Depuis sa sortie, Les Derniers Jedi divise les spectateurs et déchaîne les passions. Certains considèrent cet épisode comme le pire de la saga, allant jusqu’à réclamer son retrait du canon Star Wars, d’autres crient au chef d’œuvre en saluant les audaces du réalisateur Rian Johnson… Quoi qu’il en soit, si les deux camps disposent chacun d’arguments pertinents, il convient de souligner le fait que Les Derniers Jedi n’est pourtant pas le pire épisode de la saga ! Non, sur ce plan, la palme est remportée par un film produit en 1978 – un an seulement après la sortie du premier épisode de la licence –, un film qui aurait pu devenir le premier spin-off de la saga…
Le 17 novembre 1978, voulant surfer sur la vague « Guerre des étoiles », la chaîne CBS diffusait un épisode spécial de Noël destiné à faire patienter les spectateurs en attendant L’Empire contre-attaque et à booster les ventes de produits dérivés… En effet, quelques jours avant le Black Friday, la chose avait alors son importance pour une licence qui a pratiquement inventé le principe du merchandising. Idéalement, une diffusion sur le petit écran aurait également permis de faire découvrir la saga aux rares irréductibles qui auraient pu échapper à la Star Wars Mania. Désireuse de capitaliser sur le succès du premier épisode, CBS commissionna donc un épisode spécial Noël dédié à Star Wars.
Sponsorisé par General Motors, cet épisode maudit ne fut diffusé qu’une seule et unique fois et jamais édité sur quelque support que ce soit. George Lucas tenta quant à lui d’occulter ce mauvais souvenir de sa mémoire et de la soustraire de celle des spectateurs, sans succès. Il participa pourtant à la genèse du projet en fournissant les bases du scénario mais s’en détourna rapidement, trop occupé par la pré-production de L’Empire contre-attaque. Le résultat fut une créature de Frankenstein désapprouvée par la quasi-totalité de l’équipe créative et dont George Lucas dissocia son nom… Quant aux spectateurs, si 13 millions d’entre eux étaient alors rivés devant leur téléviseur, la majorité s’en désintéressa avant même qu’apparaisse le générique de fin. C’est ainsi que l’une des productions télévisuelles les plus chères de l’époque – un peu plus d’un million de dollars de budget – est aujourd’hui remémorée comme une chimère par bon nombre de spectateurs, tout en constituant un objet d’une rare préciosité pour les collectionneurs.
Que raconte le Star Wars Holiday Special ?
Le film s’ouvre sur le Faucon Millenium aux prises avec des soldats de l’Empire. Tandis que la poursuite fait rage, Chewbacca rugit et Han lui promet de le ramener chez lui à temps pour célébrer le « Life Day » – le jour de la Vie –, équivalent intergalactique de Thanksgiving. Heureux, Chewie gratifie son copilote d’une accolade fraternelle et le Faucon Millenium passe en vitesse lumière, échappant ainsi aux croiseurs impériaux. S’ouvre alors le générique introduisant les personnages du récit : Luke, Han, Chewie, Leia (qui a l’air sous acide), C-3PO, R2-D2, Darth Vader et, surtout… la famille de Chewbacca : sa femme Malla, son père Itchy et son fils Lumpy. Mais le casting ne serait pas complet sans quelques guest-stars comme Beatrice Arthur, Art Carney, Diahann Carroll, le groupe Jefferson Starship ou Harvey Korman.
Suite à cette introduction, le spectateur est transporté sur la planète Kashyyyk, lieu de résidence des wookiees, et l’on voit apparaître la maison de Chewbacca (afin de bien souligner la maigreur du budget, ce plan consiste en un dessin sur lequel zoome la caméra…). S’ensuit alors une dizaine de minutes de dialogues wookiees non sous-titrés…
Après cela, les séquences vont s’enchaîner les unes après les autres : Luke apparaîtra durant deux minutes et trente-six secondes, puis l’action se dirigera vers un magasin tenu par l’une des guest-stars, Art Carney, et dans lequel un soldat de l’Empire fait ses courses de Noël… Après un effroyable jeu de mots (« She did it by hand… Solo »), ce sera au tour de Darth Vader de faire son apparition… durant quinze secondes…
Le spectateur sera ensuite à nouveau transporté vers la maison des wookiees, plus exactement vers la cuisine où Malla s’attellera à la tâche, devant une émission culinaire présentée par Harvey Korman.
