Titre : Vertige
Autrices : Collectif
Editions : Casterman/La Revue Dessinée
Date de parution : 28 août 2024
Genre : Documentaire
Elle est loin l’époque où la bande dessinée portait fièrement sa désinvolture. Elle s’autorise, aujourd’hui, des sujets lourds car la demande pour une lecture plus digeste des problèmes de société, que permet un médium qui allie textes et images, historiquement avec une pointe d’humour, est en constante augmentation. Et de ce constat, nait La Revue dessinée.
Utiliser la tradition des magazines qui aux prémices du neuvième art était réservé à un lectorat en culotte-courte, pour répondre aux préoccupations des adultes, c’est la proposition de base de ce trimestriel. Un compromis entre le Spirou du fils et le Le Monde du père, en quelques sortes, puisque la revue propose des enquêtes à long-court, adaptées en bande dessinée.
L’énorme succès d’Un Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain témoigne, s’il le fallait encore, de l’intérêt du public pour une conception journalistique de la bande dessinée, mais surtout de la nécessité de simplifier l’indigeste sujet du réchauffement climatique. Dans Vertige, Casterman compile plusieurs enquêtes publiées à ce propos, dans la Revue dessinée, entre 2017 et 2023. Ce sont, à chaque fois, des auteurs différents. Il y en a, donc, pour tous les goûts, et de toutes les couleurs. L’intérêt de faire travailler plusieurs mains sur un sujet aussi peu consensuel est de multiplier les points de vue et donc les pistes de réflexion. C’est, justement, se jouer de son caractère non-exhaustif. Adapter la forme au fond.
Certains auteurs proposent une vision plus globalisante mais de manière générale, ils essayent tous de creuser un axe du problème en particulier. Le silence de Total qu’il faudrait condamner au même titre que l’industrie du tabac. Les communautés auto-suffisantes qui se sont créées à partir des prophéties de la collapsologie. Les fermes collectives comme solution sociale et environnementale à la brutalité de la réalité agricole. Ces thèmes là sont relativement mainstream dans la lutte pour une prise de conscience. Mais certains auteurs se sont concentrés sur ce dont on ne parle pas. On apprécie particulièrement découvrir, non sans effroi, que l’extrême toxicité des algues lorsqu’elle prolifèrent sur les côtes bretonnes à cause de l’agriculture intensive est cachée au grand public. Mais aussi que le monde des aides octroyées aux animaux en voie de disparition dépend du charisme de l’animal.
Pour impacter le public, certains ont choisi une esthétique délavée presque nostalgique. On se souviendra singulièrement des montagnes en lavis de Cécile Guillard, menacées par la fonte du permafrost. D’autres ont choisi le parti-pris de l’humour. Certains ont même osé l’absurde en réincarnant Steve Jobs dans la peau d’un employé congolais qui travaille dans les mines de lithium, esclave des temps modernes. Vertige est une manière de s’emparer du sujet sans le limiter. Mais comme tout ce qui traite du dérèglement climatique et de notre potentielle extinction, il est peu réjouissant.