Saw X
de Kevin Greutert
Epouvante-horreur
Avec Synnøve Macody Lund, Tobin Bell, Shawnee Smith
Sortie le 25 octobre 2023
Condamné par un cancer, John Kramer reçoit une opération de la dernière chance par une mystérieuse chirurgienne clandestine au Mexique. A son réveil, il s’aperçoit qu’il a été dupé et entreprend de retrouver la bande d’escrocs pour les contraindre à un jeu… Dixième film indigeste, Saw X achève définitivement le basculement de la franchise vers la série Z.
Qu’est-ce que Saw X, dixième volet de la gorissime saga initiée par James Wan en 2004, peut bien encore chercher à susciter chez son spectateur ? Il faut dire qu’avec presque vingt ans au compteur, la série semble avoir subi toute les variations possibles. Du sequel au spin-off, en passant par le reboot (tiens, il nous manque le prequel quand même…), à tel point qu’on se demande, en poussant les portes du cinéma, ce qu’un opus supplémentaire peut bien avoir à nous proposer qui n’ait pas encore été raconté.
Situé après les événements du premier film, Saw X met en scène un John Kramer mourant, résolu à accepter sa disparition imminente, jusqu’à ce que l’espoir lui revienne sous la forme d’un traitement miracle administré par des docteurs clandestins. A ce stade, inutile de signaler que le film ne s’embarrasse plus d’une quelconque cohérence vis-à-vis de son personnage principal, qui traverse la franchise en méprisant les règles élémentaires de la chronologie : jeune, puis vieux, puis re-jeune, mort-mais-en-fait-non, ah-si-ça-y-est-il-est-mort. Sa réapparition est surtout la promesse d’un retour aux origines, entendre aux pièges sadiques qui donnèrent au premier film son parfum de souffre. De ce point de vue, la promesse est tenue et le film fait honneur à sa réputation de torture porn, dans une surenchère abjecte à peu près insoutenable. Seul point d’intérêt d’un long-métrage (et encore, pour ceux qui aiment) qui redouble d’inventivité dans les dilemmes pervers imposés à ses personnages de victimes, marionnettes fébriles dans les mains du Jigsaw tout puissant : scier son fémur pour en extraire la moelle osseuse ou bien finir décapitée ? Ouvrir sa boite crânienne pour prélever sa matière grise ou sentir son visage cuire à l’étouffée ? A n’en point douter, les amateurs seront servis.
Là où le bât blesse, c’est que tous réussis qu’ils sont, ces sévices souffrent terriblement de devoir s’intégrer à une histoire cohérente, prenante, et mise en scène. Filmée avec force ralentis et lumières éthérées, constamment soulignée par une musique impérieuse, la longue mise en place (une petite heure tout de même) menant au jeu de massacre attendu est extrêmement pénible et peu engageante. Difficile de croire à cette histoire abracadabrante de faux médecins révolutionnaires exilés au Mexique et vrais escrocs à la petite semaine, pris en chasse par un psychopathe grabataire. Qui plus est, les tentatives du film d’ériger son personnage central en démiurge philosophe, torturant ses arnaqueurs au nom d’un idéal moral supérieur (vous négligez la souffrance des malades, vous allez donc souffrir à votre tour et apprécier la vie à sa juste valeur) lui confère un esprit de sérieux plombant, en décalage total de l’absurdité des faits présentés. L’humour eut sans doute été salutaire afin d’apprécier ces scènes gores pour ce qu’elles sont vraiment : un sympathique train fantôme. Mais, empêtré dans sa propre mythologie, ce dernier Saw s’abîme définitivement dans un happy end ridicule et confirme l’horizon que son titre laissait présager : X peut-être, mais assurément, Z.