Qu’est-ce qu’un « tour du monde en solidaire » ?
Nous sommes partis un an pour travailler bénévolement pour l’ONG ADRA. Nous avons choisi nos destinations en fonction des projets, donc notre tour du monde n’a pas suivi une trajectoire traditionnelle : nous avons été en Mongolie, au Kirghizistan, en Equateur, en Indonésie et au Vanuatu.
Quelles étaient vos motivations ?
Avoir une expérience à l’étranger et dans l’humanitaire était quelque chose dont nous avions envie depuis longtemps, afin de ne plus être simples spectateurs. De retour d’un voyage au Japon, nous avions le « blues d’après voyage » et souhaitions repartir rapidement. Cela a démarré comme une blague : « Allez, on se fait un tour du monde ! ». On a regardé combien cela coûtait concrètement, on s’est emballé et avons fini par concrétiser ce tour du monde engagé.
Comment avez-vous choisi l’ONG pour laquelle vous avez travaillé ?
Il y a 10 ans, Jonathan était parti avec ADRA au Burkina Faso. Cela a été une révélation. Il a alors voulu s’impliquer plus dans le bureau belge, en réalité inexistant, car il s’agissait de quelques volontaires qui tenaient cela à bout de bras. Il est ensuite devenu administrateur bénévole et a suivi le développement de projets au Burundi notamment.
Quoiqu’elle ait des donateurs fidèles depuis de nombreuses années, ADRA est peu connue en Belgique. Elle est pourtant parmi les plus grosses ONG dans le monde. Elle a des bureaux locaux dans presque tous les pays et un échelon international dont le rôle consiste à améliorer et revaloriser les conditions de vie dans les pays émergents, sans faire de distinction de quelque nature que ce soit (sexe, origine ethnique, appartenance religieuse…).
Au-delà des intentions louables, n’y avait-il pas un risque de faire du « volontourisme »* ?
Non, car ADRA ne fonctionne pas comme cela. Les projets sont cohérents : ils viennent toujours d’une demande locale puisque d’un endroit à l’autre les problématiques ne sont pas les mêmes. La majorité des directeurs sont des expatriés avec des équipes sont 100% locales. Nous voulions aussi nous impliquer au minimum deux mois dans chaque projet, pour faire un travail qui tienne la route.
D’un autre côté, même si nous avons beaucoup travaillé, nous avons aussi fait des visites le week-end. On en a parlé avec des responsables locaux : même pour du volontariat, c’est important d’être bien dans ce que tu fais et dans ta tête. Si tu ne sors pas de l’association, ne découvre pas un minimum le pays, l’expérience risque d’être moins bien vécue. C’est donnant-donnant, il n’est pas question de se sacrifier.
Où avez-vous été et qu’y avez-vous fait ?
En Mongolie, nous avons réalisé une vidéo de promotion pour le projet « HOPE » qui vise à améliorer les conditions de vie des enfants handicapés. Jonathan a créé une banque de graines et Magali a donné des cours de cuisine dans le cadre d’un projet de permaculture.
Au Kirghizstan, nous avons développé un projet pour installer un système de revalorisation des déchets organiques grâce à leur transformation en biogaz et nous avons distribué des chaussures à des enfants pour favoriser leur scolarité.
En Equateur, nous avons donné des cours d’entreprenariat aux femmes vulnérables de Guayaquil afin de leur permettre de lancer leur propre affaire.
Nous avons pris des vacances en Indonésie.
Au Vanuatu, Magali a restructuré les formations « WASH », autour de la gestion de l’eau et de l’hygiène, et a aidé à la mise en place d’un projet de prévention des grossesses non désirées. Jonathan a réorganisé des stocks de matériel.
(Pour plus d’explications sur les projets et des anecdotes, voir en fin d’article.)
Qu’avez-vous pu apporter aux différents projets ?
