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    Une carte apparaissant dans le film Barbie pourrait être floutée aux Philippines

    Greta Gerwig verra probablement une scène de son film Barbie partiellement floutée aux Philippines, après avoir été complètement interdit de diffusion au Viêt Nam pour la même raison, à savoir un problème géopolitique.

    De fait, une scène présentant une carte de la mer de Chine méridionale a suscité la colère des autorités vietnamiennes et philippines. En cause, la représentation chinoise des frontières d’Asie du Sud-Est dite de « la ligne en neuf traits » – ou « langue de bœuf » pour les Vietnamiens – qui est considérée par les deux pays comme une violation de leur souveraineté, ces derniers revendiquant depuis des décennies les îles concernées par cette fameuse frontière.

    Pour cette même raison, des films comme Abominable (film d’animation américano-chinois) ou plus récemment la série chinoise Flight to You avaient déjà été interdits par le pays de la péninsule indochinoise.

    Concernant les Philippines, où le débat fait rage, le distributeur Warner Bros Pictures a réagi en écartant l’idée d’une carte politiquement orientée : « La carte est un dessin enfantin au crayon. Les gribouillis décrivent le voyage imaginaire de Barbie depuis Barbie Land vers le monde réel. Elle n’avait pas pour intention de faire une quelconque polémique ». Cet avis est également celui du MTRCB (ndlr : l’organisme de certification des films aux Philippines) qui affirme via un communiqué que « la scène fait partie intégrante du film » et « qu’il n’y a pas de représentation claire ni explicite de la ligne en neuf traits dans le film en question ». Mais depuis lors, la donne a changé et la censure aurait demandé à la Warner de flouter la carte controversée suite à un second visionnage du film.

    La ligne en neuf traits, c’est quoi ?

    En 1946, après la fin de la Seconde Guerre mondiale et profitant de la capitulation du Japon, la République de Chine (entendez le gouvernement qui s’exilera trois ans plus tard sur l’île de Taïwan) s’installe pacifiquement dans certaines îles de l’archipel des Paracels et de l’archipel des Spratleys, propriétés coloniales françaises depuis les années 1885 et de manière plus officielle depuis 1932, date de leur rattachement à l’Indochine. Une situation normale pour la République de Chine pour qui les îles font intégralement partie du territoire national, conformément à la carte Zhongguo nanhai daoyu tu dévoilée en 1935 par le gouvernement, en réaction à l’annexion des îles par la France. Toutefois, le Viêt Nam, par décret de son empereur en 1938, avait lui aussi considéré les îles comme parties intégrantes du pays.

    Dans les années 50, avec la disparition de l’empire colonial hexagonal et plus précisément de l’Indochine, la jeune République Populaire de Chine profite de la répartition erratique des îles au traité de San Francisco pour continuer à exploiter les eaux poissonneuses dans les deux archipels, malgré les revendications de propriété du Nord Viêt Nam. Ces dernières restent libres d’influences jusqu’en 1973, date à laquelle le Sud-Viêt Nam décide de mettre militairement la main sur les anciennes îles du Croissant. Mais un an plus tard, la Chine attaque les îles et inflige une défaite à leur voisin, incapable de répliquer après le refus de l’aide américaine, eux-mêmes en pleine débâcle militaire.

    Depuis, la Chine occupe les îles des deux archipels et continue de revendiquer d’autres îles, comme les îles Pratas (occupées par Taïwan), un récif et deux atolls submergés. Militairement, la Chine a accéléré sa présence ces dix dernières années avec la création de bases militaires de grande taille, de même que la création d’îles artificielles (et de bases militaires) sur des récifs autrefois inhabitables.

    Matthieu Matthys
    Matthieu Matthys
    Directeur de publication - responsable cinéma du Suricate Magazine.

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