Après quelques séquences de moindre importance, ce sera au tour de Itchy, le père de Chewbacca, d’avoir son quart d’heure de gloire en se coiffant d’un casque de réalité virtuelle (le « Mind Evaporator ») qui le mettra en présence d’une troisième guest-star, Diahann Carroll, pour une séquence aux accents quelque peu érotiques… Aaah, les Noël en famille ! Mitzie Welch, l’une des productrices de l’émission déclara plus tard que cette séquence était envisagée comme un « porno soft qui tromperait la censure ». Et de fait, les dialogues de Diahann Carroll ont de quoi éveiller la curiosité : « Je peux sentir ma création… Je reçois ton message, reçois-tu le mien ? (…) Ho, hoooo, nous sommes excités, n’est-ce pas ? Détends-toi… Détends-toi… Maintenant nous pouvons prendre du bon temps… Je vais te dire un secret : je te trouve adorable ». Après quoi s’ensuivra un premier passage musical.
Suite à cette traumatisante expérience consistant à admirer un wookiee se prélassant devant une œuvre intersidérale semi-pornographique, la princesse Leia fera une brève apparition peu convaincante. Ajoutons à cela que Carrie Fisher était visiblement dans un état second lors du tournage du téléfilm… L’actrice admit il y a quelques années avoir tourné certaines scènes de L’Empire contre-attaque sous influence, mais il semblerait qu’elle ait également fuit le Holiday Special à sa façon. Et on ne peut pas vraiment l’en blâmer…
Ce n’est qu’après cette séquence que les choses s’accéléreront et que l’histoire se décidera à décoller (après seulement 38 minutes de film !) Une dernière scène laissera apparaître Han et Chewbacca arrivant dans l’orbite de Kashyyyk. Scène au cours de laquelle Chewie donnera une nouvelle accolade sur l’épaule de son copain, avant que ce dernier ne réponde : « Je ressens la même chose pour toi mon ami… et ta famille ». Les défenseurs du « Han Shot First », désireux de maintenir l’ambiguïté morale du personnage de Han Solo doivent probablement systématiquement bondir de leur fauteuil à la vue d’une telle scène débordant de bons sentiments…
Quoi qu’il en soit, après ce passage, des soldats de l’Empire s’introduiront dans la maison de Chewbacca, afin de tenter d’arrêter ce dernier à son arrivée. Cette entrée permettra à Saun Dann (Art Carney) d’enchaîner les plaisanteries toutes moins drôles les unes que les autres, avant que n’intervienne le numéro musical du groupe Jefferson Starship. Pendant que les soldats s’attèleront à fouiller la maison des wookiees, Lumpy montera dans sa chambre regarder un cartoon histoire de passer le temps… Ce dessin animé mettra en scène les personnages principaux de Star Wars, ainsi que Boba Fett qui fait ici sa première apparition à l’écran !
Une fois le cartoon terminé, Lumpy se décidera à fabriquer un transmetteur radio afin de contacter les secours, et il regardera alors un effroyable tutoriel vidéo présenté par une nouvelle guest-star, Harvey Korman.
Dans une tentative probablement désespérée de passionner les spectateurs (la plupart d’entre eux avaient, selon les audiences, déjà cessé le visionnage après le cartoon), le téléfilm nous transportera sur Tatooine, à la célèbre Cantina de Mos Eisley. Ainsi, une dernière guest-star, Beatrice Arthur, aura le loisir de nous gratifier d’une autre horrible chanson… Suite à quoi Han et Chewie parviendront à rejoindre la famille de ce dernier et à se débarrasser des stormtroopers – ce qui donnera lieu à une utilisation du célèbre cri de Wilhelm présent dans tous les épisodes de la saga.
