Soudain seuls
de Thomas Bidegain
Thriller, Romance
Avec Gilles Lellouche et Mélanie Thierry
Sortie le 20 décembre 2023
Si l’on peut accorder une chose à Soudain seuls sans sourciller, c’est de représenter un véritable cauchemar à échelle humaine. Alors que Ben et Laura improvisent un arrêt sur une île inhabitée au large de la Terre de Feu pendant leur tour du monde, une tempête les empêche de remonter sur leur voilier. Laissant l’orage passer, le couple se réfugie dans les vétustes bâtiments de ce qui semble être une ancienne station baleinière. Le lendemain matin, c’est la douche froide, le bateau a disparu. Bloqués sur une île montagneuse qui ne parait plus si petite que ça, sans aucun moyen de communiquer avec l’extérieur et sans que personne n’ait eu connaissance de leur arrêt, Ben et Laura vivent l’angoisse d’une mortelle impuissance.
Si le cauchemar est à taille humaine, le survivalisme qui s’en suit l’est tout autant. Il n’est pas ici question d’opposer nos malheureux touristes à une communauté hostile qui les traquerait ou à une faune sauvage prête à les dévorer. L’antagonisme ne s’incarne que dans ce caillou montagneux et insulaire de quelques dizaines de kilomètres carrés. N’ayant ni à fuir ni à se cacher, la survie ne consiste « qu’à » trouver des moyens de subsistance en attendant d’être retrouvés. Rechercher une source d’eau potable, débusquer des mollusques, chasser les quelques malchanceux manchots qui séjournent sur l’île, le film se veut vraisemblable. Et puisque ce couple est si normal, si « comme tout le monde », il est aisé de s’y identifier, de se demander « qu’est-ce que je ferais à leur place ? »
L’identification aux protagonistes est d’autant plus facile que l’enjeu principal du film et moins la question de leur survie que celle de leur relation. Ce tour du monde dans lequel ils se sont embarqués, c’est en quelque sorte la dernière chance de ce couple. Confrontant leurs besoins vitaux communs à leurs points de vue différents, cette cohabitation périlleuse et forcée où un futur parait illusoire et naïf ouvre sur des problématiques inédites et plus profondes. C’est, d’ailleurs, sûrement le plus gros reproche que l’on peut faire au film : alors que le thème central est bâti autour de cette histoire amoureuse, le film prend énormément de temps avant d’aborder le sujet. Une grande partie du début du long-métrage ne se focalise que sur la mésaventure et la survie qu’elle entraîne, se désintéressant ainsi du cœur du film tant et si bien qu’on en vient presque à être surpris lorsque les inclinaisons amoureuses se substituent à la quête de moyens de subsistance. Seuls l’hiver et ses dangers approchant nous rappellent qu’il ne nous est pas raconté l’histoire d’un couple ayant choisi son autarcie.
Il n’en reste pas moins que Soudain seuls propose un exercice de pensée surprenant, oscillant entre préoccupations vitales et enjeux sentimentaux, poussant son spectateur à épouser et prendre part aux questionnements de personnages pas si différents que ça de lui.