“Sometimes I Think About Dying”, la douceur

Sometimes I Think About Dying
de Rachel Lambert
Comédie, Comédie dramatique, Drame, Romance
Avec Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena
Sortie en salles le 5 juin 2024

La société de consommation, c’est l’immédiateté. Celle des modes, des trends qui disparaissent aussi vite qu’elles sont arrivées, posant une hiérarchie sociale entre ceux qui sont passés à la nouveauté et ceux qui découvrent à peine l’existence de ce qui est un présent déjà désuet. Mais plus que sociétale, l’immédiateté a des visées économiques. Vendre perpétuellement pour accroitre ses gains, engranger toujours plus de bénéfices, le mythe de la croissance absolue et infinie. Ainsi, la fast fashion. Ainsi, les marques sortant un nouveau modèle de téléphone chaque année. Ainsi, l’obsolescence programmée. Cette quête inexorable du tout avoir et du tout savoir, cette spirale de consommation qui ne vise, en fait, qu’à se sentir partie intégrante de la société résulte sur un cinéma tout aussi immédiat : des films où tout est expliqué, où tout est résolu, où la narration est linéaire car traitée avec efficacité. Pas de temps à perdre, on va de A à B par le plus court des chemins : la ligne droite. Saturée d’images, d’informations, de biens, difficile de trouver un quelconque apaisement, un quelconque moment dédié à reposer son esprit, à questionner ce qui nous entoure, à savoir ce qui nous fait vraiment envie et ce qui n’est qu’une réaction épidermique.

Ralentir. Se calmer. Réfléchir. Analyser. Autant de termes qui sont compris dans l’idée de « prendre son temps ». Prendre son temps, c’est déjà remettre en question la société de consommation, c’est refuser l’achat compulsif et l’information précipitée. Prendre son temps, c’est la chose la plus politique des pratiques qui ne le sont pas. Sometimes I Think About Dying est une ode à la prise de temps. Et ce n’est d’ailleurs pas le seul discours idéologique, d’un film qui ne correspond en aucun point à ce qu’on imagine d’un cinéma engagé et militant.

Sometimes I Think About Dying, c’est l’histoire de Fran, une employée de bureau au quotidien des plus carré. Bien que cela ne soit pas abordé, peut-être la jeune femme se trouve-t-elle quelque part sur le spectre autistique. Quotidien millimétré, ordonné, désocialisé sans que cela semble l’affecter, incapable de tenir un regard ou de ressentir joie ou peine, Fran, si elle n’est pas autiste, est, en tout cas, en marge de la normalité. Quand soudain. Quand soudain, Robert arrive dans l’openspace. À l’inverse de la jeune femme, lui n’est pas du tout atypique et s’intègre immédiatement et parfaitement au sein de l’équipe. Par contre, si son comportement est tout à fait normal, ou, pour être plus juste, normé, ses goûts ne semblent pas l’être. Grand cinéphile, Robert aime les vieux films, ceux qui ne correspondent plus aux standards actuels. Et il en va de même pour les êtres humains. Car la personne qui intéresse le plus Robert, c’est Fran.

Bien sûr, cette romance entre un divorcé bedonnant et peu sûr de lui et sa collègue neuro-atypique n’est pas évidente du tout. Mais cette histoire, elle prend son temps. En valorisant des personnages qui n’entrent absolument pas dans les standards, Rachel Lambert, la réalisatrice, questionne les codes et redéfinit la norme. Par rapport à leurs collègues, tous ennuyeux à leur manière, Fran et Robert brillent par leur originalité. Ainsi va de leur relation qui met en exergue les bienfaits du dialogue, de l’ouverture d’esprit, de la douceur, de la chaleur humaine. Ou toutes ces choses qui ne sont possibles que si l’on prend le temps de prendre son temps.