Après des retrouvailles tant attendues, les wookiees célèbrent enfin le Life Day sous la forme d’une étrange procession qui témoigne de la maigreur du budget. Chewbacca sera alors rejoint par Luke, Leia et Han (qui regardera en direction de la caméra un bref instant afin de lire son texte…). Après un court discours sur l’amour et la fraternité, Carrie Fisher entonnera sa désormais célèbre « Life Day Song » et C-3PO se balancera de gauche à droite, galvanisé par l’envoutante mélodie ! S’ensuivra alors une projection d’images du premier Star Wars, histoire que le spectateur s’en sorte tout de même avec quelques bons souvenirs. Après quoi, le film s’achèvera sur la famille Chewbacca rassemblée autour d’une table, main dans la main, s’apprêtant à profiter de son repas…
Si la chose semble pénible à la lecture, elle l’est encore plus au visionnage. Le Star Wars Holiday Special nous offre ainsi 97 minutes que l’on peinera à qualifier… Mais ce n’est pourtant pas comme ça que le récit était originellement conçu.
La vraie histoire envisagée par George Lucas !
George Lucas est tellement taiseux concernant le Star Wars Holiday Special qu’il est bien difficile d’en savoir davantage sur la genèse du projet. Mais il semble que l’histoire que le public eut l’occasion de voir en 1978 ne soit pas celle développée par l’inventeur de la saga.
En effet, en 2012, un fichier de cinq pages fut retrouvé dans les affaires de l’illustrateur Ralph McQuarrie qui venait de décéder. Ce fichier, comportant la simple mention « Ralph McQuarrie » écrite à la main dans le coin supérieur droit, semble être une ébauche du script original… Daté du 31 mai 1978 et dévoilé en 2010 au Star Wars Celebration V d’Orlando, le document offre une nouvelle approche sur le Star Wars Holiday Special…
Dans ce traitement, le scénario devait se concentrer sur la famille de Chewbacca. Le film était supposé s’ouvrir sur la maison familiale dans laquelle on retrouverait Malla, Lumpy et Itchy attendant Chewie. Chaque année, la galaxie célèbre l’esprit de la vie et de la fraternité au cours d’un festival et Kashyyyk est la planète choisie pour accueillir cette nouvelle édition. Chewbacca étant l’un des plus illustres représentants des wookiees, c’est lui qui a été choisi pour être mis à l’honneur.
Tandis que Malla, Lumpy et Itchy s’occupent à leurs affaires, Chewie arrive à la maison et est chaleureusement accueilli par les siens. Han Solo apparaît alors à l’écran pour féliciter son ami et l’avertir que l’Empire semble opposé à la tenue du festival. Plus tard, Saun Dann arrive dans la maison pour livrer une commande et montre à Lumpy un livre vidéo sur lequel l’enfant peut voir la première partie du cartoon mettant en scène le casting au complet. Cependant, Chewbacca refuse de lui acheter l’appareil, désireux de lui faire la surprise plus tard. Lumpy court alors se cacher dans sa chambre.
Une fois Saun Dann parti, Chewie se glisse sous le « Mind Evaporator » présenté dans le scénario comme une machine destinée à montrer des « images de ce qu’un wookiee estime important dans la vie ». Mais rapidement, le rêve se transforme en cauchemar et Chewbacca voit son fils en danger. Il monte alors le chercher et découvre que Lumpy a disparu. L’enfant s’est en fait glissé à bord du vaisseau de Saun Dann et est maintenant sur Tatooine. Dans le vaisseau, Lumpy regarde la deuxième partie du dessin animé. Intrigué par le bruit, Saun Dann découvre celui-ci et décide d’alerter ses parents dès qu’il arriverait à la Cantina de Mos Eisley où il entend célébrer le Life Day avec ses amis.
Après quoi, l’action se déplace vers un vaisseau de l’Empire sur lequel le commandant cherche à saboter le Starship Musica – le vaisseau des musiciens qui doivent se rendre au festival. Une guest-star est alors supposée se porter volontaire pour ce travail. De façon amusante, le document mentionne le nom de Raquel Welch pour ce rôle. C’est même le seul nom mentionné dans ce projet !
Pendant ce temps, Malla réalise où doit se trouver Lumpy et, après l’avoir localisé grâce à un vaisseau virtuel (nommé « transporteur environnemental »), elle et Chewie contactent Saun Dann, lui enjoignant de ramener Lumpy. Celui-ci n’étant plus en état de piloter promet de placer l’enfant sur le premier vaisseau destiné à rejoindre Kashyyyk. Après une courte parenthèse durant laquelle Leia appelle Malla pour lui transmettre un message à l’occasion des fêtes, Luke appelle à son tour pour avertir du fait qu’R2-D2 et C-3PO l’ont mis en garde quant aux tentatives de l’Empire visant à saboter le Starship Musica. C’est justement sur ce vaisseau que Saun Dann a laissé Lumpy !