Quand nous sommes partis, nous voulions du concret, de l’action, mais au final notre travail a consisté à 90% à monter des projets, assis derrière un ordinateur. Des bénévoles comme nous, avec un peu d’expérience, un bagage professionnel (ndlr : de formation, Magali est professeure de français dans le secondaire supérieur et Jonathan est conseiller en écologie), qui prennent un an pour s’impliquer, ce n’est pas si courant et c’est intéressant pour une ONG en termes de compétences. De la main-d’œuvre, ils en ont, ce qui manque c’est des gens pour monter, organiser et faire évoluer les projets, écrire des dossiers. Finalement, ce qui ne semble pas concret peut aussi le devenir, comme au Kirghizstan où nous notre action va avoir un impact direct sur la vie de 120 enfants ! S’il marche, le projet pourra être répliqué.
Outre l’Indonésie, avez-vous pris d’autres vacances?
Nous avons aussi pris une semaine de vacances dans les steppes mongoles. Elles sont immenses. Silencieuses. Nous sommes restés avec une famille géniale ! Nous avons vécu des moments intenses, appris des jeux, le mari chevauchait son taureau pour nous faire rire, sa femme lui courait après… Nous ne parlions pas la même langue, mais nous avons le souvenir de grandes conversations !
Il faut dire, cette famille était particulièrement ouverte, ce qui n’est pas si courant chez les Mongoles. On a d’ailleurs un peu perdu nos illusions sur l’accueil nomade. L’hospitalité est contrainte, il s’agit d’une question de survie dans un endroit aussi rude. Il ne faut pas confondre cela avec un accueil chaleureux : ils te jettent ta paillasse, ton assiette et ils tirent le plus souvent la tête.
Avez-vous eu d’autres « chocs culturels » ?
En Mongolie toujours, ils n’ont pas de notion de propriété. Tout appartient à tout le monde, mais si tu ne le sais pas, cela mène à des situations bizarres, voire un peu tendues. Au bureau, nous avions réussi à nous procurer des Oréos, un petit plaisir sacré que nous prenions le temps de déguster. Une fois, une collègue est passée et en a pris plusieurs, comme cela, sans demander ni dire merci. Une autre fois, quelqu’un avait amené un gâteau d’anniversaire et personne ne nous en proposait. On se sentait un peu exclus. Mais il fallait juste se servir, sans demander. C’est pareil dans une yourte : n’importe qui peut entrer, s’y installer, utiliser quelque chose et partir.
Qui dit voyage, dit nourriture locale. Des anecdotes ?
On a mangé pas mal de trucs bizarres en Mongolie. Ils adorent la graisse de mouton et la soupe d’os broyés. Ils ont aussi un thé salé avec de la graisse et du lait de jument fermenté non pasteurisé. La première fois que nous en avons bu, nous étions dégoûtés. Maintenant, on aime bien et on trouve que ça désaltère. Leurs biscuits sont aussi particuliers, ils ont un petit goût très amer et acide. Après la visite dans les yourtes pour le reportage, on en avait plein les poches : on n’aurait pas su les manger. Mais ça va dans les deux sens. Nous avons une fois donné un Fruitella à un petit garçon handicapé : il s’est décomposé quand il l’a mis en bouche (rire). Il a failli le recracher sur le moment, puis a attendu pour le faire discrètement.
Il y a aussi eu un repas où notre guide nous a offert une tête de mouton qui trainait dans une bassine depuis plusieurs jours. Cela nous paraissait peu appétissant, mais c’est en réalité considéré comme un met très bon et réservé aux occasions spéciales. Magali a décliné la nourriture, elle n’aurait pas su. Par contre, Jonathan ne regardait pas ce qu’il mangeait sur le moment et Magali lui disait après : une oreille, de la joue, un bout de langue. Il n’a pas goûté les yeux, mais les locaux adorent ça.
Après, au Kirghizstan, on est devenus dingues dans les bazars devant la nourriture abondante, les fruits, les légumes. Et cela nous coûtait très peu, on avait assez avec 10€ par semaine pour deux !
Un tour du monde doit faire prendre conscience des différences de niveau de vie, non ?
