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    Les errances cinétiques de Chantal Akerman au BOZAR avec la Cinématek

    Travelling fait référence au déplacement, à l’espace-temps particulier du voyage, au mouvement de la caméra. En collaboration avec CINEMATEK et la Fondation Chantal Akerman, la curatrice Laurence Rassel, en collaboration avec Céline Brouwez et Alberta Sessa, pense cette exposition comme un fil cinétique insaisissable. Dans une douzaine de salles du vaste palais des beaux-arts, s’étendent des productions connues ou inédites de Chantal Akerman, figure majeure du cinéma moderne.

    Années 80; les (4) (contact sheet) (@ Fondation Akerman) (Akerman)

    C’est un véritable travail d’archive et de mémoire qui a été effectué en amont du montage scénographique. L’historique familial – sa mère est une survivante des camps, sa grand-mère y est morte – pourrait être une impulsion à la créativité, pas en tant que sujet, mais en tant que vide à combler. « Tout mon travail (…) est né d’une sorte de trou », décrit-elle. Ce trou, c’est avec des bribes d’imprévu qu’elle le remplit, un viseur sur l’épaule. Des textes accompagnent les vidéos, qu’ils soient cartels ou créations littéraires ils nous permettent une immersion profonde dans son univers grâce à leur finesse poétique et autobiographique. Après avoir visionné son premier court-métrage réalisé pour son entrée à l’INSAS, nous entrons directement dans une relation de promiscuité avec Chantal Akerman, l’extrait d’un film la montre à demi-nue, s’auto-examinant dans le miroir et disséquant sa silhouette. Ni narcissisme, ni apitoiement devant ce reflet, son rapport à l’image est constant : fragmenté et intimiste.

    Le corps, que cela soit le sien, celui de ses proches ou de passants dans la rue tient une place importante, il se diffracte dans l’espace, s’interroge, se replace pour mieux s’extraire du contexte qu’on lui impose. Ces portraits audacieux expriment des paradoxes internes avec dérision, il n’y a pas de parti pris, la liberté est teintée d’angoisse, l’érotisme de pudeur et la violence de beauté. C’est dans un mouvement de subtils va et vient que l’on peut se saisir de ce que signifié être un.e artiste selon elle. Grâce au cinéma, elle intervient dans la structuration de son rapport à la masse, elle la rend inégale, bigarrée et évite toute linéarité que cela soit dans la narration ou dans l’esthétique. Qu’il s’agisse de huis-clos ou de paysages urbains, il n ‘y a ni début, ni fin.

    JEANNE DIELMAN, 23 QUAI DU COMMERCE (set photo 2) – Fondation Chantal Akerman © Virginia Haggard-Leirens

    Réunies pour la première fois, ces œuvres mouvantes entrent en dialogue et créent un récit contemporain. La rencontre avec les œuvres est physique car l’on peut s’en rapprocher les effleurer et se laisser imprégner de leur essence. En grand format, épousant presque la totalité du mur, ou en petits, fonctionnant en série, elles sont présentées comme des entités vivantes. On commence le voyage à Knokke, Chantal Akerman explore la ville pour en extraire les vibrations infraliminaires. C’est avec tendresse qu’elle accueille les hasards et les mue en objets d’art. Elle ne prend pas la posture d’une journaliste ni d’une militante, elle vogue d’un territoire à l’autre avec une acuité visuelle hors du commun. Ce travail mobilise notre capacité à appréhender un mouvement et non à trouver une vérité stable dans les images.

    D’Est, au bord de la Fiction nous emmène à travers vingt-quatre moniteurs – plus un, dans la salle du fond – en Russie. Les écrans télévisés forment des conversations scripturale et graphique, un extraordinaire sens du mystère et de la quête en émane. Encore une fois, la notion de territoire s’efface pour préférer la notion de perception. La dernière pièce est saisissante, dans les zones arides du Moyen-Orient des paysages défilent sur une série d’écrans. On a la sensation d’être dans un véhicule fuyant et rattrapant quelque chose à la fois. La caméra tremble, le fil à suivre est insaisissable, il menace de se rompre à chaque sursaut, la tension rythmique de la bande son nous maintient en alerte. La mer et la ville se font face, représentant symboliquement le flot migratoire d’une rive à l’autre. Cette installation s’appuie sur les lignes de la guerre et de la peur, deux notions difficiles à capter dans leur totalité : l’atmosphère est tendue (…) comme celle qui précède les grands orages.

    Collections CINEMATEK & Chantal Akerman Foundation- © Jane Stein

    Ces vidéos n’obéissent à aucun ordre procédural ou politique, elles se dessinent plutôt sous la forme d’ingénieuses machines à imaginer. Comme l’indique l’un des cartels, la chronologie ne prétend pas à l’exhaustivité, elle se déroule à l’image d’une série de tableaux, la griffe reste subjective. Bien que la réalisatrice nous ait quittés il y a quelques années, ces inventions cinétiques tournent et tournent encore et n’en finissent pas d’élargir notre vision du monde et de l’art.

    • Où ? BOZAR, Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
    • Combien ? 16€, différents tarifs réduits possibles
    • Quand ?  du 14 mars 2024 au 21 juillet 2024 et du mardi au dimanche de 10h à 18h

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