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    The Commuter, un thriller incohérent mais jouissif

    The Commuter

    de Jaume Collet-Serra

    Thriller, Action

    Avec Liam Neeson, Vera Farmiga, Patrick Wilson

    Sorti le 24 janvier 2018

    Effectuer le trajet quotidien en train du travail à la maison peut être un sacerdoce, d’autant plus par une étouffante journée d’été. Si vous venez de vous faire licencier, un tel voyage sera vraisemblablement horrible. Et si quelqu’un vous oblige à identifier un témoin gênant dans ledit train, sous peine de tuer votre famille ? Là, on tient probablement le summum des transports publics infernaux.

    C’est la situation absurde dans laquelle se retrouve Liam Neeson dans le thriller réalisé par Jaume Collet-Serra, The Commuter. Suivant la route tracée par leurs précédentes collaborations (Sans Identité, Non-Stop), ce film d’action sur rails mêle huis clos, paranoïa et chantage pour donner lieu à une œuvre aussi divertissante que narrativement incohérente. Il est en effet difficile de minimiser à quel point l’intrigue de ce récit explosif ne tient pas la route : les retournements de situation invraisemblables se suivent avec une régularité qui a souvent de quoi laissé pantois. À n’en pas douter, la plupart des spectateurs placeront The Commuter dans la catégorie des films à regarder « en laissant son cerveau de côté ».

    Pourtant, et contre toute attente, le long-métrage de Collet-Serra est plus intéressant qu’il n’y paraît. Un chouia en tout cas  : ses premières séquences sont plutôt prometteuses, mettant astucieusement en scène la routine de son protagoniste. Disputes, moments d’affection, instants importants et banalités de la vie de tous les jours sont joints bout à bout par un montage inventif qui souligne le caractère à la fois répétitif et fluctuant de son quotidien. Ancien flic reconverti en vendeur d’assurances, notre héros est issu de la classe moyenne, un fait que le film met fièrement en avant, touchant avec une certaine justesse au désarroi qui a suivi la crise économique de 2008.

    Malheureusement (ou pas, tout dépend du point de vue), ces préoccupations se limitent surtout à la première demi-heure du film. Toute subtilité et réflexion partent en effet en fumée lorsqu’un pactole est mis en jeu, précipitant les événements du récit. La modique somme de 100 000 $ lui étant promise s’il parvient à identifier une personne, notre homme fraîchement licencié se retrouve  impliqué malgré lui dans une affaire criminelle aussi poisseuse que complexe, où les vies de sa famille et de ses compagnons de train sont en jeu. N’en révélons pas plus, car le plaisir coupable est dans la découverte. Mais sachez-le tout de même : au plus vite aurez-vous mis votre incrédulité de côté, au plus vite The Commuter se laissera apprécier.

    Car appréciable, il l’est assurément. Malgré toutes ses invraisemblances (et en partie grâce à celles-ci), le film est plutôt efficace dans ce qu’il tente d’accomplir. On se laisse facilement emporter par ce jeu du chat et de la souris entre le héros, les personnes qui le menacent et les passagers, et le long-métrage nous immerge avec une aisance troublante dans la paranoïa ambiante.

    Du haut de ses 65 ans, Liam Neeson s’en tire avec les honneurs dans le rôle principal. Le film a l’intelligence de ne pas faire de lui un personnage invincible : il est extraordinairement robuste pour un homme de son âge, mais reste vulnérable physiquement et mentalement, ce qui fait de lui un héros avec lequel il est (un peu) plus facile de s’identifier. Quant aux seconds rôles, ils n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent : Vera Farmiga, Sam Neill et Patrick Wilson livrent tous des performances correctes, mais manquent souvent de conviction. On ne pourra guère le leur reprocher, vu le ridicule de certaines de leurs répliques.

    Des défauts et qualités énumérés ici, beaucoup sont déjà présents dans les autres films de Jaume Collet-Serra. Le réalisateur espagnol a beau se spécialiser dans les séries B, il a indéniablement une patte bien à lui, insufflant invariablement dans chacune de ses productions ses obsessions (la paranoïa, la figure du héros compromis) et son style de mise en scène très particulier (une caméra mobile et ultra-démonstrative). Il est évident que son ambition n’est pas de donner au thriller ses lettres de noblesse, mais au contraire d’adopter les élans les plus grotesques et les plus réjouissants qui habitent le genre. The Commuter s’impose donc comme un film qui assume pleinement son statut : celui d’une œuvre pulp, d’une fiction à sensation qui fait fi de la logique narrative pour privilégier celle du spectacle, à laquelle on pourra reprocher moult problèmes, mais pas celui de nous avoir ennuyé.

    Adrien Corbeel
    Adrien Corbeel
    Journaliste du Suricate Magazine

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