Mise en scène Collectif Rafale, avec Sonia Massou, Julien Pierrot, Thibaut Lezervant. Du 18 au 20 octobre 2019 au Théâtre Varia.
Sanctuaire Sauvage est un spectacle original du Collectif Rafale, et coréalisé avec l’Espace Catastrophe, qui place la jonglerie et les portés acrobatiques dans un univers sonore tout à fait surprenant. De manière cohérente avec sa démarche artistique, le collectif Rafale prend inspiration d’un « instant sensoriel », un épisode dont les sens sont la principale clé de lecture. Un soir elle se retrouve à devoir aller dans la forêt avec son père. Elle lui dit que c’est trop sombre, on n’y voit rien. Elle lui exprime ses craintes mais se rend compte aussitôt que son père, aveugle depuis toute sa vie, n’a pas peur. Il ne craint ni le noir du soir ni la forêt. Il connaît le chemin par cœur et l’accompagne sans hésiter à la découverte d’une autre dimension sensorielle : la forêt devient un Sanctuaire Sauvage où chaque son célèbre la nature.
Cette introduction est dévoilée dès le début au spectateur au travers d’une narration assez orale (qui pourrait être un petit peu plus travaillée, toujours en gardant le côté authentique et sincère). Juste quelques phrases, parfois hésitantes, qui finissent par se répéter en créant une boucle sonore. On entend des pieds courir, et des souffles fatigués, des mots tout autour et des cris, parfois. On est entre le dehors et le dedans, dans cet entre-deux sensoriel où les pensées se mélangent aux perceptions.
Le reste du spectacle est assez physique et se déroule dans une sorte de ring duquel on rentre et on sort par quatre chemins qui semblent être les quatre points cardinaux. Les corps, très éloquents dans leur élan et leur prise de risque, dialoguent dans un langage fait d’acrobaties, de courage et de technique.
Même si on remarque quelques faiblesses dramaturgiques dans la construction d’un fil rouge qui puisse rendre harmonieux tous les passages de cette création, « Sanctuaire Sauvage » est sans aucun doute un spectacle expérimental et ambitieux. Chaque scène est adaptée pour les non-voyants, chaque action est commentée en temps réel et tout ce qui est exprimé est un dialogue interne, presque des mots faits pour être entendu seulement par soi-même : « ça bouge », « j’ai peur », « je tremble ». On entend ces pensées en regardant des professionnels sûrs dans leurs mouvements mesurés et on reconnaît clairement le décalage entre la façade de l’image et l’authenticité des ressentis intime, qui normalement ne sont pas extériorisés. Pendant la jonglerie on suit la rapidité des mouvements et l’immédiateté de l’image tandis que nos oreilles entendent les descriptions techniques de ces actions : « de la main droite à la main gauche puis l’autre de la tempe droite à la tempe gauche en passant par la nuque ». On devient vraiment conscient de l’intervalle de temps entre la perception visuelle et la compréhension des mots qu’on écoute, et des imaginaires différents créés par un sens ou un autre.