C’est dans le cadre chaleureux de l’hôtel Motel One que j’ai rencontré il y a quelques jours le groupe Soldout à l’occasion de la sortie de leur 5e album, Forever.
Soldout est le fruit d’un bel hasard. Charlotte Maison, chanteuse et musicienne du groupe, reçoit une éducation musicale plutôt classique et fréquente le milieu du jazz tandis que, David Baboulis travaille de son côté sur des projets mêlant musique électronique expérimentale et psychédélique.
Comment ces deux personnalités, évoluant dans deux mondes différents, se sont-elles rencontrées?
L’histoire, telle que Charlotte la raconte, rapporte l’intervention d’un ami en commun, avec qui David réalise des productions. Cet ami lui suggère un jour l’écoute de plusieurs démos présentant des chanteuses et c’est le coup de foudre. Après la première rencontre, tout va aller vite, très vite : Tout de suite, on s’est très bien entendu, humainement, et musicalement, et on s’est dit mais il faut qu’on refasse d’autres morceaux. On est en 2017 et on sort un cinquième album. Franchement, jamais on l’aurait cru! (Charlotte).
A ses débuts en 2004, le duo a zéro contact. Le milieu du business de la musique leur est parfaitement inconnu. Mais rapidement, les deux musiciens se lancent avec une première démo, qui sera chaleureusement accueillie par le public et les radios.
Sans relâche, Soldout tente de proposer de nouvelles compositions à son public : On fait tout nous-même, on est vraiment en autoprod. On a toujours eu envie de proposer, sur chaque album, quelques choses qui ne soit pas forcément du recyclage (David).
Ces choix artistiques variés ont permis aux deux musiciens d’acquérir de nouveaux publics, au risque de perdre quelques fans au passage. Le groupe poursuit aujourd’hui son aventure et semble prendre du plaisir à le faire. Chaque nouvel album est l’occasion de s’améliorer.
Malgré l’évolution et les différentes propositions de Soldout, la patte du groupe semble aujourd’hui bien affirmée (et assumée). Ce son très identifiable, cette empreinte, c’est sa personnalité, son identité.
Cette patte caractéristique est d’ailleurs omniprésente sur l’album Forever, sorti il y a quelques jours à peine. Certaines chansons de l’album More sorti en 2013, comme par exemple A Drop of Water ou 94, annoncent déjà l’esprit et la maturité du dernier opus. Disons qu’avant, on présentait un album plutôt très énergique, plus pour le live et ici, on s’est dit : mettons des chansons plutôt calmes, avec la voix mise plus en avant (David).
Crédit photo: Gregory Derkenne
Soldout ne cesse de mixer les styles musicaux et le fait avec beaucoup de justesse. L’influence de la chanson pop est indéniable: On est un peu entre Madonna et Front 242. On a à la fois le côté pop et le côté un peu dark de la musique électronique (Charlotte). Malgré ces influences, à priori radicalement opposées, un équilibre se dégage de l’ensemble et atteste de la parfaite entente artistique entre les deux musiciens.
Le processus de création de Soldout peut se dérouler de deux manières. Soit Charlotte apporte des voix et mélodies à partir desquelles David va travailler – comme la chanson Because of You – soit David propose ses structures plus électroniques, et Charlotte pose sa voix dessus, comme Do it Again. Dans le premier cas, on obtient des chansons qui présentent cette marque de fabrique plus pop, plus chanson, et dans le deuxième, on retrouve l’aspect plus dansant, plus électro qui a d’ores et déjà fait le succès de Soldout.
Les deux exemples cités plus haut sont révélateurs. Ils incarnent parfaitement la double identité du groupe. Pop vs. dark, électronique vs. sensualité, énergique et agressif vs. mélancolique : On est tout le temps sur des contrastes, même dans la vie de tous les jours. Et ça rend un peu schizophrène (rires) (David).
Crédit photo : Daria Perev
Mais comment faire pour conserver cette identité tout en allant plus loin?
Il s’agit avant tout d’une évolution personnelle: En treize ans, on a changé, on n’est pas les mêmes personnes, les goûts changent. Notre musique est le produit de ce qu’est notre vie à un moment donné (Charlotte).
