que de la séquestrer pour qu’elle parle ? Dans cette cave où il affine le fromage, il va tenter d’arracher à la Vouivre ses secrets et pour ce faire, il utilisera la force. Il laissera la charge et la responsabilité des soins à sa femme et sa petite fille Huguette dite la Boiteuse. Huguette qui est infirme, souffre-douleur à l’école, risée de son village franc-comtois, petit monstre qu’on déteste et qu’on moque et qui peine à trouver une place confortable. Elle trouve du réconfort dans les films de monstres que son ami Fernand projette dans son arrière-boutique. Elle s’y reconnaît et cultive une fascination pour eux.
Encore une claque de la part de Morgane Caussarieu. L’écriture déroule ses fulgurances avec aisance, nous baigne dans des eaux marécageuses qu’on finit par aimer, nous confronte à la violence du père qu’on déteste avec plus de dégoût qu’on pourrait avoir pour ces créatures qui habitent le récit. Et l’histoire d’ailleurs : alors qu’on pense avoir compris, qu’on pense savoir, qu’on pense voir où elle va, un virage en tête d’épingle débarque et nous retourne les certitudes. Morgane Caussarieu sait installer des atmosphères et les faire dégouliner tout le long de l’histoire. Au détour d’un mot, d’une phrase, d’une formule, d’une idée, l’atmosphère est toujours là, nous rappelant efficacement que nous ne sommes pas par ici pour forcément prendre du plaisir, mais, pour se faire bousculer.
En sus de cette écriture qui sent bon la vase et la violence, les fins de chapitres se concluent par des extraits de fausses encyclopédies illustrées. Ces ajouts viennent directement de l’autrice qui nous gratifie de ses illustrations délicieuses. Elles nous emmènent encore un peu plus loin dans le récit de cette créature sur qui le voile du mythe ou d’un darwinisme vengeur flotte.
C’est une réussite totale. La volonté de l’autrice est de poursuivre cette mini-série d’horreur à la Française et il est vraiment à souhaiter que cela se fasse. Morgane Caussarieu revivifie ce bestiaire qui nous est familier et lui redonne des attraits actuels et sensuels qui font plaisir.