Au Kirghizstan, un couple d’amis de notre âge gagne 300€ par mois. C’est considéré comme très intéressant, sachant que le salaire moyen est de 80€ par mois, et cela leur permet de faire vivre leurs parents. Pourtant, quand ils te demandent ce que tu gagnes, ou te disent qu’ils veulent voyager comme toi, tu es mal pris. Rien qu’un billet Kirghizstan-Belgique revient à 400€ A/R. Là, tu réalises que des jeunes adultes comme toi, avec les mêmes rêves, sont dans une prison économique. Et quand ce n’est pas l’argent qui bloque les gens, c’est le visa. Deux Equatoriennes veulent venir nous rendre visite en Belgique, mais les démarches sont compliquées. Face à des situations comme ça, tu te sens impuissant.
En étant « là-bas », a-t-on un autre regard sur « ici » ?
Avec plus de distance, on se rend compte que l’Europe est une forteresse angoissée qui pense que le monde est dangereux : « Ayez peur de vos voisins ! Fermez vos portes ! ». Tout est fait pour maintenir la peur et la morosité. Le monde est bien moins dangereux et horrible que ce que l’on essaye de nous faire croire.
Ce n’est pas nécessairement volontaire, il ne s’agit pas d’un complot des journalistes, et c’est important que les gens soient au courant de l’état des choses, mais il y a la manière de traiter l’info et de la prioriser. Des gens et des associations se démènent derrières les caméras pour changer les choses, mais à l’écran, le moindre petit fait divers est monté en épingle.
Tout au long de votre séjour vous avez tenu à jour un blog. Est-ce un bon moyen de garder contact avec les proches et les amis ?
Le blog était à la base un moyen de mettre en avant l’ONG ADRA et de tenir informés de notre action tous les gens qui nous avaient soutenus. Garder contact avec sa famille et ses amis via un blog est à double tranchant. Les gens avaient de nos nouvelles, mais ne pensaient pas à nous en donner, donc c’était asymétrique. Et tu as aussi l’inverse, des inconnus qui connaissent toute ta vie. Arrivés en Indonésie, une fille nous a même interpellés dans la rue. Elle connaissait bien notre blog, car elle s’était renseignée pour son tour du monde qu’elle venait juste de commencer ce jour-là !
Une telle expérience, ça renforce un couple ?
Un voyage pareil est un accélérateur : on a vécu 10 ans de vie normale en un an. Ça passe ou ça casse, car tu es 365 jours par an, 7 jours sur 7, 24h sur 24 avec ton conjoint. Dans notre cas, cela nous a renforcés et nous sommes plus apaisés. Au moment de notre départ, nous étions en couple depuis 8 ans et nous avions déjà pas mal voyagé ensemble. Cependant, il n’y a jamais de garantie. Nous connaissons des voyageurs dont le couple, pourtant solide, n’a pas tenu le coup, car leur vision de l’avenir avait changé.
Il faut être attentif et sans cesse discuter, car les deux partenaires ne vivent pas le voyage de la même façon. Nous avions par exemple beaucoup réfléchi à notre choix en cas de possibilité d’expatriation pour un boulot. Nous nous étions aussi mis d’accord que si l’un de nous étaient vraiment mal ou à pas à son aise quelque part, l’autre ne discutait pas ce ressenti, on allait à l’hôpital ou on bougeait.
Un tour du monde, cela en fait rêver beaucoup, mais ce n’est pas pour autant une aventure facile.
En Mongolie, notre première destination, c’était difficile : nous étions dans une petite chambre, il n’y avait pas d’eau chaude, des coupures d’électricité. De plus, le directeur sur place venait de partir et les équipes ne savaient pas trop pourquoi nous étions là. Pour Magali, cette période correspondait à la rentrée des classes et cela suscitait de la nostalgie. Dans ces moments-là, on se demande pourquoi on est partis. Et il y a plein de moments stressants ou difficiles, comme quand Magali a été très malade. Là tu te sens « homesick » : des choses simples comme la nourriture de chez toi, de la soupe !, te manquent. Puis, voyager, c’est sacrifier momentanément certains aspects de ta vie. Tu es par exemple loin de tes proches quand ils traversent des événements heureux ou des épreuves.
