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    SWIPE RIGHT! Le désir à l’ère du numérique

    L’exposition SWIPE RIGHT! Data, Dating, Desire qui s’ouvre ce weekend à iMAL explore l’impact des nouvelles technologies sur les relations intimes. À travers un parcours qui donne la part belle aux arts numériques (photos, projections vidéo, écrans tactiles…), le visiteur s’interroge sur la façon dont les individus font l’expérience de l’amour et du sexe à l’ère post-COVID.  

    À la frontière du virtuel et du réel

    Centre d’art dédié aux cultures et technologies numériques, iMAL occupe un nouvel espace à Molenbeek depuis 2020, en face du canal en plein centre de Bruxelles. Sa nouvelle exposition, SWIPE RIGHT! Data, Dating, Desire, se compose des œuvres de treize artistes européens qui explorent, chacun à leur manière, la nature mouvante des relations intimes à l’ère du tout-numérique. Face au succès des applications de rencontre comme Tinder, mais aussi à l’effet de la distanciation sociale pendant la crise du COVID, la relation au corps et à l’autre semble évoluer vers un degré de virtualisation de plus en plus poussé.

    Parmi les œuvres exposées, presque toutes soulignent de manière intéressante les nouvelles formes d’interaction entre le réel et le virtuel. L’univers virtuel S(t)imulation/Zone développé par le collectif CROSSLUCID, par exemple, se présente sous la forme d’un écran tactile géant permettant au visiteur d’explorer des formes évocatrices à la recherche d’expériences sensorielles. Fetish de Dani Ploeger pousse l’interaction homme-objet un pas plus loin en nous invitant à lécher une tablette numérique pour la faire réagir (celle-ci s’illumine au contact de la langue). Une expérience troublante qui transforme un objet froid et impersonnel en objet érotique.

    Tom Galle, VR Hug.
    Tom Galle, VR Hug.

    La fin de l’intime ?

    La collecte de données personnelles sur les relations intimes est par ailleurs un thème récurrent de l’exposition. Les installations vidéo Ashley Madison Angels At Work in Brussels de !MEDIENGRUPPE BITNIK et The Dating Brokers de Joana Moll soulignent ainsi les dérives possibles des applications de rencontre en matière de vie privée. En organisant une vente aux enchères de profils individuels issus de Tinder, Moll met en garde contre la marchandisation du désir. Est-il possible de protéger son jardin intime du regard d’autrui quand les empruntes numériques que nous laissons sur internet, les réseaux sociaux ou les applis, peuvent être récupérées et diffusées à grande échelle par n’importe quel hacker ?

    L’installation EEG Kissing de Lancel et Maat, quant à elle, questionne la notion même d’intimité dans un monde où tout, y compris les sentiments, est mesuré et stocké sous forme de données. Elle propose à des « couples » de visiteurs de s’embrasser avec un casque. Celui-ci permet de créer une visualisation et une traduction sonore simultanée de leur activité cérébrale pendant cet acte de tendresse. Une démarche qui ouvre des perspectives à la fois enthousiasmantes et terrifiantes. Pourra-t-on, à l’avenir, « enregistrer » les baisers que nous échangeons pour les rejouer à l’infini ? La magie des sentiments pourra-t-elle un jour être décortiquée comme n’importe quel phénomène biologique ?

    Joana Moll, The Dating Brokers.
    Joana Moll, The Dating Brokers.

    L’amour, toujours

    SWIPE RIGHT! Data, Dating, Desire ne fait pas que souligner les menaces que la digitalisation fait peser sur la vie privée et la notion d’intimité. L’exposition évoque aussi les nouvelles possibilités de connexion entre individus et la beauté des relations humaines qui peuvent naître des échanges virtuels. En confrontant des peintures célèbres avec leur « reproduction » par des webcamers, Addie Waegenknecht et Pablo Garcia montrent que, si la nudité « en live » sur internet choque, elle n’est pas sans parallèle avec l’esthétisme des siècles passés. Leur film intitulé Webcam Venus, projeté sur grand écran, met en avant la diversité des corps et le pouvoir suggestif des poses à travers les époques.

    Addie Wagenknecht et Pablo Garcia, Webcam Venus
    Addie Wagenknecht et Pablo Garcia, Webcam Venus.

    Au milieu des images mouvantes ou fixes, deux œuvres, enfin, apportent une certaine poésie à travers leur matérialité. Off Love, de Noémie Iglesias, comprend une sculpture 3D emprunte d’un certain romantisme. Inspirée par la forme et la couleur des pétales de rose, son poids est égal à celui d’un cœur humain (environ 250 grammes). Les trois tapisseries d’Ewa Ostrowska, exposées aux murs, jouent quant à elles avec les nouveaux codes de la drague en ligne. I am not the only one wondering évoque par ailleurs le fait qu’internet a le pouvoir de nous faire nous sentir moins seul dans les moments difficiles. L’artiste y figure une recherche Google qui, au sortir d’une rupture, lui réchauffe le cœur en lui rappelant que, non, elle n’est pas seule.

    Malgré sa taille modeste, SWIPE RIGHT! Data, Dating, Desire est une exposition très stimulante qui vaut le détour. Tout en créant des ponts entre art, sciences et technologies, elle offre une expérience de visite ludique et très personnelle.

    Ewa Ostrowska, I’m not the only one wondering.
    Ewa Ostrowska, I’m not the only one wondering.

    Infos pratiques

    • Où ? iMAL, Quai des Charbonnages 30, 1080 Molenbeek.
    • Quand ? Du mercredi au dimanche de 13 à 19h (12h à 18h le weekend), du 24 octobre 2021 au 6 février 2022.
    • Combien ? 8 EUR au tarif plein. Plusieurs tarifs réduits.
    Soraya Belghazi
    Soraya Belghazi
    Journaliste

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