De Loris Feuliot, mise en scène de Jean-Luc Duray, avec Jacqueline Préseau, Manuela Ammoun, Vincent Lambert, Gérard Gianviti et Jean-Luc Duray
Du 9 septembre au 2 octobre 2016, à 20h30 au Théâtre de la Flûte Enchantée
Un homme et sa femme se détestent cordialement et se prennent tous deux à rêver de meurtre. L’un et l’autre réfléchissent à la meilleure manière de se délester de son cher et tendre. Tandis qu’elle parvient à soutirer à la pharmacienne que le poison est l’arme la plus efficace, il fait dire à un avocat renommé que le plus pratique est encore le couteau. Mais quand viendra le moment de passer à l’acte, qui aura un coup d’avance ?
Cette prémisse fait évidemment penser à bon nombre de pièces de boulevard – notamment Le noir te va si bien de Saul O’Hara –, voire même à une vieille blague triviale sur les joies du mariage. Le début de cette création du Théâtre de la Flûte Enchantée – deuxième pièce jouée de Loris Feuliot – s’éloigne néanmoins de l’idée que l’on pourrait s’en faire à priori. La première scène, tout particulièrement, contourne les canons du genre boulevardier en retardant le plus possible la première réplique et en limitant au maximum les dialogues, restant longtemps dans un déroulé de grimaces, bruitages et onomatopées, presque burlesque.
Mais très vite, les lois du théâtre de boulevard reprennent leurs droits et la parole le dessus, notamment avec l’apparition de personnages secondaires. Si l’on décelait déjà une petite touche de misogynie ordinaire derrière le portrait forcé de la grosse femme alcoolique et castratrice dans la première scène presque muette – prothèse ventrale et accent grotesque à l’appui –, cette idée se précise lorsque le mari désespéré met des mots sur son calvaire quotidien. La manière qu’à la pièce de légitimer, sans avoir l’air d’y toucher, la volonté du mari de se débarrasser de sa femme principalement à cause du physique ingrat de celle-ci, est tout de même très problématique.
Bien sûr, la pièce réserve quelques retournements de situations bien sentis, quelques morceaux de bravoure – dont une très bonne scène de répétition d’un procès – et l’on sort du théâtre avec l’impression de ne pas s’être ennuyé un seul instant, mais il faut bien reconnaître que les enjeux qui sous-tendent le texte restent très réactionnaires.
Cela dit, l’on ne peut pas parler d’une représentation au Théâtre de la Flûte Enchantée sans parler de l’ambiance conviviale qui règne dans ce petit théâtre familial ou de la proximité dans laquelle se trouvent spectateurs et comédiens. Il est difficile de rester insensible à ce charme, d’autant plus que la distribution d’Un coup d’avance est presque uniformément parfaite et que l’abattage collectif fait beaucoup pour une pièce qui n’est peut-être pas à la hauteur de cet investissement.