Découvert par le grand public dans les émissions en prime time de TF1, France 2 ou France 3, Viktor Vincent ne laisse plus personne indifférent dans la francophonie. Véritable star du mentalisme, ce conteur hors-pair nous emmène dans son « Mental Circus », un merveilleux spectacle pour petits et grands qui nous fait voyager un siècle en arrière, à une époque où la magie demeure une expérience de vie. Lumière chaude et discrète, ambiance sonore légèrement vintage, moustache en crocs et chapeau melon, Viktor Vincent active la machine à explorer le temps sous les yeux ébahis d’un public conquis.
Rencontre avec le plus grand phénomène du mentalisme actuel.
Vous êtes né dans le Nord de la France, non loin de la Belgique. Quel lien entretenez-vous dès lors avec notre pays ?
En effet, je suis né non loin de Valenciennes. J’habitais à trente kilomètres de Mons et, lorsque j’étais étudiant, nous allions faire la fête dans cette ville. J’avais des amis là-bas. Puis, mon club de magie se situait à Neuville-en-Ferrain où il y avait beaucoup de Belges également (NDLR : commune française, limitrophe de la ville de Mouscron). J’ai des liens très forts avec la Belgique.
A cette époque, vous avez eu un mentor dans la magie en la personne de Daniel Miraskill…
Oui, il n’était pas très connu. Son nom de scène venait de « Mira = voir » et « skill = la capacité », ce qui signifie en esperanto « la capacité de voir ». J’ai appris le sens de son nom après sa mort, il y a huit ans maintenant.
Il était mentaliste, tout comme vous. Justement, pourquoi avoir choisi la voie du mentalisme plutôt que celle de la prestidigitation ? Car, lorsqu’on lit votre biographie, on ne parle jamais de magie…
Je me suis intéressé à la magie, à l’illusionnisme et à la prestidigitation à l’âge de douze ans. Puis, à dix-sept ans, j’ai rencontré un mentaliste qui faisait des choses que je ne comprenais absolument pas. Ce sont des sensations incroyables car, malgré mes connaissances, je ne comprenais rien du tout. Et là, je me suis dit : « je veux faire ça ! ». Je m’amusais à tester plein de choses avec les personnes que j’avais autour de moi, principalement au lycée, endroit où l’on côtoie énormément de monde et où l’on peut tester beaucoup de choses. Mais cela ne restait qu’une passion. Ce que je voulais faire à l’époque, c’était du cinéma ! {…} Ce ne sera que bien plus tard que je commencerai à écrire des spectacles en racontant une histoire au public.
Des gens du cinéma, comme Georges Méliès ou Orson Welles, étaient des illusionnistes. Quels liens avez-vous fait entre votre spectacle et le cinéma, vos deux passions ?
Le cinéma, c’est l’art total de l’illusion. Et sa place dans le spectacle, c’est la narration cinématographique. Puis, en terme de mise en scène, la musique qui est choisie est narrative également. Celle-ci est d’ailleurs composée par Romain Trouillet, un compositeur de musiques destinées au cinéma. On fait également beaucoup de liens avec Alfred Hitchcock. Tout est composé à la manière de Bernard Herrmann, au point d’utiliser les mêmes micros qu’à l’époque. Je ne voulais pas traiter la musique des années 30 avec du Charleston, Gershwin ou ce genre de choses. Je trouvais cela trop évident.
Une période finalement pesante de l’Histoire, on sort d’une crise avant d’entrer dans une autre… Pourquoi ce choix ?
Alors, cela se passe en 1927, c’est avant la crise. C’est l’époque de Gatsby le Magnifique, un personnage qui fait fortune très vite, comme beaucoup d’autres gens à cette époque-là. L’industrie explose, tout se cristallise autour de l’exploit de Lindbergh qui traverse l’Atlantique, rendant le monde plus petit qu’il ne l’était auparavant. Bref, c’est une période où tout devient possible. Ce qui m’a fait rêver au-delà de tout, ce sont les gratte-ciels que l’on a construits en peu de temps – en un an et quarante-cinq jours pour l’Empire State Building -, ce qui était incroyable. Ce qu’ils ne savaient pas à l’époque, c’est lequel de l’avion ou du dirigeable allait prendre le pas sur l’autre. Ils avaient dès lors imaginé faire arrimer les ballons au sommet des tours, une image totalement futuriste. Ils vont dessiner les contours de l’époque moderne et tout le monde va pouvoir y prendre part – il y aura bien sûr des laissés-pour-compte -. Un peu comme à Paris à la fin du XIXème siècle où les théâtres ont connu un essor car tout le monde commençait à avoir un petit peu d’argent pour se distraire. Il y aura les opéras-bouffes, où il sera bon d’aller voir et y être vu. Toutes ces émulations-là me fascinent et c’est pour cela que je me suis arrêté à ces époques.
