Le jour 3, fut définitivement celui des enfants et des familles. Mega Mindy et Prinsessia ouvraient le bal en début d’après-midi, avant que ne se succèdent des chanteurs phares de l’audiovisuel néerlandophone, parfaitement inconnus en francophonie naturellement, et que ne reviennent sur le devant de la scène la fratrie irlandaise de The Corrs après dix ans d’absence.
Passons les détails sur Mega Mindy et Prinsessia (pas notre public cible, hélas), et même Emma Bale. La finaliste de The Voice Kids Vlaanderen en 2014, 17 ans cette année, a certes un joli potentiel vocal, elle est toutefois encore très loin de rivaliser avec la musicalité et l’originalité d’une Selah Sue, découverte elle aussi par Milow en son temps. Souhaitons lui de continuer à apprendre son métier en faisant les premières parties de son mentor, et d’enchaîner d’autres succès après Fortune Cookie, dont l’inspiration opportuniste du Hello d’Adele était un peu trop flagrante. Une troublante ironie veut en plus qu’elle fut la première à chasser la Britannique du top des ventes iTunes chez nous.
Stan Van Samang
Vedette de séries télé sur VTM, devenue chanteur sur le tard, ce Louvaniste de 37 ans jouit d’une incroyable popularité en Flandre après 15 ans de carrière. Preuve en est : il a rempli cinq fois la Lotto Arena l’an dernier, et vendu 90.000 exemplaires de sa compil’ live Liefde Voor Publiek (soit quadruple platine, 18 semaines n°1 et aussi album le plus vendu en Flandre en 2015). Si presque tous ses titres sont chantés en anglais, il est vrai que ceux chantés en néerlandais, du type Een ster ou Goeiemorgend, goeiendag (des ballades piano/voix/guitare acoustique à l’eau de rose) sont les plus acclamés. Sa voix est correcte, les trois guitares qui l’accompagnent pas nécessaires et faussement rock, mais ce qu’on retient le plus c’est sa bonhomie, son côté showman et les interactions qu’il multiplie avec le public. Ce sera par exemple le seul à emprunter le couloir central qui traverse la foule, tapant dans les mains et se dressant même sur les rambardes. L’ambiance est bonne, aidée en plus par un soleil radieux qui baigne la Grand-Place.
The Corrs
Après 10 ans de pause pour se consacrer à leurs familles respectives, les trois sœurs Corr, Andrea, Sharon, Caroline, en quadras resplendissantes, et leur frère Jim, en quinqua chanceux, ont repris la route pour nous servir une nouvelle tournée de leur pop-folk celtique tout en fraîcheur et en légèreté. Après 40 millions de disques vendus et quelques airs mémorables à l’approche du nouveau millénaire, le groupe est revenu avec son sixième album, White Light, en novembre dernier. Succès discret jusqu’ici, et peut-être pas servi au mieux par l’habillage électro-pop d’un Bring On The Night qui a échoué à se classer. Rappelons que ce qui avait fait le succès de leur Talk On Corners (album le plus vendu au Royaume-Uni en 1998), c’était bien la mise à l’honneur de leurs racines irlandaises par la forte présence du violon de Sharon, de la flûte d’Andrea et éventuellement du bodhrán (tambour sur cadre irlandais) de Caroline. Il y avait déjà une forme de modernisation de cette musique traditionnelle, mais c’était alors plus équilibré, mieux maîtrisé et ne donnait pas l’impression de courir après une certaine tendance.
Si le groupe devrait peut-être à l’avenir se recentrer sur son concept de départ, il semble en tout cas avoir conscience de ses forces puisque chacun des 5 singles de leur album phare a été joué à Tirlemont, au même titre que Runaway et Forgiven, Not Forgotten, issus eux du premier album du même nom (1995). Le mémorable et envoûtant Only When I Sleep s’est un peu fait attendre mais a comblé toutes les attentes en milieu de set. Quant au plus rythmé Breathless (2000), leur dernier succès marquant, il viendra plus tard le conclure avant qu’un nouvel air irlandais traditionnel des plus enjoués et des plus opportuns, Toss The Feathers, nous emporte comme l’avait fait Joy Of Life une demi-heure auparavant. Hormis ces quelques pièces instrumentales, l’aspect choral des trois voix féminines reste terriblement charmant, à leur image, tandis que leur énergie, leur envie et leur joie communicative pouvaient se mesurer à l’aune de leurs larges sourires quasi permanents.
Marco Borsato
Si ce nom vous a vous aussi laissé perplexe un moment, sachez qu’il s’agirait en fait du véritable taulier de la variété néerlandaise qui, pour la seconde année d’affilée, avait le privilège de venir mettre un point final au festival. Chanteur, acteur, coach dans The Voice Pays-Bas (2011-2016) et The Voice Kids (2012-…), il a été l’artiste néerlandais le plus streamé sur Spotify en 2015. Ses premiers albums chantés en italien avaient fait un four, mais dès qu’il opta pour le néerlandais en 1994, ce fut un raz-de-marée. Et plus encore : entre 1997 et 2013, chacun de ses albums a systématiquement été n°1 en Flandre et aux Pays-Bas ; c’est ainsi qu’il détient plusieurs records dans les charts oranje.
Bien aidé qu’il est par une pop orchestrale consensuelle, parsemée à l’occasion de quelques sonorités club datées et du plus mauvais goût (écoutez plutôt Rood), ainsi que par des titres simplistes et des thèmes bateaux éculés tels que la vérité (De Waarheid), le sentiment que procure la musique (Muziek) ou encore la beauté de la vie (Mooi). Le Patrick Bruel d’Alkmaar est entouré d’une douzaine de musiciens sur scène, réunissant notamment section de cuivres, choristes et percussions. Il a une belle voix, il chante juste, sans quoi il ne serait sans doute pas coach, mais tel un Stan Van Samang élevé au carré, ce sont ses dialogues avec le public, ses anecdotes parfois, et globalement sa maîtrise de la scène qui impressionnent le plus. Son public d’âge moyen, majoritairement féminin, remuera chaque fois qu’il le pourra et semble en tout cas aux anges lorsque le fameux Rood, tiré de Symphonica In Rosso, conclut le set principal de cette vraie star populaire dont chacune des paroles est reprise en choeur.
Plus fort que Deep Purple et dEUS à l’applaudimètre (hé oui…), le chanteur trouvera utile de préciser en sus que contrairement à ce qui se fait habituellement, il a tenu à contacter les organisateurs du Suiker le premier pour y revenir tant l’ambiance avait été extraordinaire l’an passé. Bref, l’art de la seduzione par Marco Borsato ou comment se mettre un peu plus profond dans la poche un public déjà largement acquis à votre cause.