The Miracle Club
de Thaddeus O’Sullivan
Drame, Comédie
Avec Laura Linney, Kathy Bates, Maggie Smith
Sortie le 15 novembre 2023
Dans l’Irlande de cette fin des années 60, un groupe de trois femmes aux âges très divers se surnomment « The Miracle Club » lors du concours organisé par leur paroisse et qui permet aux vainqueurs de partir à Lourdes. Alors que les lauréates démarrent leur pèlerinage chacune avec leur objectif, leur miracle, elles sont très vite rejointes par Chrissie, revenue d’entre les morts dans sa ville natale, plus de quarante ans après l’avoir fuit, et qui fait ressurgir animosité et secrets.
Si la religion peut paraitre comme le sujet principal du film, voyage à Lourdes oblige, il n’en est rien. En effet, celle-ci n’est que le prétexte d’un huis clos émotionnel entre quatre femmes. Et c’est bien cet espace-là, et non la ville sacrée en elle-même, le véritable berceau des miracles. Ainsi, si les cicatrices sont très vite réouvertes, ce n’est que pour mieux en panser les plaies. Assumer, écouter, se repentir, pardonner, l’extraordinaire n’est pas forcément divin.
Les miracles sont aussi sociaux. Parties en laissant leurs époux à la maison, elles s’échappent autant de la charge mentale que des tâches que celle-ci régit, délaissant l’entière responsabilité du soin du foyer, qu’elles portaient jusque-là, à leurs maris. Au départ complètement opposés au départ de leurs épouses, ces hommes de leurs temps vont très vite se rendre compte qu’ils faisaient peser un énorme poids sur les épaules de leurs bien-aimées. Mais, aussi, qu’ils sont tout à fait capables d’assumer ce rôle, comprenant ainsi qu’aucune attribution sociale n’est définie par la naissance. Si bien que lorsque le « Club des miracles » rentre sur la petite île gaélique, elle découvre des nouveaux hommes, plus attentionnés, plus indépendants, plus prompts à les aider.
Et c’est peut-être ici la plus grande faiblesse du film. Est-ce que tout ça est vraisemblable ? Dès les premières minutes, on voit très bien où le récit veut nous emmener, vers une fin heureuse et bienveillante. Mais bien que l’objectif soit de faire un feel-good-movie, est-on obligés d’avoir un panel de personnages aussi gentils ? Personne ne dénote, tout le monde comprend l’autre, tout le monde écoute, évolue, pardonne. On peut se demander si une telle remise en question de l’ordre du foyer était audible dans une classe ouvrière des années 60. On peut se demander si les violences sexistes subies par les femmes des siècles durant pouvaient, en fait, se régler aussi facilement, s’il n’y avait qu’aussi peu de contraintes. Ainsi, que ce soit entre elles ou avec leurs maris, les relations décrites par le film paraissent un peu fausses ou, tout du moins, déconnectées de la réalité. L’espoir, c’est bien. Mais un trop plein d’espoir rend la représentation utopique et donc invraisemblable.
Dernière chose que l’on peut questionner, le contexte du film. Pourquoi 1967 ? Aucune réponse ne semble apportée par la production ou la réalisation. Le film ne s’inspire pas de faits réels, du moins pas précisément. Il n’est pas non plus l’adaptation d’un roman qui inscrirait son action à cette période. L’Irlande de 1967, c’est celle qui s’apprête à vivre une trentaine d’années de « Troubles ». Le conflit Nord-irlandais ne terminera qu’après l’an 2000. Cependant, ce contexte n’est utilisé nulle part dans le film. En réalité, transposer l’histoire aujourd’hui ne demanderait aucun changement fondamental. Sans doute, un peu plus de modernité technologique, mais pas forcément plus. Pour revenir aux rapports homme-femme, ils sont d’ailleurs plus vraisemblables dans le contexte d’émancipation actuelle.
Certes, on peut se demander s’il faut une raison particulière pour représenter un moment de l’Histoire, mais faire un film d’époque implique deux choses. D’une part, recréer le passé a un coût. Et quand on sait que le film a été vendu en 2005 pour n’être rentré en production que plus de quinze ans après, on peut se demander si adapter cette histoire au XXIe siècle n’aurait pas accéléré le processus. D’autre part, d’un point de vue narratif, l’ici et le maintenant sont les choix par défaut. Sortir de cette norme, c’est inviter le spectateur à regarder l’ailleurs, à le faire réfléchir sur le contexte du récit. Celui-ci n’est pas uniquement le cadre dans lequel se passe l’histoire, il est l’histoire. Ainsi donc, ne pas utiliser le contexte, c’est ne pas développer son histoire autant qu’on l’aurait pu, ce n’est, ni plus ni moins, que du gâchis.