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    Trivialité poétique et fable intestinale avec Géants au théâtre Varia

    De la Compagnie Karyatides. Mise en scène de Karine Birgé. Avec Cyril Briant et Marie Delhaye (en alternance avec Estelle Franco). Du 20 janvier au 28 janvier 2023 au Varia.

    La pièce s’ouvre sur un décor construit avec la dextérité minutieuse qui caractérise la compagnie Karyatides ; sont disposés sur l’espace scénique, une tête de sanglier, une table, et des roseaux. Le jeu de lumière clair-obscur rappelle une nature morte hollandaise, ainsi l’univers sonore et les visuels engloutissent les frontières spectacle et spectateur. Les Géants, ici Roi et Reine, réveillent des mythologies familières du folklore traditionnel et représentent métaphoriquement le monde du mal. Mais, ici la vision n’est pas si manichéennes, leurs faiblesses typiquement humaines – gourmandise, ballonnement et solitude – les rendent tendrement pathétiques.

    Pour combler les appétits gloutons du bas ventre et leur soif d’autorité, les Géants semblent prêts à tout, cavalant à travers des gaz intestinaux qui rappellent étrangement des effluves lacrymogènes et trichant dès que l’occasion leur est donnée. La nourriture n’est pas la seule à être dévorée, c’est le peuple qui se voit consumé sous l’emprise de cette consommation de masse entraînant une déchéance plus délétère que jouissive. Car, tout est lié, l’alimentation trop riche de la Reine, les coliques du roi qu’il soulage secrètement derrière un buisson et la recherche désespérée d’idéaux dans cette brume confuse. Le plumage blanc et pur d’un cygne que le Roi vient souiller pousse la diatribe et l’allégorie satyrique jusqu’au bout.

    Les grands hommes et les petites marionnettes se font entendre par des dialogues vains où la parole est trouée par le désir de supériorité des puissants et la fatigue grandissante de ceux qu’ils dirigent réduisant le langage à une fonction phatique. La vacuité de ce brassage tisse un récit aussi mythique qu’incongru où l’insolence se trouve contrebalancée par l’invitation au jeu. La bande-son est tout aussi chargée de références que les objets, formant un ensemble harmonieux entre théâtre traditionnel et mise à mal des codes. Cette pièce intimiste offre au regard des petits et des grands un curieux mélange de plaisirs scatophiles et de poésie tirée de l’imaginaire de l’enfance. Phase anale, phase orale et fabulations oniriques convergent pour parler d’un mal séculaire : la dominance des gouvernants sur le peuple qui, au final, créé un monde où personne n’est vraiment satisfait.

    Un script politique, mais pas politiquement correct où les flatulences résonnent en écho aux angoisses persistantes et où un ver solitaire tamise la solitude intestinale du corps qu’il habite. L’amour n’est donc pas exclu de cette fable déjantée et ouvre le script sur l’espoir d’un monde meilleur aux alliances inattendues. Karine Birgé, Cyril Briant et Marie Delhaye (en alternance avec Estelle Franco) signent une nouvelle fois une révision des classiques originale et précise.

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