Vacancy
d’Alexandra Kandy Longuet
Documentaire
Sorti le 3 avril 2019
Les Etats-Unis, ce ne sont pas que les paillettes d’Hollywood, les start-up de pointe de la Silicon Valley et la réussite économique. L’Amérique, c’est aussi une population qui galère, d’autant plus depuis la crise de 2008. En posant son décor dans des motels miteux de l’ouest américain, Alexandra Kandy Longuet donne la parole à ceux qui ont tout perdu et tentent de joindre les deux bouts pour survivre. Bye bye l’American Dream.
« Le motel est devenu l’unique refuge pour les déshérités du système, des gens que rien ne prédestinait à devenir des marginaux ». Alexandra Kandy Longuet est partie en 2015 à la rencontre d’une Amérique totalement marginalisée depuis la crise financière de 2008, où un américain sur cinq est sans emploi ou sous-employé et 15% de la population vit de bonds alimentaires. En suivant trois personnes vivant dans ces lieux souvent insalubres, sa caméra nous dévoile pudiquement et sans jugement un quotidien de survie, où l’espoir s’amenuise de jour en jour.
Le cauchemar américain
Voilà une autre facette de ces lieux mythiques qui ont nourri notre imaginaire à travers le cinéma et l’« American way of life ». On est loin de Thelma et Louise, L.A. Confidential et autres fictions nous faisant voyager le long des interminables nationales traversant des paysages à couper le souffle. Ici, c’est l’envers du décor. Loin des fantasmes touristiques, pour ces victimes de la crise économique, le motel devient un ultime refuge, voire une prison. Alexandra Kandy Longuet a choisi l’état de Californie pour centrer ses recherches. « C’est une zone de contrastes, c’est l’un des états les plus inégalitaires du pays, qui concentre à la fois le plus grand nombre d’hyper riches et le taux de pauvreté le plus important du pays », explique-t-elle dans sa note d’intention. En rencontrant des travailleurs journaliers, d’anciens prisonniers et des associations d’aide aux familles sans-abri, elle s’est rendu compte que pour beaucoup d’Américains marginalisés, le motel était devenu le seul habitat possible. N’ayant pas de moyens suffisants pour assumer un loyer, le peu d’argent qui leur reste ou qu’ils gagnent péniblement part dans la location d’une chambre pour la nuit. Mais chaque jour, tout est à recommencer. Bien que ces séjours en motels leur permettent de reprendre leurs forces et d’envisager la suite, les locations sont chères. Le provisoire devient alors cyclique et leur angoisse quotidienne.
Des témoignages intimes
Beverly, la cinquantaine et qui lutte contre son addiction au crac, essaie de réunir les dollars nécessaires pour payer chaque jour sa chambre. Elle décore sa chambre de fleurs sauvages, fait sa lessive, se maquille avec ce qu’elle trouve et prépare son voyage pour assister à la remise de diplôme de son fils. Sans rien voir, on comprend qu’elle se prostitue quand elle n’a vraiment plus le choix. Manuel et Vern, la cinquantaine également, vivent dans un motel attaché à une pompe à essence désaffectée dans une zone désertique. Toutes les chambres ont été pillées, il n’y a ni électricité ni eau courante. Vern, informaticien de formation, arrive à fabriquer de l’électricité et des pièces électroniques avec ce qu’il trouve. Manuel s’est improvisé une douche avec un vieux tuyau et imagine rénover un jour l’une des chambres. Il regrette d’avoir jouer avec le feu quand il était plus jeune, d’avoir trempé dans des trafics et d’avoir tout perdu : femme, maison et argent. Malheureusement, on n’en apprend pas davantage sur leur passé, on a l’impression que la réalisatrice a posé la caméra et les a laissé parler. Cela rend leurs témoignages touchants et intimes, mais on aimerait comprendre comment ils ont pu en arriver là. Ce qui marque, c’est que ces gens vivaient convenablement auparavant et que la vie, la société et parfois même leurs proches les ont laissé tomber. Malgré une certaine résignation, tous trois entretiennent une routine quotidienne qui les rassure et leur donne force et dignité nécessaires pour continuer.