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    Le Sens de la fête, joyeux chaos organisé

    Le Sens de la fête

    d’Eric Toledano et Olivier Nakache

    Comédie

    Avec Jean-Pierre Bacri, Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche

    Sorti le 4 octobre 2017

    Il y en a peu des cinéastes dans la comédie française capables de susciter l’enthousiasme avec autant d’aisance que le duo Eric Toledano et Olivier Nakache. Avec des films tels qu’Intouchables et Nos Jours Heureux, les deux réalisateurs se sont imposés comme les rois de la comédie fédératrice, celle qui faire rire et émeut à la fois, tout en prônant un message naïf, mais convaincant de solidarité. On aura beau râler sur leur populisme, leur consensualisme ou leurs sous-textes politiques parfois problématiques, force est de reconnaître que le charme désarmant de leurs productions est difficile à résister. Leur dernier long-métrage, Le Sens de la fête, ne déroge pas à la règle : c’est un film imparfait sur bien des points, mais qui possède une euphorie communicative.

    On les reconnaît bien dans le choix du sujet. Il est en effet question ici des coulisses d’un opulent mariage, leur donnant l’occasion de filmer un de ces imbroglios organisationnels qu’ils affectionnent tant, comme dans leur comédie de colonies de vacances, Nos Jours Heureux. En lieu et place des enfants turbulents et des moniteurs paresseux, Le Sens de la fête a des invités impatients et un personnel boute-en-train, mais le chaos est similaire, chacun suscitant un lot extravagant de problèmes qu’il faut régler.

    C’est la tâche impartie à Max, chef d’une entreprise d’organisation de mariages depuis bientôt 30 ans, et qui commence à perdre souffle face à tout les inconvénients inhérents à son métier. Pour l’incarner, c’est Jean-Paul Bacri qui s’attelle à la tâche, et dire que lui rôle lui va à ravir serait un euphémisme  : son visage fatigué et son tempérament un peu bourru se prête parfaitement à la personnalité de ce personnage de patron sévère, mais finalement attachant. Que vous ayez ou non travaillé dans l’événementiel, il est difficile de ne pas être sensible à ses épreuves, d’autant plus qu’elles sont nombreuses.

    Tout au long de ses deux heures, Le Sens de la fête déroule inlassablement un cortège de problèmes en tout genre : un marié pédant et dictatorial, un photographe caractériel, un employé dépressif, une chef adjointe colérique, un musicien au répertoire trop populaire, etc. Les conflits et les obstacles sont suffisamment nombreux pour maintenir notre esprit éveillé pendant l’ensemble du film, tout en restant ancré dans une certaine réalité, de sorte que Le Sens de la fête éviter de tomber dans la farce grotesque. Toledano et Nakache privilégient surtout un humour de personnages, où les imperfections, maladresses et idiosyncrasies de chacun sont la principale source de comédie. Leur portrait psychologique n’est donc pas particulièrement poussé, mais le film compense la caractérisation assez fine de ses personnages par l’intense sympathie qu’il exerce à leur égard.

    C’est notamment évident dans les scènes où les différents fils narratifs se croisent : elles donnent bien sûr lieu à quelques situations vaudevillesques, mais le plus souvent, c’est l’émotion et le ressenti des personnages que le film s’attache à capturer, dans de jolis moments suspendus. Comme dans Nos jours heureux, le chaos est un inconvénient, mais il est quelque chose qu’il faut célébrer, et c’est exactement ce que le film fait, nous exhortant à le voir comme un signe de vitalité. La bande musicale, principalement composée d’un répertoire jazz, le souligne, rythmant par des sons de saxophones et de pianos improvisés les mouvements de cette journée de mariage imprévisible.

    Face à tant de réjouissances, peut-on bouder son plaisir ? La question semble se poser à chaque film du duo. On grince des dents lorsqu’un « gentil » gag se joue de l’homosexualité d’un personnage, ou de la dépression d’un autre, tout en se rappelant que, loin de certaines putrides comédies françaises, le film de Toledano et Nakache est remarquablement inclusif, plein de compassion et d’humanité. Cela ne justifie pas ses impairs, mais ces facteurs font du Sens de la fête une œuvre prompte à susciter des sentiments ambivalents.

    Adrien Corbeel
    Adrien Corbeel
    Journaliste du Suricate Magazine

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