Raquel Welch s’introduit alors dans la salle des machines et parvient à accomplir sa mission. R2 et 3PO avertissent alors Chewbacca qui semble être la seule personne capable de piloter le vaisseau endommagé. Celui-ci quitte sa maison pour aborder le vaisseau dont il prend les commandes, Han l’appelle sur l’écran de contrôle pour lui dire qu’il peut y arriver et Chewie pose le vaisseau sans encombre sur Kashyyyk. Le festival prend ensuite place et Chewbacca est mis à l’honneur ! Même Saun Dann salue le wookiee et affirme que ce dernier a gratifié la galaxie du plus merveilleux des cadeaux : « Son talent, son courage et sa détermination ».
Si ce scénario ne semble pas moins niaiseux que le film diffusé en novembre 1978, il possède néanmoins une qualité intéressante : son homogénéité ! Malgré la légèreté du récit (il s’agit tout de même d’un épisode spécial de Noël), le tout garde une certaine forme de cohérence que ne possède pas le film que nous connaissons. Dans la version diffusée au public, les scènes s’enchaînent sans qu’il y ait parfois la moindre logique à cela et le tout alourdit considérablement un récit qui n’a certainement pas besoin de cela ! Mais ce script fut repris par cinq scénaristes et, dès la quatrième ébauche, l’histoire n’avait déjà plus rien à voir avec le document retrouvé chez McQuarrie – à l’exception du Life Day et de ce qui entoure la famille Chewbacca. D’après certains, Ken et Mitzie Welch, deux des producteurs (Mitzie travailla également au scénario) seraient les responsables de ces changements : l’histoire aurait ainsi décentré son intrigue de Chewbacca pour montrer sa famille s’occupant à des tâches diverses et variées en attendant son retour. Quoi qu’il en soit, le film était maudit dès le départ…
L’histoire derrière le film
À l’origine, le réalisateur du film était un dénommé David Acomba. Celui-ci s’était illustré quelques années plus tôt en réalisant Welcome to the Fillmore East, un concert mettant en scène Van Morrison et The Byrds. En 1973, il donna également naissance au film Slipstream qui lui valut trois victoires aux Canadian Film Awards. Plus encore, Acomba avait, comme George Lucas, étudié à la University of Southern California – bien que les deux réalisateurs ne s’y soient jamais croisés. C’est ainsi que celui-ci rejoint l’équipe du Star Wars Holiday Special déjà composée des producteurs exécutifs Gary Smith et Dwight Hemion, ainsi que du couple Ken et Mitzie Welch, accompagnés de leur ami Joe Layton.
Le compositeur Ian Fraser fut quant à lui engagé pour réaliser la bande son du film, de même que Bob Mackie qui fut recruté pour la réalisation des costumes. Une solide équipe de scénaristes fut également constituée : Mitzie Welch, Pat Proft – qui travaillera plus tard sur les séries Police Academy, Hot Shots et Y a-t-il un flic ? –, Leonard Ripps, Bruce Vilanch et Rod Warren. Cette équipe semblait alors constituer un casting de choix pour un projet aussi ambitieux que le Holiday Special. Cependant, il s’agissait d’une Dream Team adaptée à une émission de variété, ce que Star Wars n’était pas…
David Acomba tourna deux séquences du film : celle de Beatrice Arthur dans le Cantina Bar et le clip vidéo mettant en scène le groupe Jefferson Starship dans son interprétation de « Light sky on fire ». Il s’avéra rapidement que le réalisateur n’était pas taillé pour la télévision, peu habitué à tourner avec plusieurs caméras sur plusieurs angles. Il déclara ainsi ne pas totalement comprendre son rôle et avoua que ce projet était devenu un enfer pour lui. C’est ainsi que Steve Binder, vétéran ayant donné un second souffle à la carrière d’Elvis Presley dix ans plus tôt grâce à son Elvis : 68 Comeback Special, assura la relève !
