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    Scènes de la vie conjugale aux Tanneurs

    Photo: ©Dylan Piaser

    D’Ingmar Bergman

    De et avec Ruth Vega Fermandez , Frank Vercruyssen et la complicité de Alma Palacios et Georgia Scalliet, la Compagnie tg STAN

    Le 3 et le 4 février 2015 à 20h30 au théâtre les Tanneurs

    Si Ingmar Bergman est reconnu à l’unanimité comme étant l’un des réalisateurs les plus emblématiques à traiter de la psychologie humaine dans toute sa complexité, Scènes de la vie conjugale, à l’origine un feuilleton qu’il avait composé en six épisodes pour la télévision suédoise puis qu’il avait retravaillé pour une sortie au cinéma, reste une référence universelle pour l’expression de ce qu’est la vie de couple.

    Scènes de la vie conjugale peint la dévastation du couple de Johan et Marianne, présentés au début de la pièce comme le couple idéal. Le tout s’étale sur vingt ans et six chapitres, entre un homme et une femme, puis Paula – un troisième membre qui s’ajoute à l’équation : amour platonique, divorces, haine, doutes et amours terrestres…

    Les deux acteurs se lancent dans un énorme défi en voulant jouer du Bergman. Mettant la barre très haut, ils essaient de s’attaquer à la palette bergmanienne psychologique et sentimentale dans ce qu’elle a de plus diversifié. Il s’avère quand même difficile d’assurer le passage d’états d’âme dans sa courbe sinusoïdale comme le font Liv Ulman et Erland Josephon : les acteurs de tg STAN n’arrivent pas toujours à assurer le passage du pôle émotionnel positif au pôle négatif dans la subtilité.

    Tg STAN rappelle constamment le spectateur de l’illusion théâtrale en brisant la ligne qui sépare le jeu de la réalité. Les acteurs changent de costumes sur scène. « Je ne change que la chemise cette fois », dit l’acteur au spectateur. « As-tu fini ? » demande-t-il à l’actrice qui partage la scène avec lui. Ils ne se contentent pas de changer le décor sur scène, mais vont plus loin en dénonçant la préparation du faux théâtral. Quand ils se battent, ils se mettent de côté pour rajouter du bleu et du rouge sur leur visage. Tout en jouant autour d’une table de dîner, ils la préparent pour qu’elle ressemble à une table laissée par un couple après un repas : ils versent une goutte de vin et pressent leurs lèvres sur les verres pour faire semblant que tout est déjà bu, ils rajoutent des cendres et des cigarettes pour donner l’illusion qu’ils ont fumé… Plus loin, les acteurs annoncent oralement le début et la fin des scènes avec leurs titres. A certains moments, ils arrêtent de jouer pour se mettre devant le spectateur et lui lire les lignes du scénario qu’ils ne jouent pas. Un écran caché derrière un rideau s’ouvre à la fin du premier chapitre qui s’arrête en live et continue dessus avec deux acteurs supplémentaires. Les derniers plans filmés révèlent l’illusion cinématographique en montrant les micros et les preneurs de son. Malheureusement, toutes ces réflexions méthâthéatrales très intéressantes en ce qui concerne l’identité théâtrale font sortir le spectateur de la réalité du couple et de leur quotidien.

    L’adaptation de tg STAN de Scènes de la vie conjugale, indépendamment de la version originale de Bergman, reste quand même l’exploitation d’une magnifique énergie d’acteurs qui arrivent à pousser loin la réflexion sur le pragmatisme du couple.

    Patrick Tass
    Patrick Tass
    Journaliste du Suricate Magazine

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