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    Straff, une histoire samie

    Titre : Straff
    Auteur.ice : Ann Helen Laestadius
    Edition : Robert Laffont
    Date de parution : 09 janvier 2025
    Genre du livre : Roman

    Après le succès de Stold, adapté en film sur Netflix, Ann Helen Laestadius revient sur le traumatisme vécu par les enfants samis envoyés dans des école pour nomades, dépossédés de leur culture. 

    De la Laponie, nous parvient une image romanesque. Nous en avons fait une région définie par ses paysages majestueux. Une lumière boréale qui se reflète sur des terres d’une blancheur immaculée. Des glaciers à l’allure sculpturale qui transpercent la nuit. Quelques maisons à flanc de fjord. L’idéal poétisé de la nature sauvage. Son insoumission à la machine humaine la rend favorable aux mythes. D’ailleurs, d’après les rumeurs, y séjournerait, à l’abri des regards, un célèbre vieillard généreux, habillé de rouge.

    Voilà où s’arrêtent les connaissances générales que nous en avons. Pour certains, il serait difficile de donner un nom aux habitants de ces régions. Si tenté que nous sachions déjà que ces régions sont bel et bien peuplées. Les uns ironiseraient : des lutins ? D’autres procéderaient par déduction. Des Lapons ? Sans savoir que le terme lapon dérivant en suédois de « guenille » est, en réalité péjoratif. En fait, nous ne savons rien des populations samies qui vivent sur le territoire transfrontalier que nous nommons Laponie. Nous ne connaissons pas plus leur culture que le racisme et l’entreprise d’extinction culturelle dont ils ont été victimes.

    Dans Straff, Ann Helen Laestadius pallie au problème. L’autrice n’a pas connu les écoles pour nomades dans lesquelles ont été envoyés les membres de sa famille, mais elle hérite du traumatisme transmis de génération en génération. C’est ce qu’elle raconte dans cette fiction traduite en français. Dans les années 50, les enfants samis sont envoyés dans des internats, coupés de leur famille et de leur racine, où ils sont « suédisés ».

    Obligés de répondre dans une langue qu’ils ne connaissent pas, ils sont dépossédés de leur identité. La directrice, qu’on appelle la sorcière, exerce sur eux un pouvoir inconditionnel, pouvoir dont elle jouit avec un sadisme assumé. Violence morale et physique. Les pouvoirs publics ne s’intéressent pas au sort de ces gamins. Et les parents n’ont pas leur mot à dire. Mais si la directrice s’esquinte à faire disparaitre cette culture, Ann Helen Laestadius, elle, s’attache à la transmettre. Avec Straff, l’autrice donne une place dans la littérature aux coutumes de ce peuple. Le joik. Le kolt. La transhumance. 

    Dans Straff, les élèves de l’école pour nomades deviennent des adultes qui accompagnent des êtres humains dans l’enfance, alors qu’eux même se sont fait volé la leur. Ils n’ont pas forcément les codes. Certains cachent avec honte leurs origines, tandis que d’autres se révoltent contre la culture de l’oppresseur. Mais tous souffrent encore des blessures du passé.

    Le récit est polyphonique et la temporalité, désordonnée. Les personnages principaux se racontent dans des chapitres qui font dialoguer les années 50 et les années 80. Le lecteur fait des allers-retours entre le passé des écoliers et le présent des adultes. On assiste à leur querelle. Leur colère. Même unis face à l’adversité, les enfants ne sont pas forcément tendres entre eux. Alors, en donnant voix aux bourreaux des bacs à sable comme à leurs souffre-douleur, Ann Helen Laestadius nous fait ressentir de l’empathie pour tous les gamins. Après tout, ce sont tous des victimes. Victimes de la cruauté de la sorcière. De la cruauté d’un système.

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