Après un festival consacré à la jeune création slovaque, les Halles de Schaerbeek proposent un parcours singulier autour des arts numériques : Visions.
Si le mouvement était le maître mot du festival Slov:motion, il est encore une fois très présent dans ce nouveau parcours proclamé visionnaire. Il s’agit du mouvement insaisissable de la lumière, de la mécanique, celui des nouvelles technologies et du numérique.
Au travers d’installations, spectacles et autres performances, le spectateur/visiteur pourra ainsi découvrir les œuvres d’Eric Arnal Burtschy (Deep are the woods), de Julien Maire (A thousand segments), du Collectif Ersatz (Jungle space in America), d’Ulf Langheinrich (Hemisphere), et de Daniel Larrieu (Flow 612).
Deep are the woods – Eric Arnal Burtschy
Cette performance de 35 minutes fait danser la lumière et les sens des spectateurs. Au départ plongés dans le noir, les spectateurs sont progressivement enveloppés, chatoyés par des faisceaux lumineux d’une douceur protectrice, jamais agressive. Les spectateurs sont libres de se déplacer dans cet espace hors du temps, hors du monde. Deep are the woods, projet immersif pensé comme une balade de nuit en forêt, un retour à la nature, nous fait l’effet d’une séance de relaxation (certains spectateurs s’endorment, couchés sur le sol).
L’originalité de ce spectacle réside dans sa chorégraphie, interprétée non pas par un danseur mais par la lumière, insaisissable, mais également dans son caractère immersif et englobant : il permet au visiteur de reprendre possession de l’espace et de sortir de son rôle de spectateur passif.
A thousand segments – Julien Maire
A thousand segments présente un écran minimal, à même le sol, composé de lignes basculant du noir au blanc suivant un mécanisme invisible. Petit à petit, des perspectives se construisent et dessinent des espaces polymorphes. Les dérèglements et imprévus possibles rendent l’installation plus vivante (car défectueuse) et suscitent l’intérêt. Cette installation ravira les passionné(e)s de micromécanique et laissera sans doute le plus grand nombre sceptique. Il est en effet dommage que les spectateurs ne soient pas accompagnés lors de leur découverte de cette installation énigmatique au premier abord.
A voir également, la lecture-performance To Sublimate de Julien Maire, les 25 et 26 octobre aux Halles.
Hemisphere – Ulf Langheinrich
Épileptiques s’abstenir !
Cette œuvre immersive, à contempler (ou subir pour les sensibles du globe oculaire) couchés sur des coussins au sol, offre au spectateur une explosion visuelle et sonore, produite par une lente transformation d’effets générés par des algorithmes fractals.
On ne sait plus si ce que l’on voit est produit par les effets stroboscopiques de l’œuvre, ou si ce sont nos yeux, agressés par la lumière, qui créent de nouvelles formes.
Là encore, notre perception est brouillée, dans un espace dont on peine à deviner les dimensions.
Une expérience sensorielle à tester!
Flow 612 – Daniel Larrieu
On retombe volontiers en enfance avec cette « installation à danser pour les enfantes », pensée par le chorégraphe et pionner de la Nouvelle danse française Daniel Larrieu.
Dans un décor de jungle imaginaire, les enfants de 6 à 12 ans sont invités à évoluer en même temps que le son et la lumière.
Les mouvements et déplacements autour de l’installation produisent des sons (des voix d’enfants énumérant des chiffres) et de la musique grâce à des capteurs au sol. Autant dire que le résultat ne peut être que plus probant avec un groupe de jeunes trublions plein d’énergie.
Jungle Space in America – Collectif Ersatz (Camille Panza, Léonard Cornevin, Marie-Laetitia Cianfarani, Noam Rzewski, Pierre Mercier)
Notre coup de cœur de ce parcours visionnaire!
Jungle Space in America est une exploration libre de l’univers horrifique et cosmique de HP Lovecraft.
Le spectateur déambule ainsi dans un espace ouvert et restreint (les artistes du collectif mériteraient plus de surface pour laisser place à leur créativité), aux airs de parc d’attraction suspect, voire horrifique. On pénètre ainsi dans une « arcade » plongée dans l’obscurité, avec pour seule lumière celle des doubles néons rouges, figurant les yeux d’un esprit maléfique ou autre figure fantasmagorique.
Puis, on monte à l’étage pour observer l’espace du dessus, et découvrir avec enthousiasme les dessins de Pierre Mercier, membre du collectif, dont l’univers nous rappelle la bande dessinée dégénérée Pinocchio, du talentueux Winshluss.
Le tout est un mélange de fourre-tout, mixant récupération (carton-pâte, collage), bande dessinée (on peut découvrir les différents lieux d’accueil du projet sur des planches à l’étage) et digital (son et lumière dans l’arcade notamment).
Cette installation-performance à la fausse innocence joue sur le dualisme entre lumière et ombres, entre nos angoisses enfantines et nos désirs malsains, pour finalement produire ce qui pourrait ressembler à un rêve (ou un cauchemar) éveillé.