Titre : Varlam
Auteur : Michaël Prazan
Editions : Rivages
Date de parution : 15 mai 2024
Genre : Documentaire, récit de voyage
Goulag, un nom qui glace comme les températures des vastes étendues de Sibérie dans lesquelles la plupart de ces camps ont été installés, un nom qui symbolise l’effroi et la douleur pour les millions de personnes qui y ont été enfermées et pour toutes celles qui y sont mortes, un nom qui évoque la terreur stalinienne mais qui, au final, n’est que la continuation et l’industrialisation d’un système d’éloignement et de colonisation déjà mis en place sous l’époque des tsars. Goulag, un documentaire de Michaël Prazan et dont Varlam, le présent ouvrage, est en quelque sorte le making-of.
Personnification d’une tragédie
Varlam est bien entendu une référence à Varlam Chalamov, le grand écrivain rescapé des camps et auteur des Récits de la Kolyma, mais également le nom que l’auteur a donné à un chat abandonné, transi de faim et de froid, recueilli lors du tournage du documentaire sur les camps du Goulag de la Kolyma, région de la Sibérie orientale que les Russes appellent l’enfer blanc. Avec ce chat, de Iakoutsk à Magadan en passant par la route des ossements, il va parcourir la Sibérie, filmant les vestiges des camps, recueillant le témoignage des survivants, remontant le temps de la période stalinienne jusqu’à la fermeture du Goulag en 1956, trois ans après la mort du dictateur.
Système productif
Et même si le récit est quelque peu adouci par l’empathie que l’on porte à ce petit miraculé, il reste effroyable car Varlam, cette pauvre créature recueillie dans des conditions inhumaines, est surtout la personnification de ces dizaines de millions de personnes qui ont essayé de survivre dans cet enfer, survivre aux conditions climatiques extrêmes et à la charge de travail, seul facteur qui déterminait la quantité de nourriture qu’ils recevaient. Une personnification qui, en plus des témoignages, aide à appréhender l’étendue, la gravité et l’inhumanité de ce système mis en place non seulement pour faire taire toute opposition et voix dissidentes dans l’empire soviétique mais surtout pour procurer une force de travail capable de réaliser les plans de développement nécessaires à la construction et survie de cet empire.
Hommage à tous ces anonymes qui n’existaient que sous forme de statistiques de production, Varlam éclaire dans un style sobre et empli de respect pour les victimes un pan d’histoire encore trop souvent dissimulé. Un ouvrage que l’on ne peut que vous conseiller, en complément du documentaire Goulag.