Titre : Stéphane Duroy
Auteur : Hervé Le Goff
Editions : Actes Sud
Date de parution : Janvier 2024
Genre : Photographie
Le petit dernier de la collection Photo Poche a des airs de frondeur. Les joues empourprées et gonflées de l’enfance, une cigarette glissée espièglement entre les lèvres ; c’est le portrait d’un petit chérubin qui nous observe depuis sa couverture. Exactement à l’image de son auteur. Stéphane Duroy, apprend-on dans l’habituelle préface, abandonne très jeune sa scolarité pour suivre un photographe américain qui, à terme de cette première expérience, lui conseille tout de même de retrouver la raideur des bancs de l’école avant de se frotter au monde professionnel. Ce qu’il fit. Du moins pour un temps. Le mauvais élève qui sommeille en lui, lui fait préférer aux études de droit une vie de voyage.
Le photojournalisme, c’est ce qui lui met le pied à l’étrier. Après une première expérience en Afrique, Duroy est envoyé dans un bassin minier au cœur de l’Angleterre où il s’engage pour la première fois dans une démarche plus artistique qu’informationnelle. Les sujets qu’il choisit sont les mêmes que ceux pour lesquels on le missionne. Mais au lieu de chercher dans les situations le factuel, il se concentre sur l’humain, s’inscrivant désormais dans une mouvance proche de celle d’un Ken Loach. Débusquer dans les corps les plus abîmés, un témoignage d’espoir et de douceur, voilà ce à quoi lui sert son appareil.
C’est cet aspect de son travail que met en avant Actes Sud dans le petit livre qui lui est consacré. Et effectivement des photos sélectionnées, on retiendra une impression de bienveillance presque naïve. Pour la plupart du moins. Quelques rares clichés principalement ceux capturant des sans-abris, tombent dans un pathos dont on nous déclare, pourtant, l’auteur dépourvu. Mais soit. Elles ne font pas légion. Dans l’ensemble, le choix des photos est même plutôt réussi. Tout comme l’est la mise en page. En accord avec le côté bourlingueur du personnage, on parcourt d’une page à l’autre plusieurs milliers de kilomètres. Il aurait été dommage de cloisonner le travail de Duroy en l’organisant selon une logique spatio-temporelle ou chronologique. De Berlin, on atterrit à Manhattan. Du noir, on passe à la couleur. Et pourtant, même si leur agencement ne paraît pas déterminé, il n’est pas pour autant confus. Les photos tissent entre elles des chemins de réflexion. L’abondance de routes et de passages accompagne la lecture. À ces espaces linéaires, s’imposent des personnages souvent solitaires, presque flottant. Parfois, quelques motifs viennent perturber l’image. Mais pas plus que ne le fait la couleur. Des tâches de rouge et de vert s’immiscent dans des dominances de gris, et prennent en otage notre regard. Et pendant ce temps, sur nos pupilles, s’impriment des quotidiens en lutte.