Titre : Trois incendies
Auteure : Vinciane Moeschlertre
Éditeur : Stock
Sortie : 2 mai 2019
Genre : Drame, historique
Trois incendies est un roman sur le destin de trois femmes à trois époques différentes. La première, Léa, est une jeune préadolescente qui a fait l’expérience de l’exode puis de l’occupation allemande dans les Ardennes belges pendant la seconde guerre mondiale. Alexandra, sa fille, travaille comme photographe de guerre dans les années 1980. Maryam, enfin, la fille d’Alexandra et donc la petite-fille de Léa, étudie à Bruxelles dans les années 2000.
Gérer le traumatisme de la guerre
Chacune à sa manière est marquée par l’expérience de la guerre. En 1940, Léa découvre l’exode, les pillages, puis l’occupation, la résistance… Ces épisodes sont évoqués du point de vue de leur impact sur la jeune fille, au-delà des clichés habituels. Alors que sa famille sort meurtrie de la guerre, Léa a la chance de se faire parrainer par une famille suisse. Elle part pour Genève en 1945 et y commence une nouvelle vie. Mais elle ne peut pas s’empêcher de transmettre son traumatisme à sa fille Alexandra, à laquelle elle fait regarder de nombreux documentaires sur la guerre. Pour « ne pas oublier ».
Alexandra développe par la suite une sorte fascination pour les conflits armés et devient photographe de guerre. Sa mission lors de la guerre civile au Liban en 1982 marque toutefois un tournant. C’est le moment où les Phalangistes, une milice chrétienne, massacrent plusieurs centaines de civils (de 460 à 3 500 victimes, selon les estimations) dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. Après avoir été témoin de cette boucherie, la santé mentale d’Alexandra se dégrade et elle met du temps à se remettre de sa dépression. Son récit offre une réflexion intéressante sur le métier de photographe de guerre. Jusqu’où peut-on aller pour transmettre les images d’un conflit ? Comment concilier vie familiale et vie professionnelle quand on peut être appeler à partir à l’étranger à tout moment ? Comment se reconstruire après avoir été témoin d’un massacre d’une incroyable violence ?
Le duo mère-fille : une relation difficile mais structurante
Maryam quant à elle souffre des absences prolongées de sa mère, régulièrement envoyée prendre des photos dans les zones de conflit à travers le monde. Elle refuse de partager cette obsession familiale pour les conflits violents et fait le choix de s’intéresser aux animaux.
Le lien familial fort entre les trois femmes renforce l’intérêt du lecteur pour chacun des récits parallèles. Le mode de narration interroge d’ailleurs directement leurs relations l’une à l’autre. Alors que Maryam s’exprime à la première personne, l’histoire d’Alexandra est racontée à la troisième personne, et celle de Léa à la deuxième personne. Ce « tu » inhabituel semble d’ailleurs faire écho à la perte de mémoire de Léa, atteinte de la maladie d’Alzheimer à la fin de sa vie. On comprend petit à petit que c’est sa petite-fille qui lui parle. Maryam lui remémore son passé, grâce aux souvenirs collectés par Alexandra. Une façon de « boucler la boucle » et de souligner le destin à la fois si différent et si semblable de ces trois femmes en quête d’indépendance.