Lorsque Binder prit le film en mains, la production avait déjà commencé depuis une semaine et était tombée dans l’impasse, faute d’argent. Le choix avait été fait de recréer la maison des Wookies sur un plateau à 360 degrés, ce qui entraîna des difficultés techniques et un dépassement du budget initial. Steve Binder fut alors envisagé comme l’homme de la situation et CBS lui proposa de prendre les rênes du projet. Il régla rapidement le problème du plateau de tournage en découpant un pan de mur pour y intégrer les caméras. Son arrivée ne changea cependant rien au triste sort qui attendait le téléfilm. Comme le réalisateur l’exprima lui-même en 2015 : « J’étais juste un homme du feu – j’étais là pour finaliser le projet – parce que CBS avait décidé de faire avancer les choses à ce stade. Ils envisageaient de tirer la prise mais ont finalement décidé de continuer, et je pense que le public n’était pas préparé à ce que devait être ce Holiday Special. Je crois que c’était une énorme erreur. Ce n’était pas destiné à devenir Star Wars 2. C’était seulement un épisode de variété qui avait pour vocation de vendre des jouets ».
Le plus amusant là-dedans est tout de même que George Lucas a souvent exprimé sa haine à l’encontre de cet épisode spécial Star Wars, allant jusqu’à déclarer : « Si j’avais un marteau et suffisamment de temps, je traquerais chacune des copies existantes de ce film pour les détruire ». Il avait pourtant fournit le scénario originel, développant en long et en large l’histoire de la famille Chewbacca dans une « Bible Wookiee ». Pour la petite anecdote, ce manuscrit indiquait que Han Solo était marié à une Wookiee… Leonard Ripps, l’un des scénaristes du Holiday Special déclara plus tard au cours d’une interview que : « Lucas nous avait dit que Han Solo était marié à une Wookiee, mais qu’on ne pouvait pas le mentionner dans le film parce que la chose était de nature à créer la controverse ». Le film n’étant pas considéré comme faisant partie du canon des écritures Star Wars, ce mariage n’est donc pas reconnu par Lucasfilm.
On le sait, Lucas n’a jamais hésité à exploiter le filon Star Wars, allant jusqu’à sortir un album de Noël intitulé « Christmas in the stars », deux livres de cuisine Star Wars, un moule à gaufres, du matériel de pêche, du papier toilette Revanche des Sith, un distributeur à papier collant C-3PO ou un panier à linge R2D2, pour n’en citer que quelques-uns. Mais aussi limitée soit-elle, il assume pourtant peu sa participation au Holiday Special… Steve Binder déclara pourtant que George Lucas approuva le film avant sa diffusion, et ne s’en distancia qu’une fois les critiques négatives apparues. Toujours est-il que son nom n’apparaît nulle part au générique.
Quoi qu’il en soit, et malgré ses efforts, le téléfilm subsiste aujourd’hui. Bien qu’il n’ait été diffusé qu’une seule fois aux États-Unis, en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande, cela fut suffisant pour permettre à certains téléspectateurs disposant d’un enregistreur vidéo d’immortaliser la chose sur bande magnétique. Il fut même diffusé en francophonie, aux alentours de 1979, sous le titre de « Au temps de la Guerre des Étoiles » et existe donc dans une version française dans laquelle on retrouve notamment Francis Lax au doublage d’Harrison Ford. Quant à Lucasfilm, bien que la société ait tenté d’en interdire toute diffusion postérieure, le film circula par la suite en Bootleg dans de nombreuses conventions. L’arrivée de YouTube et Dailymotion en 2005 allait sonner le glas des efforts de Lucas pour éclipser le film, et celui-ci est aujourd’hui facilement trouvable sur la toile, moyennant quelques clics… Il est même possible de trouver une version plus ou moins remastérisée de ce Saint Graal des étoiles.
Ajoutons à cela que, contrairement à la croyance générale qui veut que George Lucas ait détruit toutes les bandes du film, celles-ci ne lui appartiennent pas, puisqu’il le téléfilm fut produit par Smith-Hemion Productions, et non par Lucasfilm Ltd. Cela ne veut pas pour autant dire que ces bandes existent encore, mais remet en question la possibilité que Lucas ait détruit tous les négatifs.
Un casting motivé !
