Ces 7, 8 et 9 mai se déroulait la 25ème édition du festival de jazz à Liège; rebaptisé depuis deux ans le Mithra jazz à Liège pour raison de sponsoring. Le festival propose, depuis lors, une première soirée en plus du vendredi et samedi traditionnels.
Cette année, cette soirée d’ouverture faisait honneur à deux voix belges féminines avec les concerts très intimistes de Mélanie de Biaso et de Dani Klein.
Mélanie de Biaso, en trio seulement, présenta son dernier album No deal tout en finesse avec une gestuelle et des murmures délicats qu’on lui connait.
Dani Klein, quand à elle, ex-chanteuse de Vaya Con Dios, ne se revendique pas d’être une chanteuse de jazz mais son hommage à Billy Holiday fut convaincant en laissant beaucoup d’espace à ses trois musiciens dont le contrebassiste Sal La Rocca.
Les soirées du vendredi et du samedi annonçaient un très beau programme mais il faut bien avouer que, comme chaque année, il faut bien faire des choix, accepter ou pas de regarder en entier un concert et carrément en oublier certains car, répartis sur cinq salles, ceux-ci se chevauchent tout au long des deux journées. Impossible donc de tout voir.
La première prestation du vendredi était celle du LG Jazz Collective qui a acquis une solide maturité et présentait sa petite perle, l’album New feel. Tout de suite après, il était évident de foncer voir la légende Ron Carter car cette année, en plus,la programmation faisait principalement honneur aux contrebassistes. Ron Carter, toujours l’oeil vif, présenta en trio (piano, guitare)des standards finement réarrangés avec cette particularité de ne jamais regarder sa partition ni son instrument et jouant plus de la moitié du temps les yeux fermés. A la fin du concert, notre Philippe Aerts national me disait: « Toute l’histoire du jazz est là ».
Autre monument de cet instrument, Gary Peacock, connu pour sa longue complicité avec Keith Jarrett, joua également en trio. Ici, le groupe comprenait un piano tenu par Marc Copland et la batterie du grandiose Joey Baron et proposa également du pur traditionnel.
Cette soirée présentait le merveilleux trompettiste Enrico Rava qui, accompagné d’une solide rythmique mais surtout de son complice Gianlucca Petrella au trombone, a mis le feu dans une salle comble.
Dans un tout autre style, Guillaume Perret présentait un soi-disant jazz rock fusion que je qualifierais plutôt d’essai de jazz métal. Etonnant et peu convaincant.
Par contre, il faut noter deux belles découvertes pour ce vendredi. D’une part, le groupe Pinto de Margaux Vranken, au piano et au chant, qui proposa des compositions originales dans un climat très mélodique. D’autre part, le Laurent Barbier quartet présentant un jazz énergique .
La soirée du samedi fut encore plus riche en émotions. A commencer par le groupe du trompettiste Matthew Halsall qui proposait une musique entre hard-bop et jazz modal avec l’originalité d’y intégrer une harpe. Vint ensuite le groupe du clarinettiste Jean-François Foliez, le JF Foliez playground qui est une des plus belles découvertes de ces derniers mois avec une musique remplie d’énergie et de précision dans les arrangements.
Deux très bons concerts avaient lieu en même temps pour suivre. D’une part, l’excellent Omar Sosa quarteto afrocubano qui porte vraiment bien son nom et résume à lui seul cette musique sur laquelle, à certains moments, les gens pouvaient se trémousser. D’autre part, le Bussels Jazz Orchestra avec Bert Joris en invité vedette démontrait une nouvelle fois qu’il était un des plus éblouissants Big Band à l’échelle mondiale.
Ensuite, le saxophoniste alto Dmtry Baevsky présenta un trio sans piano (contrebasse, batterie) et joua un très chouette répertoire alliant standards et compos personnelles.
Un des concerts les plus attendus était celui du contrebassiste Avishai Cohen, en trio, qui a parcouru l’entièreté de son dernier album From Darkness. Dès le premier morceau, la salle bondée pouvait savoir à quoi s’attendre. Avishai Cohen jongle, fait du sport, s’amuse avec sa contrebasse qui devient par moment un instrument de percussion. Son jeu démonstratif était soutenu par son pianiste et son batteur qui, eux aussi, ont joué dans l’explosion ou la finesse selon les thèmes.
Un très grand concert et dans la lignée de celui-ci s’inscrivait celui d’un autre bassiste très intéressant Kyle Eastwood, le fils de Clint. Il était venu en quintet comprenant piano,batterie et fait rare, un saxophoniste et un trompettiste. Cette équipe originale entourant Kyle E. qui alternait contrebasse et basse électrique a également donné un super concert avec exclusivement des compositions bop.
Dernier concert à avoir été vu partiellement, celui de Taxiwars; groupe dans lequel notre étoile montante de la batterie, Antoine Pierre, soutenait avec énergie le chanteur Tom Barman dans un style éclectique,mélange de jazz, rock-punk et slam. Etonnant également et s’adresant, à mon avis, à un jeune public.
Cette édition du Mithra Jazz à Liège fut, à mon sens, une réussite tant par son ambiance conviviale que par sa programmation. Espérons que cette dernière sera d’aussi bonne facture en 2016.
Textes de Pierre Gerard
Photos de Bernard Rie