Dans Mental Circus, vous passez en revue plusieurs genres – ou styles – de magie au travers des histoires d’illusionnistes d’antan. Comment s’est déroulée l’écriture de ce spectacle, le travail de recherches ?
Par exemple, l’histoire de Brooke et Winston – celle de la télépathie, lui sur scène et elle dans un avion -, on me l’a racontée de manière très succincte quand j’avais douze ou treize ans. Par la suite, je l’ai entendue plusieurs fois, de manière un peu différente. Je savais que je raconterais un jour cette histoire. Je la traîne depuis très longtemps et ici, je me suis mis en tête d’aller écouter des bandes sonores, d’aller voir quelques documents et de refaire l’affiche en grand avec un graphiste. C’est également le cas pour un autre magicien dont on parle dans le spectacle. On n’avait pas de photos, mais seulement quelques éléments, comme un monocle. On s’est alors inspiré du personnage du Docteur Mabuse et de l’acteur qui l’incarnait dans le film, pour lui prêter un visage et une expression.
Alors, certains personnages se sont greffés à l’histoire, puis on les a enlevés par la suite. Ce que nous voulions, c’est raconter des histoires différentes pour apporter des émotions différentes. Car, à l’époque, il faut savoir que beaucoup d’artistes se ressemblaient, copies sur copies. Après, je me prends aussi une liberté d’auteur en mélangeant plusieurs personnages pour n’en faire qu’un seul. Mais voilà, je traîne des histoires et je les raconte au rythme des spectacles. Pour les prochains, je sais déjà lesquels vont sortir de ma mémoire. Puis, je pense qu’avec le temps et l’expérience, tout se cristallise. On crée son goût et ses envies.
Est-ce compliqué pour un mentalisme de se renouveler constamment ?
C’est le sixième spectacle et j’ai des fois l’impression de tourner autour de quelque chose qui me correspond. Il est certain que les spectacles se ressemblent car ils ont un ADN commun. Mais ils sont aussi différents parce que les époques racontées sont différentes, parce que les expériences sont différentes, parce que les histoires sont différentes. C’est marrant car je ne me pose pas vraiment cette question de ressemblance. Par exemple, ce que je voulais dans Mental Circus, c’était raconter l’histoire de Brooke et Winston en diffusant même leurs voix – toute la musique du spectacle est d’ailleurs disponible sur Spotify – et je l’ai fait. Cela ne ressemble à rien d’autre donc je ne me suis pas posé la question. Plusieurs choses du prochain spectacle sont occupées à se dessiner dans mon esprit et ce sera différent.
Peut-on revoir plusieurs fois le même spectacle ?
Des gens viennent voir le spectacle plusieurs fois. Certains ont envie de comprendre certaines choses, mais ils en ressortent encore plus perturbés. Ils se rendent compte que certaines choses fonctionnent à chaque fois et ils se disent : « Mais comment c’est possible !? ». Après, les histoires sont les mêmes, mais les gens ne sont pas les mêmes. Je compose avec les personnalités qui montent sur scène.
Cela peut-il parfois être difficile ? Etant donné que vous dépendez beaucoup de la personne qui vous accompagne sur scène…
Si c’est compliqué, c’est de ma faute. Cela veut dire que je n’ai pas réussi à créer les conditions pour que la personne se sente à l’aise. Certes, il y a des personnes plus timides que d’autres mais en général, ces dernières refusent de monter sur scène. Il n’y a aucune pression. Mais j’ai la chance d’avoir un public très participatif.
Vous avez sorti un roman en février 2022, « Apparition » aux éditions Fleuve. Cela vous permet-il d’explorer d’autres horizons, d’autres histoires ?
Pour moi, écrire un roman, un film ou un spectacle, c’est pareil. Ici, c’est un thriller psychologique, très sombre. On est dans un univers qui n’est pas celui de mes spectacles et qui n’est pas destiné aux enfants. Cependant, on reste dans le domaine de l’illusion et cela me permet, effectivement, de raconter des histoires que je ne pourrais pas raconter sur scène. Je vais d’ailleurs tourner un moyen métrage dans l’univers du livre « Apparition » au mois de janvier. J’aimerais en faire un long métrage, un jour.