scénario : Jason Aaron
dessin : Jason Latour
éditions : Urban comics
sortie : 20 mars 2015
genre : Comics
En 1973, Phil Karlson réalise Walking tall. Librement inspiré de la vie de Bufford Pusser le film suit un sheriff du Tennessee bien décidé à faire régner la justice dans sa ville. Pour ce faire, il n’hésitera pas à employer des méthodes expéditives, aidé de son arme iconique, un grand bâton de bois.
Le succès du long-métrage lui vaudra deux séquelles, une série télévisée, ainsi qu’un remake en 2004 (avec Dwayne « The Rock » Johnson). Jason Aaron, scénariste de Scalped, présente aujourd’hui ce qui pourrait en être une suite officieuse, sous forme d’une bande dessinée qui tient heureusement plus du film brut de décoffrage de Phil Karlson, que de son remake aseptisé.
Suite au placement de son oncle en maison de retraite, Earl Tubb se voit contraint de retourner dans son village natal, afin d’y vider la maison de son enfance. Les spectres du passé ne tarderont pas à se manifester, notamment via les souvenirs liés à son père, ancien sheriff de la ville ne se séparant jamais de la branche lui servant de massue. Mais c’est en tentant d’aider une de ses anciennes connaissances qu’Earl se privera de toute possibilité de retour en arrière.
Cette variation sur le thème de la justice extrajudiciaire emprunte quelques lieux communs (petite frappe ayant pillé son patron, policiers corrompus, etc.), ce qui lui permet néanmoins de gagner en efficacité. Les codes étant respectés, et souvent connus, l’auteur peut se permettre de ne pas s’étendre en explications sur certaines parties de l’histoire, pour, au contraire, se focaliser sur ce qui l’intéresse vraiment. Soit livrer sa vision sans concession du Sud des États-Unis.
Si l’on en croit la préface, Jason Aaron et Jason Latour ont des comptes à régler avec cette région qui les a vu grandir et pour laquelle ils partagent néanmoins une profonde affection. Ce mélange d’attirance et de répulsion se traduit par un récit dans lequel chaque moment calme est irrévocablement contrebalancé par un évènement dramatique.
Cette dynamique basée sur l’ambivalence de chaque instant est couplée à un regard sur une certaine mentalité, ainsi que sur le rapport de chacun à son passé. Earl peut fuir à tout moment, mais il choisit finalement d’embrasser la même voie que celle qu’on devine précédemment empruntée par son père. Cet apaisement vis-à-vis de cet antécédent familial, que l’on peut également percevoir comme une forme de conditionnement à long terme, ne pourra ironiquement trouver de finalité que dans la brutalité.
Car Southern bastards a été écrit, on l’imagine, avec la rage au ventre, ce qui explique certains défauts que l’on pourrait reprocher à l’album. La violence y est ainsi plutôt gratuite, et principalement articulée autour de personnages pas toujours très nuancés.
Néanmoins, on ne pourra pas reprocher la sincérité d’une intrigue qui prend ici une forme de pamphlet contre ces endroits repliés sur eux-mêmes, où la lâcheté humaine a permis le retour de la loi du plus fort.