Il faut donc nuancer, mais évidemment, on ne regrette pas ! On est fiers d’avoir été capables de le faire. Nous avons pris conscience que les seules limites sont celles qu’on se met. Il est possible de réaliser beaucoup de choses. Il n’y a d’ailleurs pas un profil type pour ce genre de voyage : nous avons croisé des retraités californiens en Equateur, des jeunes, des couples avec enfants, un Français de 20 ans qui ne s’en sortait pas dans ses études et qui a tout lâché pour voyager, etc.
Une phrase vous hérisse le poil : « Comme vous avez de la chance ! »
Oui, nous la détestons (rire) ! Car c’est une question de priorités et de concrétisation, pas de chance. Tu as un rêve ? Es-tu prêt à mettre des choses en place pour le réaliser ? Si oui, tu te bouges. Si non, ce n’est pas grave, tous les rêves ne doivent pas être réalisés, mais alors il ne faut pas se plaindre ou envier les autres.
Cela nous a pris un an pour préparer le projet, récolter des fonds, économiser, etc. Il faut être réaliste, ce n’est pas parce que tu fais du social que les questions d’argent deviennent accessoires. Il faut préparer le voyage et « vendre ton produit » pour amasser les fonds nécessaires. Nous avons par exemple monté un cabaret équestre pour 600 personnes. Des amis cavaliers s’étaient engagés à faire le spectacle, mais tout le reste était à organiser. On s’est démené, on a engagé beaucoup de fonds propres, on a fait jouer notre carnet d’adresses, on a beaucoup stressé… et puis cela a été payant !
Comment se passe le retour ?
Le retour est dur, car nous sommes encore dans une bulle, en décalage avec nos proches. Eux comme nous avons pris certaines habitudes pendant cette année. Nous étions absents lors de certains événements, difficiles ou heureux, et nous n’avons pas certaines références communes de ces moments. Il faut retrouver sa place, ce n’est pas facile.
D’un point de vue professionnel, nous avons eu des propositions d’emploi à l’étranger, mais nous avons décidé de revenir. Magali a pu reprendre son emploi d’enseignante dans la même école, ce qui n’était absolument pas garanti, et Jonathan va commencer à travailler en tant que premier directeur, et pour le moment seul employé, d’ADRA Belgique.
Avez-vous des projets pour le futur ?
Nous souhaitons monter un centre de volontaires pour aider d’autres personnes qui voudraient entreprendre le même genre de voyage que nous, et intégrer cela comme un projet de l’ONG en Belgique. Pas pour donner de l’argent, mais pour faciliter les démarches administratives, donner des tuyaux pour la levée de fonds, etc.
Nous voulons également retourner au Kirghizstan, où nous nous sommes sentis comme à la maison, visiter l’Iran et le sultanat d’Oman… La liste de pays qu’on ne ferait pas s’est réduite. Nous avons rencontré des voyageurs de partout, donc cela démultiplie les envies et les possibilités. Et nous avons aussi envie de faire découvrir la Belgique ! Un peu plus tard, quand nous aurons des enfants, nous aimerions voyager avec eux, car ce genre d’expérience reste avec eux toute leur vie et apporte une ouverture d’esprit, même s’ils sont petits.
Pour visiter le blog très complet de Magali et Jonathan, c’est ici, et leur page Facebook ici.
Pour visiter le site de l’ONG ADRA, c’est ici.
* Pour en savoir un peu plus sur le volontourisme (contraction de « volontariat » et « tourisme »): http://www.aidehumanitaire.org/tourisme-humanitaire/
Les projets
En Mongolie, nous avons réalisé un film de promotion pour le projet HOPE. De nombreux enfants deviennent handicapés à cause de ce qui serait considéré ici comme une maladie banale. Or, les conditions de vie sont très dures : les handicapés sont abandonnés ou isolés, faute de structures ou d’écoles spécialisées pour les accueillir, les soins médicaux ne sont pas à jour, les conditions de vie sont sommaires, etc. Par exemple, le fait que le sol ne soit pas plat dans les yourtes entraine de nombreuses chutes. L’ONG met donc en place la visite régulière d’un thérapeute dans les maisons pour apprendre aux parents à prodiguer certains soins et à avoir de bons réflexes. Le but est également de les fédérer afin qu’ils s’entre-aident au quotidien.
