De Michael Frayn, adaptation de John Thomas, mise en scène d’Eric De Staercke, avec Perrine Delers, Bruno Georis, Maria del Rio, Cécile Florin, Benjamin Torrini, Pascal Racan, Marc Weiss, Emmanuel Guillaume, Joséphine de Renesse
Du 19 avril au 14 mai 2017 au Théâtre Royal des Galeries
On sait que le Théâtre Royal des Galeries est l’un des derniers parmi les grands théâtres institutionnels bruxellois à encore oser proposer de vrais vaudevilles, sans rougir et sans se pincer le nez. Et si le plaisir coupable de découvrir une pièce de boulevard s’accompagne toujours d’une certaine dose de circonspection quant au texte, à la mise en scène ou au jeu souvent outré des acteurs, le concept de Silence en coulisses avait de quoi allécher sérieusement, de par son audace et sa volonté de relecture subversive du genre.
La pièce de Michael Frayn, adaptée par John Thomas, propose en effet un angle assez original sur la comédie de boulevard, puisqu’elle met en abyme celle-ci dans son intrigue. Silence en coulisses suit donc une troupe de théâtre dans la répétition puis les représentations d’une pièce de boulevard intitulée Sans dessus dessous, une caricature du genre dont les quiproquos tournent autour de couples multiples, de portes qui claquent et… d’assiettes de sardines ! À l’intrigue tirée par les cheveux de cette pièce fictive s’ajoutent les atermoiements sentimentaux des comédiens qui la jouent, formant eux aussi un vaudeville dont les enjeux se précisent peu à peu et vont grandissant jusqu’à une véritable explosion finale.
Silence en coulisses s’articule en trois actes, qui déroulent en fait chacun une représentation de la pièce Sans dessus dessous : le premier lors d’une répétition générale assez mouvementée ; le second lors d’une représentation à mi-parcours, gangrénée par les conflits internes et vue depuis les coulisses ; et le troisième lors de la dernière de la tournée, qui dégénère totalement au vu et au sus du public, et dans laquelle la machine supposément bien réglée du comique de timing précis devient complètement folle.
Si le pari est extrêmement ambitieux, il devient assez vite très déstabilisant pour le spectateur de la pièce (la vraie) tant le système mis sur pieds fonctionne en trois temps, de manière très inégale. La première partie semble assez convenue, le principe de la pièce dans la pièce étant traitée d’abord de façon conventionnelle et la mise en scène épousant celle d’un vaudeville lambda, plutôt médiocre. La deuxième partie retourne le dispositif comme une crêpe et fait considérer la pièce sous un angle tout autre, tandis que la mise en scène se fait réellement inventive. Enfin, la dernière partie fait retomber le soufflé de manière assez consternante, surjouant ses effets et tournant au n’importe quoi absolu, une bouillie informe qui ne fait plus rire du tout et agace prodigieusement.
Si la pièce se termine sur une – très – mauvaise note, l’impression globale reste tout de même mitigée, tant Silence en coulisses fait vivre les montagnes russes à son spectateur. Il en ressort tout de même une donnée résolument positive : l’implication et la performance hors-normes de l’ensemble de la distribution. Un tel abattage et une telle maîtrise au service d’un matériau qui ne le mérite pas reste quelque chose d’assez impressionnant à voir, même si l’impression d’assister à un beau gâchis domine malheureusement. D’autant plus que, sans sa dernière partie désastreuse, apparemment conçue comme le clou « irrésistible » du spectacle, Silence en coulisses aurait été un assez agréable moment.