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    Un écrivain bâillonné : l’art du narcissisme révolutionnaire

    Titre : Un écrivain bâillonné
    Auteur : Jack Thieuloy
    Editions : Séguier
    Date de parution : 18 avril 2019
    Genre : essai

    Peu de gens se souviennent de lui. Et pourtant, à l’époque il avait su se faire remarquer, l’écrivain qui n’était pas tant connu pour le génie de sa prose que pour son tempérament impulsif et son comportement violent. Car Jack Thieuloy ne se laisse pas faire, surtout face aux magnats du monde de l’édition. Il commence, en traitant Gallimard d’ « escroc » pour  avoir sciemment coupé dans l’un de ses textes et finit en prison, prétendument à l’origine d’un attentat contre l’un des représentants de la bien-pensance littéraire.

    Dans Un écrivain bâillonné, Thieuloy fait la compilation de ses revendications. Il faut dire que l’homme n’a pas été épargné. La plupart des maisons d’éditions refusent ses textes car ils ne correspondent pas aux lectures standard des consommateurs et les rares qui acceptent de le publier lui mentent et se servent de lui. Thieuloy décrit alors, avec beaucoup de cynisme et d’arrogance, comment ces hommes de lettres – car dans le tas tous y passent, qu’ils soient érudits, écrivains ou éditeurs – ne cherchent qu’à faire du profit, loin de se soucier de la beauté de leur art. Et plus Thieuloy hurle son mépris, plus il s’enlise dans ce rôle de mouton noir qu’il s’est lui-même créé, car personne ne veut s’enticher d’un homme incontrôlable qui pourrait bien faire chuter les ventes. Très vite, l’écrivain dérange plus qu’il n’amuse.

    Mais malgré tout ce qu’il endure, Thieuloy reste convaincu de son talent. Si il est incompris de ses contemporains, c’est qu’ils ont l’esprit faible. Le prétentieux s’accroche à l’espoir d’un succès posthume. Et si l’espoir fait vivre, dans ce cas il fait écrire. Il est vrai qu’on peut bien le lui reconnaître, ce fils de manant est un érudit. Il manie les mots avec agilité et mélange, non pas sans une touche d’originalité, franc-parler et vocabulaire soutenu. Mais les libertés qu’il s’octroie avec la langue et le caractère compact et décousu de son texte en rendent la lecture parfois un peu indigeste.

    Un autre problème que comporte ce livre, et dont l’éditeur Seguier est très au fait, c’est l’arrogance et l’égocentrisme de l’auteur. Au début, on se moque gentiment de cet écrivain qui se croit meilleur que tous, mais très vite on se lasse de cette victime qui n’a jamais tort et qui invective sans cesse ceux qui ne partagent pas son point de vue. Mais bien sûr, comme expliqué dans la préface, Seguier ne publie pas Thieuloy pour son humilité mais bien pour ce qu’il donne à voir de l’univers littéraire post soixante-huitard. Malheureusement, la personnalité de l’auteur a un impact sur son propos.

    Car Un écrivain bâillonné s’ouvre – comme c’est parfois le cas dans les curiosités que publie Séguier – sur une très longue préface. Et si dans le cas du livre de Pierre Goldman, il était nécessaire d’écrire une introduction complète pour montrer comment l’existence compliquée de l’auteur a inspiré l’écriture de son personnage, dans Un écrivain bâillonné, la préface, certes bien documentée, est spoilante. Si bien que du livre, il ne reste plus grand-chose à découvrir si ce n’est les railleries d’un révolutionnaire sans nuance. Finalement, l’apport d’un tel témoignage semble un peu faible face aux défauts que comportent encore l’œuvre ainsi publiée.

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