Le deuxième projet était en permaculture. Les Mongoles sont initialement nomades, ils voyagent avec leurs troupeaux, mais ils se sédentarisent de plus en plus. Une fois en ville, ils n’ont plus l’élevage et doivent passer à l’agriculture comme moyen de subsistance, or ils ne s’y connaissent pas du tout. Le projet vise à sélectionner une personne de référence par quartier et à la former entièrement à la permaculture et à l’agriculture biologique. Cette personne devient ensuite référente pour dix autres cultivateurs. Jonathan a mis sur pied une banque de graines, car celles qui étaient disponibles provenaient de Chine et étaient de mauvaise qualité : elles avaient un taux de germination assez bas et produisaient des légumes faibles et maladifs. Maintenant, il y a un partenariat qui va être mis en place avec Kokopelli, afin de percevoir des semences de qualité.
Magali a développé des cours de cuisine, parce qu’elle s’est rendu compte que les Mongoles ne savaient pas comment préparer leurs légumes, puisque traditionnellement ils mangent énormément de mouton. Elle leur a expliqué comment faire de la soupe et un reportage sur le sujet a été diffusé à la télévision nationale par la suite. Sur le moment même, les gens étaient hyper attentifs et prenaient des notes de façon appliquée. Ils trouvaient ça génial, car la soupe ça tient chaud. Ils trichaient en essayant de prendre de la soupe plusieurs fois. Elle leur a aussi montré qu’ils peuvent s’associer en coopératives, vendre les surplus, ou simplement les congeler. Il suffit de mettre la nourriture dehors, il fait -30°C en hiver en Mongolie !
Au Kirghizstan, nous avons monté un projet de A à Z. Le directeur de l’Asie centrale voulait développer un projet de développement durable, car rien n’existe encore. Nous avons donc réalisé une étude de terrain pour voir quels étaient les problèmes quotidiens et les besoins, etc. Sur cinq « pré-projets » développés, le directeur en a sélectionné deux. Le premier est la mise en place d’un biodigesteur dans un orphelinat. Jusque maintenant les toilettes étaient un trou, non couvert, dans le sol. L’objectif est de rénover les toilettes et de valoriser les déchets, notamment en produisant du gaz, car le gouvernement coupe sans cesse la distribution. À ce stade, le financement est sur le point de se faire.
Le deuxième projet est un projet pilote de recyclage des déchets plastiques via une filière de micro-entreprises. Les déchets sont récupérés, pré-coupés et envoyés sur le marché chinois où ils seront transformés en billes. Mais c’est du plus long terme et il faut voir où on met les pieds, car il s’agit d’un secteur lucratif que certains se sont déjà approprié.
Par ailleurs, ce n’était pas un projet en soi, mais nous avons sensibilisé nos collègues à l’écologie. Les Kirghizs constatent les effets du changement climatique, mais il leur manque une vision globale. Ils ne font donc pas de gestes écologiques. Par exemple, nos collègues ignoraient que le pétrole et le charbon sont des ressources finies. Ils étaient très choqués. On leur a donc appris quelques gestes de base au bureau : imprimer recto/verso, ne pas laisser couler l’eau, éteindre les veilleuses et les ordinateurs avant de partir en week-end, éteindre les lampes, etc.
Enfin, c’était une action ponctuelle, mais nous avons distribué des chaussures Toms, une marque qui propose une action « One for one ». Pour chaque paire de chaussures achetée, une aide, notamment sous la forme de chaussures, est donnée à une personne dans le besoin. En trois jours, à quatre, nous avons distribué 46 000 paires des chaussures ! Ca n’a peut-être l’air de rien, mais une paire de chaussures permet à des enfants de faire le trajet jusqu’à l’école.