George Lucas n’est pas le seul à avoir manifesté sa désapprobation quant à cet épisode spécial de Star Wars. Han Solo lui-même fit entendre son mécontentement quant à cette production bancale ! Larry Heider, l’un des cadreurs de l’émission rapporta plus tard l’attitude d’Harrison Ford sur le plateau du Star Wars Holiday Special : « Harrison Ford était furieux d’être là. […] Au moment de tourner l’une des scènes dans le Faucon Millénium, il nous a bien fait comprendre qu’il voulait juste prononcer ses répliques et en finir au plus vite : ‘On peut se dépêcher ? Combien de temps ça va nous prendre ?’ » Ford déclare d’ailleurs n’avoir jamais visionné le téléfilm.
Carrie Fisher, quant à elle, déclara en 2015, lors de la promotion du Réveil de la Force que ce film était horrible… « et pas horrible dans le bon sens ». Il semblerait même que l’actrice ait demandé une copie à George Lucas en échange de l’enregistrement de commentaires audio pour le coffret dvd Star Wars, insistant sur le fait que le film serait parfait pour faire fuir les invités dont elle souhaiterait se débarrasser. La comédienne était en effet peu emballée par le projet, mais négocia son contrat : elle accepterait moyennant la possibilité de chanter une chanson… L’un des scénaristes, Bruce Vilanch, déclara plus tard : « Elle est venue dans notre bureau et a joué quelques chansons larmoyantes au piano. Elle chantait des ballades sentimentales et toutes sortes de chansons dans le style de Joni Mitchell. Elle voulait vraiment montrer cette facette de son talent. Et nous, nous étions en désaccord parce que ce n’est pas ce que nous voulions faire avec la Princesse Leia ». Elle parvint cependant à obtenir gain de cause, bien que peu convaincue par la chanson écrite pour elle par Ken et Mitzie Welch.
Comme ses collègues, Mark Hamill manifesta plus tard sa désapprobation initiale quant au projet, affirmant avoir joué le jeu par amitié pour George Lucas, mais soulignant néanmoins que le film devrait selon lui figurer dans les bonus d’un dvd afin de montrer à quel point l’erreur est humaine. Larry Heider déclara à son sujet que Mark Hamill était vraiment quelqu’un de bien et qu’il dégageait une impression de « type normal qui essaie juste de faire son boulot ». Ses efforts transparaissent d’ailleurs à l’écran. En 2014, le principal intéressé déclara : « Dès le début, j’ai pensé que ce film était une erreur. Ça n’avait tout simplement rien à voir avec l’univers de Star Wars. J’ai d’abord déclaré ne pas vouloir le faire, mais George a dit que cela aiderait à maintenir Star Wars dans la conscience collective. Puis j’avais l’esprit d’équipe, donc j’ai accepté. J’ai également dit que Luke ne devrait pas chanter ; ils ont donc supprimé cette partie du scénario ».
Mais le plus intéressant, en ce qui concerne le célèbre Luke Skywalker est qu’il était, pour cet épisode, maquillé à outrance afin de masquer ses cicatrices suite au terrible accident de voiture qu’Hamill aurait eu peu avant le tournage – l’histoire veut d’ailleurs que l’attaque du Wampa dans L’Empire contre-attaque ait été intégrée au scénario pour justifier la cicatrice de Luke au visage… Sans compter sa terrible coupe de cheveux lui donnant des allures féminines.
Il convient d’ajouter à cela qu’à l’époque, il était très mal vu pour des acteurs de cinéma d’apparaître à la télévision, ce qui contribua à l’attitude des principaux protagonistes. Quoi qu’il en soit, et comme Harrison Ford le déclara en 2011, ils étaient tenus d’être là par obligation contractuelle. Gary Kurtz, l’un des producteurs de la saga, tenta de convaincre les acteurs de se joindre au projet et avoua plus tard qu’il lui fallu tout de même quelque peu supplier ceux-ci pour obtenir qu’ils acceptent.
Mais en dehors de ces réticences de la part du casting principal, d’autres problèmes apparurent sur le tournage. Nous avons déjà parlé du plateau à 360° rendant impossible la mise en place de caméras, du budget dépassé et du départ de David Acomba. Mais d’autres éléments concourent encore à créer une mystique autour de ce film. Les anecdotes les plus intéressantes à ce sujet concernent les costumes utilisés au cours du tournage.
