Le Suricate a rencontré Sum pour parler de son nouveau spectacle « Il était temps » et de ses vies multiples entre humour sur scène, fonctionnariat, fan de foot (Charleroi et PSG) et père de famille, à l’aise dans sa peau et l’éclat de rire au bord des lèvres.
Tu es humoriste et fonctionnaire au SPF intérieur. Comment concilies-tu ces deux métiers ?
Humoriste, je le fais le soir donc je peux travailler la journée. De temps en temps, je pose des congés. Au vu de la crise actuelle, je suis content d’avoir gardé mon boulot de fonctionnaire, alors que beaucoup de gens me disait que je pourrais peut-être vivre de l’humour. C’est variable et je suis très content d’avoir été prudent. Mes collègues m’ont vu grandir en tant qu’humoriste et j’ai construit cette carrière avec eux. J’aime bien faire rire, mais je ne suis pas clown à faire des blagues toute la journée. Il y a des blagues de fonctionnaire et des blagues d’humoriste. Sum, c’est mon surnom depuis longtemps et mon nom de scène, certains m’appellent Sum, d’autres Jonathan (en particulier ma mère), je réponds à tous les noms.
Sur qui testes-tu tes blagues?
Je n’ai pas vraiment de public test, je teste sur le public. Avant, je testais un peu sur ma femme. Mais depuis quelques temps, je le fais un peu moins. Elle est d’ailleurs fâchée parce qu’elle aimait bien être privilégiée.
Qu’est-ce qui te ferait lâcher ton job de fonctionnaire ?
Ce serait un autre job qui me permettrait d’avoir un revenu stable et assuré, parce que je suis père de famille de deux enfants (de 8 ans et 1 an). Il me faudrait un autre job comme animateur télé ou radio, en plus de continuer les spectacles. Si un jour, on m’offre une émission, rien ne dit que l’émission fera de l’audience. Donc là aussi, je commencerai par une pause-carrière de quelques mois. Il faudrait vraiment beaucoup pour que j’arrête mon boulot. Je suis quelqu’un de prévoyant et j’essaye de ne pas prendre trop de risques. Je ne suis pas seul surtout. Si j’avais commencé plus tôt, si j’étais célibataire et sans enfants, je serais certainement en train de ne faire que de l’humour. Mais là dans l’état actuel, c’est impossible de prendre des risques.
Quels sont les moteurs de ton humour et ton sketch préféré ?
C’est très difficile de définir son style d’humour et j’en parlais récemment avec une amie humoriste, Marion Lepomme. Comme je fais du stand-up, je raconte ma vie, je raconte ce que j’observe. Je n’ai pas de style d’humour, je raconte ce qui m’arrive, ce que je vois ou constate. J’ai des sujets préférés, notamment la famille. Ça me fait toujours rire quand je parle de mes enfants et du métissage : l’un est belgo-congolais et l’autre est maroco-congolais. Il y a des choses à raconter sur le métissage Congo-Maroc et ce sont des sujets qui me tiennent à cœur.
Quel regard portes-tu sur notre époque et de ses injonctions sur la santé : faites du sport / mangez moins de viande ?
On est dans une société de liberté, où normalement tout le monde fait ce qu’il veut. Mais on ne doit pas l’imposer. C’est bien qu’il y ait moins de viande, que les vegans soient vegans. Je suis partisan de la liberté d’agir tant que cela ne nuit pas à autrui. Que chacun fasse ce qu’il veut sans embêter les autres. Après je n’ai pas envie que si je mange de la viande quelqu’un m’accuse d’être un meurtrier. Là, ça m’embêterait parce qu’on vient toucher à ma liberté. Mais il y a des causes importantes à soutenir, en particulier le féminisme et l’égalité des sexes. On est tous les mêmes. Je pense qu’il y a une discrimination dont on parle peu : la discrimination sociale. Je trouve cette discrimination encore plus grave et stigmatisante que les autres formes de discriminations, notamment la discrimination raciale, parce qu’un noir riche passera toujours mieux qu’un blanc très pauvre par exemple. Cette discrimination sociale est de plus en plus marquée. On discrimine aussi par rapport au vaccin. D’une part, on vit une époque où on a de plus de plus de libertés, mais d’autre part on en a moins. Il y a de plus en plus de clivage, même si le clivage a toujours été présent, avant c’était l’église et l’état, la droite et la gauche. Il y a de plus en plus de sujets clivants : on a une épidémie et hop, clivage entre ceux qui sont pour ou contre les restrictions, les vaccinés et non-vaccinés. Chaque sujet amène vers un nouveau clivage et ça fait un peu peur.
Quel rôle peuvent jouer les humoristes par rapport à ces clivages ?
Les humoristes rassemblent tout le monde. On sait bien que dans notre salle, on aura des gens pour et contre. Et le but est de pouvoir rire de tout le monde. En tant qu’humoriste, on fait rire sur ces clivages. Je ne suis pas quelqu’un de très polémique, mais j’aime les humoristes qui vont plus loin, si c’est bien fait. Si c’est juste assassiner une communauté parce que tu ne l’aimes pas, je ne suis pas pour. Mais si c’est fait finement, et qu’il y a un message derrière, c’est génial !
Qui sont les humoristes qui t’inspirent ?
C’est Jamel Debbouze qui m’a donné envie de faire ce métier et il a fait connaître Fabrice Eboué que j’adore et dont j’admire le travail. Ce sont des artistes qui m’ont vraiment inspiré. J’ai eu la chance de faire deux premières parties de Fabrice Eboué. C’est une vraie fierté.
Quel serait ton rêve ?
Mon rêve en tant qu’humoriste, ce serait de remplir le palais des beaux-arts de Charleroi. Je viens de Charleroi, je suis un carolo et je suis très fier de ma ville. Le jour où la Place du Manège (à côté du théâtre) sera remplie de voitures à cause de moi, ce sera une réelle fierté. Le deuxième rêve, ce serait de pouvoir vivre de mon métier en étant animateur télé et continuer la scène. Animateur télé me permettrait d’avoir un revenu stable. Certains potes humoristes qui connaissent mes capacités me disent qu’il est dommage qu’on ne me le propose pas. Il faudrait que je perde du poids parce que l’image est très importante.
Qu’est-ce qui te rend fier d’être carolo ?
C’est juste être carolo. En Belgique, tu dis que tu es carolo et tu te différencies : on pense que tu es mal éduqué, que tu es pauvre ou délinquant. A Charleroi, comme dans le monde entier, on est tous différents mais on a un truc en plus, la camaraderie, l’ouverture, l’amitié. A Charleroi, tu t’es vu une fois et tu es pote pour la vie presque. Alors que dans certains coins, tu te connais depuis dix ans mais tu t’évites. A Charleroi, on est tous amis, c’est pour ça que j’adore ma ville et que je ne voudrais pas en partir.
Quel est ton mantra ?
C’est la phrase de fin de mon spectacle : « On est tous des citoyens du monde, et n’oubliez pas que c’est seulement quand toutes les couleurs sont réunies que l’arc-en-ciel est le plus beau ».
Les dates de ses prochains spectacles
6 Novembre 2021 au Centre Culturel d’Amay
20 Novembre 2021 au Petit Chapeau Rond Rouge d’Etterbeek
A partir de janvier, le dernier dimanche du mois au Kings of Comedy Club, Bruxelles