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    « Théâtre II », champagne et pot-au-feu, de qui se moque-t-on ?

    Titre : Théâtre II
    Autrice : Yasmina Reza
    Editions : Folio
    Date de parution : 28 septembre 2023
    Genre : Recueil, Textes, Théâtre

    Théâtre II est un recueil de pièces de Yasmina Reza, présentées pour la première fois sur scène entre 1987, à Paris, pour « Conversations après un enterrement » et 2015, à Berlin, pour « Bella Figura », écrite pour Thomas Ostermeier. On peut y percevoir la trajectoire de l’autrice et le rayonnement toujours plus grand dont font l’objet ses œuvres, la pièce « Art » étant au cœur de ce livre-ci, entrelacé par « La traversée de l’hiver » et « L’Homme du hasard ».

    Yasmina Reza écrit un théâtre bourgeois, ou dit autrement, expose les problèmes de bourgeois qui boivent du champagne, écoutent, lisent et dissertent sur Baudelaire, Beethoven et Schumann. Faut-il être bourgeois pour écouter, lire et disserter sur Baudelaire, Beethoven et Schumann ? Non. Est-ce un problème que Yasmina Reza écrive des pièces sur des gens qui écoutent, lisent et dissertent sur Baudelaire, Beethoven et Schumann ? Non plus, le théâtre étant devenu un art bourgeois, ses pièces étant éditées, cela doit probablement intéresser un certain type de public. Il faut juste en avoir conscience.

    Pour exposer plus précisément ce que serait ce théâtre « bourgeois » de Yasmina Reza, on remarque une certaine constance : des hommes et des femmes, s’apprêtant à manger, conversent sans raconter grand-chose. Des réponses à des questions posées un peu avant adviennent quelques répliques plus tard, mais toujours sans trop dévoiler. Puis, soudain, un monologue. Une personne semble vouloir dire quelque chose, une anecdote précise de son enfance, sans liens avec le reste de la conversation, comme si ce fait historique n’était dit qu’au public, sans clés pour décoder ce qui vient d’être dit. Donc ici, ce sont des hommes et des femmes qui discutent de pas grand-chose et qui surtout, ne se révèlent jamais trop, jouent le mystère. Le public y comprendra bien quelque chose.

    Seule exception, et pas des moindres, « Art ». Là, ce sont justement des hommes, ou un homme, qui se prennent pour des bourgeois, et qui vont recevoir en pleine face la vision de l’autre, des autres, sur leur réalité, leur façade. Ou comment un achat d’un tableau va mettre en pièces toute une amitié et servir de catalyseur pour dire ses quatre vérités, ce que l’on pense réellement, à l’autre ou au public. Plus de conversations sur Schumann ou l’art du pot-au-feu, mais du concret, des mots qui piquent, des réalités qui frappent et une classe bourgeoise, ou prétendant l’être, qui en prend pour son grade. Un théâtre qui se moque gentiment de son propre public.

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