Ce dépassement passe aussi par les featurings et les associations. L’album Forever est à cette image. Il présente de belles collaborations comme avec le groupe de musique électronique belge Goose, sur la chanson Do it Again. Le batteur et claviériste du groupe Housse de Racket, a lui aussi apporté une touche originale en incorporant notamment des sons d’orgue Hammond sur le morceau Fallen. Sur Oppression, un titre techno évolutif figurant sur l’album, David a collaboré avec Darko, DJ de house minimal. La productrice Marta Salogni, qui a déjà travaillé avec The XX, M.I.A., FKA Twigs, a mixé cinq morceaux de l’album.
Avec le nouveau projet Forever, Soldout s’octroie pour la première fois l’ajout d’un instrument. En effet, Maya Postepski, batteuse du groupe canadien Austra et également productrice, accompagne désormais le groupe. Notons qu’elle a également coproduit une partie du dernier album. A l’origine, Maya n’était supposée travailler que sur une seule chanson. Cependant, séduite par les propositions de Soldout, la batteuse s’est vue participer activement à la composition de plusieurs morceaux. L’intervention d’une tierce personne a permis au duo d’élargir ses horizons. Elle [Maya] était vraiment la directrice artistique dans le sens où elle nous a aidés à mieux travailler, à prendre des décisions (David et Charlotte).
Avant de repartir en tournée avec Austra, Maya a accompagné Soldout à l’occasion de leur première tournée chinoise. Ça change vraiment quelques choses (David). Pour la dynamique du groupe c’est enrichissant. On n’est pas dans une routine (Charlotte). Et la formule semble avoir convaincue nos musiciens.
Crédit photo : Grégory Derkenne
Après le Mexique, les US, ou encore la Serbie, et maintenant la Chine, Soldout n’a pas peur d’affronter l’inconnu. Pari réussi pour le groupe qui revient enchanté et fort de sa conquête du public chinois. Les 24 premières heures, on n’était pas dans notre élément. Mais j’adore ce sentiment, comme si je n’étais pas à ma place. C’est quand on se met en danger que tout devient excitant. Et après, ça a roulé! Les gens étaient super sympas, les salles et le public étaient cools! Les gens s’intéressent à la musique. (Charlotte). C’est vraiment incroyable, parce qu’à chaque fois, on jouait devant 150-200-250 personnes. Beaucoup de gens curieux. On a joué dans des clubs, des salles indés un peu comme le VK, c’était cool! (David).
De manière plus générale, la réception du public à l’étranger est globalement positive. Quand on joue à l’étranger, on arrive comme un nouveau groupe. Les gens n’ont pas idée de ce qu’on est, des albums précédents. Les gens ne vont pas attendre la chanson I Don’t Want to Have Sex With You, parce qu’ils ne la connaissent pas. Ce n’est pas mieux ni moins bien, c’est différent. Tout est à prouver (Charlotte). C’est pour ça qu’on arrive aussi à se renouveler. On est ni gros ni petit. On est toujours un peu débutant et en même temps expérimenté. Et les deux nous vont. On trouve du plaisir à jouer devant 50 personnes, super excités, dans une petite salle, autant que sur une grosse scène (David).
C’est donc ça le secret de Soldout: l’humilité, la reconnaissance et cet incessant désir de se renouveler.
Plusieurs dates ont d’ores et déjà été annoncées. Tout d’abord, il sera possible de retrouver les deux musiciens en cité liégeoise, au Reflektor, le 30 mars (complet) puis aux Ardentes, le 6 juillet.
Le groupe enchaînera avec le Ronquières Festival, le 5 août et le BSF, le 12 août. Soldout s’envolera ensuite pour la seconde fois en Corse, à l’occasion du Fly Away Festival. Il s’agira là de la deuxième invitation du groupe qui avait laissé un très bon souvenir aux programmateurs ainsi qu’au public présent lors de la première édition.
Soldout jouera également à la Salle de la Madeleine à Bruxelles, le 19 octobre.
Pour plus d’infos sur Soldout et leur actualité, rendez-vous sur le site du groupe en cliquant ici.