Le Star Wars Holiday Special a été tourné durant l’été 1978, à Burbank (Los Angeles, Californie). À cette époque de l’année, il fait généralement très chaud et l’on imagine aisément ce que devaient ressentir Peter Mayhew (Chewbacca), Mickey Morton, (Malla), Paul Gale (Itchy) et Patty Maloney (Lumpy) dans leur costume de wookiee ! Le principal problème sur ce plan est que, toutes les 50 minutes, il était nécessaire de leur enlever leur masque pour leur donner de l’oxygène, ce qui avait pour effet de ralentir considérablement le tournage. À cela s’ajoute bien entendu le poids des costumes : le réalisateur Steve Binder déclara lors d’une interview que l’actrice Patty Maloney perdit près de six kilos lors du tournage, en raison de ces contraintes.
Tant que nous en sommes à parler des wookiees, certains racontent également que le budget avait tellement fondu arrivé à la fin du film qu’il n’était plus possible de réaliser des costumes complets pour chacun des figurants. C’est pourquoi les wookiees célébrèrent le Life Day vêtus de longues robes rouges : la tête aurait été le seul élément réalisable au vu des finances restantes. Si nous n’avons pas trouvé confirmation de la chose, il semble tout de même intéressant de mettre ces dire en rapport avec une déclaration du réalisateur Steve Binder : « Il restait donc la lumière à la fin du téléfilm. On m’avait dit qu’il ne restait pas de budget pour créer un décor. Donc j’ai fait remplir un immense hangar à avions avec toute l’équipe du film et les figurants, et j’ai demandé au directeur artistique s’il nous restait assez d’argent pour acheter des bougies. C’est ce qu’on a fait. On a acheté toutes les bougies qu’on a pu trouver dans les environs des studios Warner Brothers ». Et d’ajouter : « Les bougies placées dans un environnement sombre créent un superbe effet »…
Question costume, la scène de la Cantina est également assez amusante. L’équipe technique avait oublié de pomper de l’oxygène dans les masques des figurants et la chaleur de Burbank eut raison d’une bonne partie d’entre eux qui s’effondrèrent sur le sol. Ce jour-là, Pat Proft, l’un des co-scénaristes eut la bonne idée d’emmener son enfant sur le plateau pour assister au tournage. On imagine fort bien le traumatisme qui résulta chez le bambin à la vue d’un tel spectacle…
Cette même séquence mettait en scène l’actrice Beatrice Arthur qui devait chanter l’horrible chanson « Goodbye, but not Goodbye ». L’artiste avoua en 2005 n’avoir pas eu la moindre idée de l’endroit où elle se trouvait : « C’était un moment merveilleux mais je n’avais pas la moindre idée du fait que je faisais partie de Star Wars. Je me souviens juste avoir chanté devant toutes sortes de personnes qui avaient des têtes bizarres ». Carrie Fisher n’était donc apparemment pas le seul membre de l’équipe sous acide…
Rien à garder ?
En dehors de ses nombreux défauts, le Star Wars Holiday Special présente cependant plusieurs qualités souvent soulignées. Le premier point notable est l’apparition de la planète Kashyyyk, lieu de vie des Wookiees. L’endroit n’apparaîtra au cinéma que vingt-sept ans plus tard, dans La Revanche des Sith.
Ensuite, le téléfilm présente un cartoon de neuf minutes qui reste aujourd’hui encore le seul segment officiellement reconnu par Lucasfilm et dissimulé dans les bonus du blu-ray de la trilogie originale en 2011. C’est la société Nelvana Ltd., alors très peu connue, qui se chargea de la réalisation du projet. Michael Hirsch, le co-fondateur de la société déclara lors d’une interview que le cartoon était, selon-lui, davantage dans les lignes de ce que Lucas avait en tête avec le Holiday Special : « En acceptant de faire le Special, il y avait une chance que Fox et CBS acceptent de financer un cartoon Star Wars. Le reste du show n’était pas vraiment quelque chose qu’il semblait vouloir faire ». Sur demande de George Lucas, le style de l’animation fut calqué sur celui du dessinateur français Jean Giraud, alias Moebius.