En Equateur, nous étions à Guayaquil, dans le quartier Sud, un endroit très pauvre du pays. ADRA y dispense des cours de couture à des femmes dont la situation familiale est souvent difficile. Il y a en effet pas mal de violence domestique et ces cours leur permettent de développer une meilleure image d’elles-mêmes et de gagner de la valeur économique. En-dehors de la couture, elles n’ont pas de bagage pour monter leur commerce. Notre rôle a été de les former pour qu’elles puissent se lancer en tant qu’indépendantes. Pendant 3 mois, il y avait deux cours par semaine pour la théorie ainsi qu’un entretien individuel, car certaines situations de vie sont compliquées et demandent plus d’intimité. On a vu avec elles comment établir le prix d’un article, faire de la publicité, tenir ses comptes, avoir des horaires fixes, épargner, etc.
Avoir des horaires fixes et épargner semble a priori évident, et pourtant… Les priorités ne sont pas les mêmes. Un Equatorien qui a 1$ en poche le dépense dans la journée. En plus, il y a aussi une tradition très bizarre qui veut que tu rachètes du nouveau mobilier de salon à chaque nouvel an. Mais cela mène à des situations dramatiques : certaines femmes pleuraient de ne pouvoir se payer une machine à coudre (ndlr : l’ONG prête et offre le matériel pour la formation).
Les horaires, c’était aussi quelque chose. En gros, en Equateur, tout est tout le temps ouvert, mais jamais ouvert. Nous leur avons expliqué que pour avoir de la clientèle, il est important d’avoir un horaire fixe. Elles nous ont alors reproché d’essayer de leur imposer des règles d’Européens qui ne marchent pas en Equateur. Nous avons alors visité l’entreprise de couture Macoser et donné en exemple son directeur qui a débuté comme vendeur de chaussures dans les rues et qui possède aujourd’hui plusieurs enseignes dans la ville. Or, cela ne s’est pas fait tout seul, il a dû se tenir à certaines règles commerciales aussi. Les femmes du projet étaient un peu prises de cours.
Ce projet est un super souvenir. Au début, elles arrivaient vers 16h30, alors que le cours commençait à 16h. Quand nous arrêtions à 17h, elles n’étaient pas contentes, elles venaient tout juste d’arriver ! Quand elles ont vu qu’on ne débordait pas, elles se sont adaptées. À la fin, elles étaient prêtes à écrire à 16h tapante. La fois où nous sommes arrivés en retard, nous nous sommes bien fait reprendre ! (rire) Le nombre d’élèves a été un bon indicateur. Au premier cours, il n’y avait que trois-quatre personnes. Dans les semaines suivantes, il y eu jusqu’à 20 élèves qui ont suivi la formation jusqu’au bout.
Enfin, nous avons été au Vanuatu, une île du Sud Pacifique, entre la Nouvelle-Calédonie et les Îles Fiji. Nous y avons suivi deux projets. Il y a un peu plus d’un an, le cyclone Pam a détruit 90% des habitations et complètement transformé le paysage. L’île est en effet une zone sensible, car elle se trouve sur la ceinture de feu. Le bureau ADRA a alors arrêté ses projets de développement pour se concentrer sur l’aide d’urgence pendant environ un an. C’est après cette période que nous sommes arrivés. Il y avait une restructuration d’équipe et il fallait reprendre les anciens projets, notamment une palette de formation WASH autour de l’eau et de l’hygiène. C’est sur cela que Magali a travaillé ainsi que sur la mise en place d’un projet de prévention des grossesses non désirées. Il s’agissait de penser la structure d’un manuel de cours, réfléchir sur la mise en place concrète du projet, prendre les premiers contacts pour des partenariats… C’était un petit coup de pouce pour un grand projet. Le directeur a chargé Jonathan de remettre en ordre les hangars contenant le matériel laissé par l’équipe d’urgence internationale. Pendant deux mois, il a donc fallu trier, compter, réorganiser et encoder dans un programme des tonnes de matériel humanitaire.