In the Shadow Of Trees est la nouvelle exposition photo présentée à Hangar, le centre culturel bruxellois qui place la photographie en médium phare de l’art contemporain. Elle nous fait pénétrer dans un espace-temps où mythologies et explorations anthropologiques se rencontrent pour ne faire qu’un. Répartie sur trois étages, In the Shadow of Trees présente les clichés de vingt artistes à la démarche artistique bien distincte. Le dialogue qu’ils tissent entre eux, et avec les arbres, est le pilier de ce projet de résidence qui prend place dans le contexte du PhotoBrussels Festival. De massifs forestiers allant de la Finlande en Amazonie en passant par le Japon, le visiteur est invité à pénétrer dans un univers à la fois familier et pittoresque.
Anthropologie forestière
Les ramifications arborescentes dessinent les fenêtres d’un monde qui paraît, au premier coup d’œil, fictif. Pourtant, ce geste presque scriptural est le fruit d’une rencontre physique bien réelle, puisque les artistes se sont connectés à ces sujets végétaux pour fouiller leur relation à l’environnement naturel. Kira Krasz dort avec eux en parfaite communion symbiotique, Pablo Albarengua en fait l’emblème d’un peuple chamanique qu’il étudie dans le cadre de ce projet, tandis que Mitch Espstein observe leur migration en territoire urbain. C’est donc à la manière des anthropologues que les artistes approchent leur thématique, et non avec la distance souvent requise par l’observation photographique. Pas d’interval biologique donc, mais une promiscuité qui permet d’appréhender les richesses arborescentes dans toute leur complexité.
Puissance occulte de l’arbre
Bruits crépitants et odeurs bucoliques émanent de ces images planes qui nous font pénétrer dans une forêt aux vertus apaisantes. Ces réceptacles végétaux posent les prémices d’un nouveau monde où l’itinérance visuelle permet d’appréhender la végétation dans toute son hétérogénéité. L’artifice, qui est le propre de l’art, vient dénaturer la verdoyance sauvage et relever sa dimension récréative. Beth Moon nous fait pénétrer dans un univers fantastique où les paysages semblent chargés d’une force occulte, une réflexion fantasmagorique s’étire avec la lumière que le médium met en exergue. Il ne s’agit pas de dessiner des paysages exotiques, mais plutôt de capter l’énergie ésotérique de l’éclairage et les vertus protectrices des strates de bois.
Avec Camerou, Lomié d’Eric Gugliemi, le symbole marketing s’effeuille au rythme de la forêt du Bassin du Congo et en souligne la puissance symbolique. L’hybridation des techniques permet de jouer avec la réception que nous avons de l’œuvre. Montages, archives et photojournalisme se muent en un puzzle où la réceptivité sensible du regardeur est seule exécutrice. Ces expérimentations tracent un parcours où la lucidité a sa place au côté de fatalité écologique alarmante, ce cheminement permettant de renouveler notre recension de pensées.
Reboisement allégorique
Le message environnemental est clair, lisible, comme dans beaucoup d’exposition qui pose la nature en thématique centrale. Les choix esthétiques permettent une approche subtile de cette problématique écologique fatale. Pas d’angle dramatique dans l’ensemble des œuvres, plutôt des prises de vue narratives qui constituent un conte plus fantastique que moral. Poussant la logique jusqu’au bout, les commissaires ont tenté de produire cette exposition localement, afin de ne pas se limiter à une approche discursive, mais aussi à mettre en pratique le message véhiculé au cours de cette promenade bucolique et cabalistique. La photographie devient alors une gorge de circulation entre deux mondes parallèles pour que le commentaire du regardeur s’engage dans des voies différentes, la végétation échappant ici à sa définition générique.
Habitats réels et fictifs
Avec les clichés de la communauté des Forest Finn de Terje Abusdal, qui prennent racine dans la terre de leurs ancêtres, une tension dialogique éclot entre migration et ancrage mi terrestre. L’idée d’habitat et de cheminement est un des leitmotivs qui guide la scénographie. Ainsi, c’est tant la richesse végétale que celui du procédé photographique qui est relevé. La narration poétique permet de souligner l’importance des traditions minoritaires. Leur portrait est dépeint en osmose avec leurs compagnons végétaux. Appréhender les arbres selon un angle onirique et les présenter comme des cabanes où se jouent des scènes réelles et imaginées, avec notamment le travail de Kira Krasz, permet de capter leur faculté réceptive originelle.
Jardins Migratoires et Calais sont quant à eux deux courts-métrages d’Enrique Ramirez qui accentuent la force actancielle de l’arbre et sa qualité d’abris selon un angle de vue à la fois politique et poétique. Ce paysage boisé grave une trace mnésique et instantanée pour approfondir notre rapport aux plantes dont la force iconique est ici sans conteste. « La forêt précède l’homme », expliquait Châteaubriand. Ici, elle fait corps avec lui grâce à ces arbres-protagonistes qui font partie d’une nature en mouvement. Scribes graphiques, l’œil sensible du photographe transforme ces prises de vue contemporaines en archives fictionnelles et les place en matrices d’un conte végétal.
Infos pratiques
- Où ? Hangar, 18 Place du Châtelain, 1050 Bruxelles.
- Quand ? Du 21 janvier au 26 mars 2022, du mardi au samedi de 12h à 18h.
- Combien ? 7 EUR au tarif plein. Différents tarifs réduits disponibles.