Titre : Sexe et utopie. Pour une sexualité radicale
Auteur.ice : Patrick Califia
Edition : La Musardine
Collection : L’attrape-corps
Date de parution : 27 février 2025
Genre du livre : Essai
Patrick Califia est l’auteur de Sexe et utopie. Pour une sexualité radicale qui est un recueil d’articles écrits dans les années 1980-1990, pour la plupart. Patrick Califia y parle de sa vie sexuelle à San Francisco et plus encore, du système sexuel dans lequel nous vivons : un régime d’orientation sexuelle qui définit notre sexualité une fois pour toute, une moralité du sexe qui distingue le « bon » sexe du « mauvais » sexe, et d’autant plus si vous êtes une femme féministe et lesbienne. Sexe et utopie rue dans les brancards pour proposer d’autres possibilités.
Patrick Califia est adepte du fist-fucking, il aime introduire sa main et son bras entier dans le cul de personnes volontaires et consentantes, femmes ou hommes, hétéro, gay ou bi. Le sexe radical du titre s’entend peut-être par les actes sexuels dont il va parler, et en particulier du sadomasochisme. Dans les années 1980, le SM était considérée comme la porte d’entrée du viol et un synonyme de pornographie par une partie du mouvement féministe anti-sexe qui cherchait à la combattre (la pornographie), car elle reproduirait à l’intérieur même du sexe le système de domination qu’est le patriarcat.
Sauf que l’auteur vient jouer les trouble-fêtes et foutre un sacré bordel chez ceux et celles qui cherchent à caser les gens dans des cases, surtout en ce qui concerne leur sexualité. Patrick Califia n’a pas toujours été Patrick Califia. Il s’appelait Patricia, elle était féministe très jeune, lesbienne aussi, avant d’effectuer sa transition de genre au début des années 2000, soit bien avant l’explosion féministe autour de la notion de genre en Europe francophone.
Les féministes lui en vont voulu, d’être une femme prétendument lesbienne qui non seulement faisait du sexe SM avec des femmes, qui aimait la position « top », c’est-à-dire être la dominatrice qui demandait à ce qu’on lui lèche les bottes et le clitoris, mais qui en plus n’était pas contre faire du sexe avec des hommes « gay », à savoir, en entrant une partie de son bras (ou tout le bras) à l’intérieur de leurs fesses.
Patrick Califia pense le genre et le sexe et, davantage que le penser, le vit, l’expérimente. Il a l’avantage d’avoir vécu et de vivre encore à San Francisco, connu pour son ouverture sexuelle. Il raconte, de manière claire et explicite, ses aventures sexuelles avec du cuir, du plastique et du lubrifiant pour davantage de saveurs mais en insistant aussi sur la protection, car il écrit durant une période pas anodine dans l’histoire de la sexualité, celle du sida. Sauf qu’au lieu d’opter pour la publicité de la monogamie gay pour lutter contre la maladie, il assume multiplier les aventures, sexuelles et amoureuses, en se protégeant, et ne voudrait surement pas réduire sa vie sexuelle au sexe « vanille », celui qu’on promet donc aux personnes gay à l’image du mariage hétéro, qui finit très souvent en divorce et pension alimentaire.
Sexe et utopie, malgré les années qui passent, reste un ouvrage clé et tout à fait pertinent pour décoder notre époque : il pulvérise le régime de l’orientation sexuelle et de l’identité, celui qui voudrait que les hétéros, les gays ou les bis soient nés comme cela, ce qui les forcerait donc à avoir du sexe avec certaines personnes. Il est conscient que cette position pourrait desservir (dans un premier temps) le mouvement gay ou féministe construit autour d’une mythologie propre. Il remet le sexe, dans toutes ses dimensions, sur la table, en interrogeant aussi la notion de perversité, mettant dans le même sac le SM, le fist-fucking et les personnes intéressées par des individus beaucoup plus jeunes qu’elles, même si ses positions sur la pédophilie sont assez elliptiques et mériteraient d’être plus claires.
Il appuie sur le fait que la sexualité, si consentement il y a, ne devrait pas être une affaire de morale. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises manières de faire du sexe, si les parties impliquées sont consentantes. Une femme qui aime le SM et jouer la soumise n’est pas une victime du patriarcat, ou du moins pas plus qu’une autre femme, et une femme ou un homme qui aime introduire son bras dans les fesses de quelqu’un d’autre n’est considéré.e comme pervers.e que parce que la société en a décidé ainsi. Enfin, il imagine une société où le travail du sexe serait un travail comme un autre et où les rôles mêmes de client.e.s et de travailleur.euse.s seraient interchangeables. Une lecture qui vient questionner les idées reçues sur ce qu’on pensait être le sexe.