
The Outrun
Réalisatrice : Nora Fingscheidt
Genre : Drame
Acteurs et actrices : Saoirse Ronan, Paapa Essiedu, Stephen Dillane
Nationalité : Royaume-Uni
Date de sortie : 9 avril 2025
De Requiem for a Dream (Darren Aronofsky, 2000) à Drunk (Thomas Vinterberg, 2020) en passant par Shame (Steve McQueen (II), 2011) ou encore 28 Days (Betty Thomas, 2000), le film d’addiction est presque devenu un genre à part entière. L’alcool, la drogue, le sexe : les sources de l’addiction peuvent être diverses, mais dans la majorité de ces œuvres, il s’agit pour un personnage de vaincre son mal à d’accéder à la guérison. Dans cette catégorie, The Outrun de la réalisatrice allemande Nora Fingscheidt, emprunte lui aussi cette voie balisée du scénario de résilience, ici mâtiné de développement personnel.
Le titre – que l’on pourrait traduire par « le dépassement » – nous lance clairement sur la piste de cette tendance très contemporaine à considérer nos problèmes comme des phénomènes éminemment intimes dont nous serions les malheureux architectes, et qu’il nous appartiendrait de régler seuls. Ainsi de Rona, jeune femme écossaise alcoolique fraichement sortie de cure de désintoxication, qui va tenter de rester sur le chemin de la sobriété par la force de son courage. Pour l’incarner, l’actrice d’origine irlandaise Saoirse Ronan use d’une large palette de jeu, traversant des états émotionnels allant de l’épanchement pathétique, amplifié par la boisson, au mutisme atone, elle qu’une trop grande lucidité étouffe.
L’amplitude de son répertoire est par ailleurs soulignée par la structure narrative du film, qui alterne entre le présent, période d’abstinence que vient signaler le décompte des jours qui s’affiche à l’écran, et son passé d’intoxiquée. Enchainant les aller-retours, le film ne parait cependant jamais trouver son endroit et nous revient comme une brume éthylique à la consistance molle. Les informations sur le parcours de vie de la protagoniste sont distillées au compte-goutte, sans parvenir à véritablement émouvoir, d’autant plus qu’elles consistent en une enfilade de clichés : le traumatisme du divorce parental, le premier amour détruit par les frasques alcoolisées, les prédateurs profitant de l’ivresse de leur victime.
Dans sa rémission, forcément semée d’embûche (le film semble penser que s’il n’y a pas de rechute, il n’y a pas de récit : dommage), Rona est tiraillée entre des parents que tout oppose et qui ne peuvent lui servir de modèle. Son père, souffrant lui aussi d’addiction, vit reclus du monde dans une caravane et ne tolère que la compagnie de ses moutons. Sa mère, elle, compense l’éclatement de la cellule familiale par sa foi religieuse. Réduits au statut de fonction, ces deux personnages peinent également à dépasser le statut de l’intention et la relation qu’ils entretiennent avec leur fille relève d’une lapalissade : pas toujours facile d’être une famille, mais malgré tout on s’aime.
Ce qui achève de couler l’entreprise filmique, c’est ce vernis ésotérique, écologique, mythologique, on ne sait pas très bien – la cinéaste non plus vraisemblablement. Pour en finir avec sa dépendance, Rona décide de s’exiler sur un petit archipel des Orcades au nord de l’Écosse. Au contact de gens « simples » (entendre : qui vivent proche de la nature, loin de ces satanées villes et de leur pollution), la jeune femme se reconnecte aux éléments en arpentant ces paysages dramatiques balayés par le vent. Noyée dans une musique emphatique omniprésente, cette retraite self-care est accompagnée d’une insupportable voix off qui narre des légendes celtes du cru, et dresse des parallèles entre Rona et l’île (le plus savoureux assimile son corps secoué par un orgasme à l’île ébranlée par un tremblement de terre). De quoi définitivement dépolitiser le sujet de l’alcoolisme, dont il y aurait pourtant beaucoup à dire, et guider le spectateur hébété vers le rayon librairie bien être de Nature & Découverte.