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    Titus Errant, clap de fin pour Gormenghast

    Titre : Le cycle de Gormenghast Tome 3 : Titus errant
    Auteur : Mervyn Peake
    Editions : Christian Bourgois
    Date de parution : 16 mai 2024
    Genre : Fantasy

    Entre Gormenghast et Titus Errant, deux salles, deux ambiances. Dans ce troisième et dernier volet, l’héritier fougueux a quitté le nid. La forteresse qu’on pouvait croire infinie s’est éteinte sous la lune. Son imposante ossature a laissé place aux contours imprécis d’une ville bouillonnante. Mais le changement d’horizon a aussi précipité le récit dans un gouffre temporel. Même si Gormenghast n’avait pas d’âge, on pouvait croire ses galeries aussi vieilles que la poussière. Le Moyen-âge y avait établi ses quartiers. Mais dans Titus Errant, les voitures et les usines ont remplacé les parchemins et les rites sacrés. Les hiérophantes sont devenus des greffiers. On se réveille dans le futur, aussi déboussolé que notre comte semble l’être.

    Et d’ailleurs, Titus s’époumone, mais rien n’y fait. Dans cette nouvelle région, personne ne veut croire en l’existence d’un lieu aussi mystique que Gormenghast. Pas même Musengroin qui, depuis le début, paraît investit d’une mission ; celle de sauver le comte. Pas même Junon qui pour la beauté noble du jeune homme de vingt ans son cadet, est prête à tromper la justice et à défier une harpie aux ongles acérés. Mais ce mystère qui entoure l’héritier n’attire pas que le désir et la bienveillance.   Se pourrait-il qu’il soit suivi ? Mais par qui ? Et si dans sa fuite, Titus tombait dans un monde souterrain, refuge de saltimbanques ? Le décor change, mais une chose persiste ; l’imagination foisonnante de Peake. Ses personnages sont toujours funambulesques, avec des noms à dormir debout. Plus que jamais, on se sent plongé dans un mélange entre l’univers de Lewis Caroll et celui de Miyazaki. Felcloche est aussi idiot qu’un pois et aurait très bien pu boire son thé avec un chapelier fou. Le soldat est comme une mante religieuse dont on imagine les membres se délier. Le scientifique est ridiculement minuscule, surtout en la compagnie du gigantesque Musengroin.

    L’ombre de la guerre plane sur toute la trilogie de l’écrivain anglais dont l’enthousiasme et l’innocence seront, à jamais, brisés par la montée du nazisme. Mais dans Titus Errant, elle atteint une forme paroxysmique. Il y est question d’un temple de la science, où sont sacrifiés des corps. Un vent mortifère s’échappe de ses cheminées pour se jeter dans les nuages qui recouvrent sans cesse la ville. C’est probablement l’épisode le plus engagé de l’histoire de Gormenghast. Et pourtant, avec un regard contemporain, le bât blesse. Ce que l’attitude soumise de Fuschia avait pu laisser présager dans le chapitre précédent, s’est empiré. Les femmes sont à la merci des hommes. Et quand elles ne l’assument pas, elles deviennent hystériques. Ceci dit, il est difficile de reprocher à Mervyn Peake une misogynie qui, à l’époque, devait être banalisée. Et alors que les femmes tombent comme des mouches, Titus entretient l’indifférence. Pire, il se montre même assez ingrat avec ceux qui lui tendent la main. Lui qui n’était avant qu’un enfant rebelle mais touchant – notre héros intrépide et victorieux – il est devenu ce que son titre présageait : un Titus d’Enfer.

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