Titre : Service après-crime
Auteur.ice : Stéphane Durand-Souffland
Edition : Editions du Rocher
Date de parution : 15 janvier 2025
Genre du livre : Articles
Observer, raconter, questionner : telle est la mission du chroniqueur judiciaire, ce témoin privilégié des grands procès criminels. Avec Service Après Crime, Stéphane Durand-Souffland nous ouvre les portes des assises, où se joue la vérité d’un crime, mais aussi celle d’une société face à ses propres parts d’ombre.
La cour d’assises, ses silences terribles, ses joutes oratoires et ses verdicts implacables : tel est le théâtre où Stéphane Durand-Souffland exerce, depuis vingt-cinq ans, son art du récit judiciaire. Dans Service après-crime, le chroniqueur judiciaire du Figaro revient sur dix procès qui ont marqué l’histoire criminelle récente, de l’affaire Guy Georges aux attentats du 13 novembre, en passant par le drame d’Outreau ou le parcours meurtrier de Michel Fourniret.
Dès les premières lignes, l’auteur revendique son attrait quasi obsessionnel pour les cours d’assises, cette « drogue dure » à laquelle il a succombé il y a un quart de siècle. Il en restitue les moindres détails: le traînement des pas d’un accusé escorté par la police, la voix tremblante d’un témoin, les éclats de verbe d’un avocat. Il se fait dramaturge et rend compte des tensions et du tragique propre à chaque affaire.
Mais au-delà de la théâtralité du procès, Durand-Souffland met en lumière le processus judiciaire lui-même, ses mécaniques, son effet cathartique et, parfois, ses failles. Il interroge, sans jamais juger, la capacité de la justice à dire le vrai et à réparer l’irréparable. Cette plongée dans la matière révèle ainsi toute l’importance de la chronique judiciaire : c’est une nécessité démocratique.
Car en lisant ce livre, on comprend très vite que cet exercice journalistique joue un rôle absolument essentiel : il met en lumière les débats, les erreurs, les enjeux qui, sans elle, resteraient confinés à la salle d’audience. Elle est un contrepoids à un pouvoir qui juge au nom du peuple, mais souvent loin de son regard.
Service après-crime propose une véritable radiographie du crime et de son traitement par l’institution judiciaire. Chaque affaire devient l’occasion d’une plongée dans la psyché humaine et les rouages du système pénal. Pourtant, à aucun moment, Stéphane Durand-Souffland ne verse dans le voyeurisme ou la fascination malsaine pour l’horreur. Son regard n’est ni complaisant ni sensationnaliste : il refuse la caricature et le récit à charge, préférant exposer les faits avec précision et retenue. Loin des récits glauques ou des enquêtes racoleuses, son approche s’ancre dans une démarche journalistique rigoureuse.
Ainsi, dans l’affaire d’Outreau, il expose les errements d’une enquête qui a broyé des innocents. Face à Michel Fourniret, il décrit la figure d’un monstre insaisissable. Dans le procès V13, il s’attarde sur l’extrême tension entre la douleur des cohortes de victimes et l’impassibilité des accusés. À travers ces récits, c’est aussi un portrait de la société qui se dessine, dans ses peurs, ses colères et sa quête de justice.
L’écriture de Durand-Souffland confère à ces comptes rendus une intensité quasi romanesque. Il ne se contente pas de rapporter les faits : il les met en scène, s’attarde sur un regard, une hésitation, un mot de trop. Son style, vif et percutant, capte les moments cruciaux du procès où se joue la vérité d’un crime.
Mais son travail, et celui des chroniqueurs judiciaires en général, dépasse l’exercice littéraire. Il rappelle que la justice ne peut être laissée à elle-même, qu’elle doit être observée, disséquée, questionnée. Car dans l’intimité des prétoires se jouent des drames humains dont les échos résonnent bien au-delà des murs d’un tribunal. Témoins de ces scènes, les chroniqueurs ne sont pas de simples narrateurs : ils sont les acteurs d’une justice qui, parce qu’elle est publique, doit pouvoir être racontée.
Service après-crime est une lecture addictive, qui rappelle que, dans l’arène judiciaire, la réalité dépasse souvent la fiction… et qu’il est essentiel que quelqu’un soit là pour la raconter.