auteur : Emmanuel Moses
édition : du Rocher
sortie : septembre 2018
genre : roman
La tempête bat son plein lors d’une journée d’automne alors qu’un couple, Frédéric et Eugénie, traverse le parc et fait la rencontre d’un homme, Yves, tout aussi perdu qu’eux. Chacun ne souhaite qu’une chose : retrouver son chemin afin de vaquer à ses occupations. Eugénie a des obligations pour le travail ; quant à Yves, un rendez-vous galant l’attend. Mais la journée ne va pas se passer comme ils le souhaitent. En effet, la tempête devient de plus en plus forte et les oblige à trouver refuge dans une cabane. Là, un père et sa fille, Miranda, attendent eux aussi que la tempête s’achève enfin. Enfermés dans ce huis clos s’en suit alors pour nos personnages une longue nuit éclairée de réflexions philosophiques…
De prime abord, on se demande pourquoi l’auteur s’efforce à tirer en longueur la description de l’automne et de la tempête. La phrase est longue, trop longue, au point d’occuper parfois toute la page sans interruption, ce qui nous rappelle l’écriture de François Emmanuel. Mais très vite, on est embarqué dans une intrigue qui nous fait inévitablement penser à La Tempête de Shakespeare, qui raconte l’histoire de Prospero souhaitant se venger de son frère en utilisant la magie. En effet, il utilise celle-ci pour provoquer un naufrage, ce qui poussera ce dernier et ses deux compagnons à s’échouer sur une île déserte où ils mèneront une quête initiatique.
Et Les anges nous jugeront rappelle cette œuvre magistrale de par le fait que, victimes de la tempête, les cinq personnes sont eux aussi forcés de se retrouver ensemble et d’ainsi passer une nuit initiatique. Et plus l’on avance dans le roman, plus ce dernier nous rapproche de la pièce de Shakespeare de par les rôles que Frédéric, étant comédien, se plait à jouer pour passer le temps, ainsi que par cette alternance de réel et de surnaturel qui habite la cabane. Notamment lorsque la petite Miranda arrive à déplacer la flamme d’une bougie par la pensée, ce qui fait écho aux dons magiques d’Ariel et de Caliban, fidèles compagnons de Prospero.
Mais ce qui est le plus remarquable dans Les anges nous jugeront, c’est la manière à la fois simple et poétique que Moses adopte afin de nous raconter les réflexions philosophiques de ces cinq personnages, qui nous amènent à nous questionner à notre tour : qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Qu’est-ce qui est loin, qu’est-ce qui est proche ? Mais surtout, ce roman nous amène à nous interroger sur le paradoxe de la littérature à travers sa capacité à établir un rapport à la réalité et à la fois, à s’en éloigner.
Et c’est exactement ce qu’il se produit pour nous, lecteurs, dans Les anges nous jugeront : nous sommes à la fois embarqués dans l’imaginaire du roman en étant enfermés dans cette cabane en compagnie des personnages, mais nous sommes aussi amenés à réfléchir sur le sens de la vie.