C’est au théâtre 140 que nous avons rencontré Thomas Fersen pour parler de son onzième album : C’est tout ce qu’il me reste. Surnommé par certains comme le vagabond de la chanson française, Fersen fait encore un pied de nez aux codes de notre société et du showbiz grâce à son autodérision et ses histoires tantôt autobiographiques, tantôt farfelues, mettant en scène des animaux. Un style métaphorique qui est devenu au fil du temps l’une de ses marques de fabrique.
Ce onzième album s’intitule « C’est tout ce qu’il me reste ». Est-ce donc l’ultime album de votre discographie ?
Tiens, c’est marrant que vous me posiez la question. Etrangement, vous êtes le premier à le faire. En réalité, je me suis moi-même posé la question. Je ne veux pas tirer éternellement sur la corde sensible, ce n’est pas mon genre. C’est un vieux truc du showbiz. Moi, je ne vais pas me mettre à utiliser les vieilles ficelles du showbiz alors que je démystifie le chanteur depuis tout ce temps. (rires)
Qu’en est-il de la pochette de ce disque et de sa signification ?
En fait, on y voit ce type qui a cette peau de lapin trop grande pour lui. Cela représente sa réputation de chaud lapin qu’il tire derrière lui et qui l’accable. On peut faire un parallèle avec la condition du chanteur – ça aussi, c’est un mythe – qui est, lui aussi, poursuivi par sa réputation de chaud lapin et ses frasques supposées.
En somme, c’est un thème que l’on retrouve souvent dans les textes de ce disque…
Oui, parce que ce personnage essaie toujours d’emballer depuis toujours et de façon maladroite.
Musicalement, on remarque tout de suite que vous êtes revenu à la formule standard de votre line-up avec vos fidèles amis plutôt que la formule à cordes de l’album précédent…
Oui. D’ailleurs, on a déjà fait une résidence et un spectacle ensemble et il y a une alchimie entre nous qui fait que j’aime bien jouer avec eux. Ce sont les musiciens qui m’accompagnaient déjà lors de la tournée de l’album Pièce montée des grands jours.
On remarque aussi qu’il y a pas mal de variations de styles dans certaines chansons. Par exemple, si l’on prend la chanson Les Zombies du cimetière, elle commence calmement avec un ukulélé puis bascule vers un style totalement différent. De même que vos couplets débutent sur une note poétique en parlant du coq qui hurle sous la lumière de la lune. Puis le texte bascule lui aussi vers quelque chose de très terre à terre avec une description d’odeur de friture…
Oui, en effet. C’est une chose que j’ai voulu essayer dans certaines chansons. La chanson est aussi un terrain propice à l’expérimentation. Et j’ai donc voulu essayer quelque chose de différent. Il faut essayer, sinon on s’ennuie.
Alors, bien entendu, on retrouve beaucoup d’histoires mettant en scène des animaux…
Parfois, il m’arrive de me dire que je suis trop métaphorique. Je me dis que quelqu’un qui n’aime pas les métaphores ne peut pas apprécier ce que je fais et c’est dommage. Mais c’est vrai que je fais beaucoup de métaphores. Avant, c’était fait inconsciemment, mais ici je m’en rend compte. Alors, est-ce le début de quelque chose d’autre ? Je ne le sais pas.
Est-ce pour vous une façon de vous détacher des histoires que vous racontez ?
Non, j’ai simplement besoin de cela pour raconter, pour créer des images et faire en sorte que mes vers soient percutants parce que très imagés.
Parmi des dix titres qui figurent sur ce disque, il y en a un qui est vraiment incontournable, c’est La Mare…
Oui, La Mare. C’est une chanson assez longue (environ 10 minutes 30) que j’ai fait sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Et tout à coup, elle arrive. Au départ, je n’étais pas sûr qu’elle finirait sur le disque. Puis, une fois de plus, je trouvais que c’était quelque chose d’expérimental. Je me suis dit pourquoi pas. De toute façon, j’ai pensé que je n’avais rien à perdre en faisant cela. D’ailleurs, elle était encore un peu plus longue au départ. Il y avait encore quelques strophes supplémentaires.
Pensez-vous la jouer en concert ?
Je me le demande. Au départ, c’était un texte que je pensais faire en monologue, comme j’en fais parfois dans mes spectacles. Ensuite, c’est devenu une chanson. Et là, j’avais la conviction que je ne la mettrais pas dans mes spectacles. Depuis, on m’en parle de plus en plus. Alors je me dis : attention, faut pas passer à côté si les gens viennent pour écouter La Mare. Le problème, c’est que si je la joue, je joue également toutes les autres de l’album. Cela prend beaucoup de temps et les gens veulent aussi écouter les anciennes chansons. Si l’on rajoute les monologues, ça fait un très long spectacle…Sinon, je peux la jouer et retirer deux ou trois chansons du spectacle, on verra.
Et donc, pour en revenir au texte de La Mare, est-ce basé sur une histoire vraie ?
Oui, ma mère avait très peur que je ne tombe dans cette mare. Et moi, j’allais en secret tout près de cette mare et j’espérais y voir une vipère ou un autre animal en jaillir. J’avais cette espèce d’attraction- répulsion que je ressentais à cet endroit.
C’est aussi ce qu’on ressent avec l’effet des voix décalées que l’on entend dans la chanson. C’est assez bizarre au fond…
Oui, j’aime tout ce qui est bizarre. (rires)
Vous parlez aussi de différentes étapes de la vie comme l’adolescence ou la mort…
Je suis quelqu’un qui part un peu dans tous les sens et qui n’a pas une chronologie linéaire. D’ailleurs, je ne suis pas nostalgique. C’est un sentiment qui m’indiffère totalement.
Thomas Fersen sera en concert le 31 janvier 2020 au Centre Culturel de Comines et le 1er février 2020 au Théâtre 140 à Bruxelles.