Dans ce segment animé, chaque personnage fut doublé par son pendant physique, Anthony Daniels (C-3PO) possédant le plus de dialogues. Mark Hamill apparu quant à lui anxieux lors de l’enregistrement de ses répliques. Bien qu’il se soit déjà essayé au doublage, en 1973 dans The New Scooby-Doo Movies, la même année dans Jeannie, ou en 1977 dans l’excellent Wizards de Ralph Bakshi, on ne peut que se réjouir que le Holiday Special l’ait mené à pousser l’expérience plus loin. Des années plus tard, il participera ainsi au doublage anglais du Nausicaa de Miyazaki (1984) et, surtout, prêtera sa voix au Joker de Batman : The Animated Series au début des années 90.
Mais le plus important pour bon nombre de connaisseurs est que ce dessin animé constitue la première apparition à l’écran de Boba Fett que l’on retrouvera plus tard dans L’Empire contre-attaque. Précisons bien la première apparition à l’écran ! Contrairement à ce que beaucoup croient, Boba Fett est en réalité apparu pour la première fois le 24 septembre 1978, lors de la San Anselmo Country Fair. Le Star Wars Holiday Special eut tout de même le mérite de lui offrir son premier rôle ! Cependant, le doublage du chasseur de prime était ici réalisé par Don Francks et non Jeremy Bulloch comme ce fut le cas dans les deux derniers films de la trilogie originelle.
On retrouve donc ici un premier design du personnage basé sur une vidéo en noir et blanc diffusée aux membres de Nelvana et dans laquelle on pouvait voir le costume du personnage sous toutes les coutures.
En somme aussi pénible que puisse être le Star Wars Holiday Special, il comporte des éléments intéressants qui participent à leur façon à la mythologie établie par George Lucas.
Au temps de la Guerre des Étoiles, la version française
Le 1er janvier 1980 à 14h, le film fut diffusé par TF1 en version française, sous le nom de « Au temps de la Guerre des Étoiles ». Il semblerait qu’il ait au préalable été diffusé dans l’émission « Temps X » des frères Bogdanov, mais nous n’avons pas trouvé d’information solide pour asseoir cette information.
Dans la première trilogie Star Wars, Luke était doublé par Dominique Maurin, Leia par Evelyn Selena, Han par Francis Lax et Anthony Daniels par le formidable Roger Carel ; la majorité de ceux-ci ne participa pas au doublage français du Holiday Special. Des doubleurs originaux, seul Francis Lax qui offrait sa voix à Harrison Ford dans les trois premiers films de la saga, ainsi que dans Indiana Jones et le Temple Maudit, reviendra prêter ses cordes vocales au célèbre contrebandier.
Cependant, malgré ce doublage, de nombreux passages seront supprimés du téléfilm qui, dans sa version française, passera de 97 à 72 minutes. La très grande majorité des épisodes musicaux seront ainsi supprimés – à l’exception du passage de Jefferson Starship –, de même que l’échange entre tous les protagonistes précédant la « Life Day Song » de Leia. N’ayant pas été traduite et, pour des soucis probables d’homogénéité vocale, cette chanson n’apparaît pas non plus dans le récit. Quant au passage durant lequel Itchy se prélasse dans le « Mind Evaporator », il fut tout simplement retiré de cette version !
La version française prendra plusieurs libertés étranges avec le film original. Avant tout, aucune mention ne sera ici faite du « Life Day », et les personnages parleront systématiquement de « L’anniversaire », sans que l’on sache vraiment de quel anniversaire il s’agit. Supposons qu’il s’agit de celui de Chewbacca. Ce changement n’est visiblement justifié par rien d’autre que la peur pour le distributeur français du film de se heurter à l’incompréhension des spectateurs qui auraient pu ne pas saisir le concept de « Jour de la Vie ».
Mais ce point n’est pas le seul qui fut sujet à changement. Une autre modification au récit – totalement gratuite – intervient. Dans ce « Au temps de la Guerre des Étoiles », Itchy n’est désormais plus le père de Chewbacca mais devient son frère, sans qu’aucune explication ne soit donnée pour appuyer la chose…
Malgré ces changements et coupes dans le récit, Au temps de la Guerre des Étoiles reste lui aussi un très mauvais film dégoulinant de bons sentiments en inadéquation avec les personnages de la saga.
Quoi qu’il en soit et malgré ses nombreux défauts, le Star Wars Holiday Special reste une curiosité de la Pop Culture, tout à fait comparable au Quatre Fantastiques produit par Roger Corman en 1994 ou à l’apparition oubliée d’Harrison Ford en Indiana Jones barbu sur laquelle nous reviendrons un jour !