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    The Third Murder, film noir dans une société brillante

    The Third Murder

    d’Hirokazu Kore-eda

    Drame, Policier

    Avec Masaharu Fukuyama, Koji Yakusho, Suzu Hirose

    Sorti le 11 avril 2018

    Le grand avocat Shigemori est chargé de défendre Misumi, accusé de vol et d’assassinat. Ce dernier a déjà purgé une peine de prison pour meurtre 30 ans auparavant. Les chances pour Shigemori de gagner ce procès semblent minces, d’autant que Misumi a avoué son crime, malgré la peine de mort qui l’attend s’il est condamné. Pourtant, au fil de l’enquête et des témoignages, Shigemori commence à douter de la culpabilité de son client.

    Tout commence sur le bord d’une rivière, dans un lieu isolé. Un homme meurt assassiné et son corps brûlé : tous les ingrédients du bon polar sont réunis. Pourtant, la première scène n’est qu’une sorte d’appât pour le spectateur car, si l’enquête de Shigemori est bien le fil rouge du récit, elle semble, sur la longueur, être un prétexte permettant à l’auteur de nous faire découvrir une société : le Japon.

    Dès l’entame du film, l’auteur s’attache à nous décrire avec précision, calme et justesse chaque élément de la société qui nous est présentée. Le milieu judiciaire japonais par exemple nous est dévoilé dans tout ce qu’il implique en terme de démarches juridiques. Tout ce qui est éludé dans un film policier classique est ici mis en lumière dans un approche presque documentariste. Du même ordre, on découvre les us des avocats au Japon, leur rapport aux personnes et leur sens de l’éthique. La moindre formule de politesse, la moindre obligation juridique nous est montrée. Nous sommes à l’opposé du film que l’on nous annonçait dans la scène d’ouverture. Mais cette façon de filmer et de raconter l’enquête nous immerge dans le quotidien des personnages malgré un rythme lent et parfois contemplatif.

    Pourtant, le suspense demeure présent et le fil de l’histoire nous entraîne dans les méandres d’une société qui se pose des questions. Le doute des personnages, leur rapport à la peine de mort, la recherche de la rédemption les rend profondément humains et la société japonaise ne devient qu’un cadre ultra défini pour aborder des questions que l’on peut qualifier d’universelles.

    Pour ce qui est de la forme, le talent de mise en scène et la qualité de l’image enrobent ce film d’un cadre esthétique incroyablement maitrisé. Kore-eda ne se contente pas de nous impressionner par sa maitrise de l’objet cinématographique, il la met totalement au service de l’histoire. Il utilise le cadrage, le montage et le hors-champs d’une manière quasi cathartique dans le rapport entre les personnages. La scène de l’interrogatoire final, derrière la vitre d’un parloir de prison, est l’exemple type de cette approche cinématographique. On y voit le client et son avocat séparés par une vitre qui divise le cadre en deux parties, opposant par là même deux visions du monde avec la vitre comme frontière allégorique.

    Certains pourront être déçus du dénouement et la volonté de l’auteur de nous perdre entre les différentes versions, ce qui finit par donner un goût de trop peu au spectateur. C’est sans doute ce qui fait de ce film plus un film noir qu’un polar classique. The Third Murder est donc un film d’un esthétisme soigné, les personnages y sont attachants et l’écriture d’une rare justesse. L’ensemble dépeint une société japonaise méconnue dans une histoire profondément humaine.

    Bruno Pons
    Bruno Pons
    Journaliste du Suricate Magazine

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