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    Une éducation orientale, du melting-pot graphico-culturel

    Scénario : Charles Berberian
    Dessin : Charles Berberian
    Éditeur : Casterman
    Sortie : 04 octobre 2023
    Genre : Guerre, Histoire

    Il ne faut jamais juger un livre à sa couverture. Avec ses airs de Riad Sattouf au rabais, ses trois personnages aux traits grossiers flottant, pantois, dans une page de bande dessinée rosie et surdimensionnée, celle d’Une éducation orientale est définitivement trompeuse. Ce que Charles Berberian nous propose n’est ni comique, ni linéaire, ni codifié. Passé la jaquette ultra conventionnelle, on se retrouve directement immergé dans une sorte d’expérimentation graphique qui prend pour point de départ le covid. Les photos d’un Paris fantomatique côtoient des croquis d’oiseaux en cage, un slip sur le bec en guise de masque. À quelques pages d’intervalle, ce sont, de nouveau, des photos qui nous interpellent, de nourriture cette fois – quelques essais culinaires, spécialité du confinement – et puis l’aquarelle d’une masure à flanc de montagne perdue dans une étendue de feuillage bleu nuit.

    Aucun fil rouge, aucune ligne directrice à ce début de récit, si ce n’est le parallèle entre la peur de l’épidémie et celle de la guerre civile. C’est l’occasion pour Charles de dessiner des ponts dans sa vie. Coincé dans son appartement, à noircir des carnets de croquis, il se souvient de son enfance à Beyrouth, du déménagement de la télévision dans le couloir, seul espace de la maison dont aucun mur ne donnait sur l’extérieur. L’ennui calfeutré, à peine dérangé par le crachat du récepteur cathodique. « Depuis cette époque, je me demande toujours quelle pièce dans un appartement serait la plus à l’abri des tirs ». En 1974, le jeune Charles vit avec son frère – qui par un drôle de hasard, se trouve être Alain Berberian, monteur à canal+ et accessoirement réalisateur du cultissime La cité de la peur – chez sa yayaka kouklaki mou, entendons la mère de sa mère. Fatigués d’une vie sans attaches territoriales qui les avait dernièrement conduits en Irak, les parents de Charles et Alain décident de les rejoindre définitivement. Mais la guerre civile éclate et avec elle, le rêve d’un foyer libanais.

    Le maître-mot est chaos. La chaos qui nourrit toute métropole, grouillante et dévouée au changement. Mais surtout le chaos d’un lieu sacrifié, mis à genoux dans une messe de tirs et de déflagrations. Guerre civile, explosion d’un entrepôt stockant du nitrate d’ammonium, attentat contre Rafik Harriri, le regard accusateur des prêtres jésuites et la statue de la place des Martyrs dont le doigt indique la direction des prostituées, Beyrouth s’offre à nous sous la forme confuse de souvenirs vécus et non-vécus. L’histoire de Berberian n’est que désordre : un désordre qui s’estompe en un patchwork de techniques graphiques. À la photographie qui symbolise l’immuabilité, se marie l’aquarelle vaporeuse qui lui préfère la suggestion. Et puis vient clôturer le trait, qui enferme les contours et donne une forme nouvelle au souvenir.

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