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    Rue des Italiens : terres d’espoir, mines de sacrifices

    Spectacle éponyme du roman de Girolamo Santocono, Rue des Italiens raconte l’arrivée des Italiens dans les mines belges après la guerre, vue à travers les yeux d’un petit garçon. La particularité du spectacle réside dans le fait que les trois acteurs sur scène (Jessica Fanhan, Berdine Nusselder et Pietro Pizzuti) adoptent tous la première personne, incarnant tour à tour cet enfant immigré. Floués, les Italiens ne s’attendaient pas à ce qu’ils allaient découvrir dans le Hainaut. Pourtant, malgré les désillusions et les difficultés, la pièce demeure lumineuse : une ode à l’accueil des étrangers, une réponse aux extrémismes contemporains, une initiative louable.

    Dès l’entrée des spectateurs, l’ambiance évoque un banquet provincial. On rit, on danse, on fume, on plaisante. Le sujet sera grave, mais l’atmosphère se veut légère. Il faut voir le bon côté des choses. Les Siciliens au chômage ont répondu à l’appel de la Belgique pour sa « bataille du charbon », censée relancer l’économie. On leur a promis monts et merveilles : retraite à 55 ans, trajets en train gratuits à vie, accès à la sécurité sociale… Assez pour quitter le beau soleil du sud de l’Italie.

    En 1953, le petit garçon et sa mère arrivent à Morlanwez, près de La Louvière, pour rejoindre le père, mineur en Belgique depuis cinq ans. À tour de rôle et toujours à la première personne, les comédiens décrivent les conditions de vie dans les camps. Pour les enfants, ce sont d’immenses terrains de jeux ; pour les parents, une épreuve. La mère le dit : « Chaque année passée ici me vieillit de dix ans. » Peur des accidents dans la mine, violence conjugale, alcoolisme… « Aucune douleur n’est plus forte que de se rappeler les temps heureux de la misère. »

    Les événements marquants de cette immigration sont évoqués : la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle, déclenchée par un chariot mal attaché, qui fit 262 morts ; ces travailleurs qui préféraient se couper les doigts plutôt que de descendre dans les mines ; la grève générale de 1960 contre la « loi unique » (mesures d’austérité générale…).

    En 1962, il est enfin question de partir en vacances. En Sicile, bien sûr. Mais partir en vacances, n’est-ce pas déjà rester définitivement en Belgique ? S’installer ou repartir vers une Italie sans emploi : un choix entre la peste et le choléra. Très beau passage sur ce voyage en train vers la Sicile tant aimée, où le confort diminue à mesure que les kilomètres défilent : chaleur écrasante, toilettes bouchées…

    Rue des Italiens, adapté et mis en scène par Iacopo Bruno et Lara Ceulemans, sent bon l’Italie tout en racontant la misère et les drames du déracinement. Faute de temps, les sujets ne sont qu’effleurés, les drames évoqués puis vite éludés. Il y aurait tant à dire… Très investis, les comédiens adoptent un ton enjoué, mais l’ombre du malheur plane, là, tout près des mines. Comme si la volonté de vivre, coûte que coûte, primait sur les doléances. Et probablement en était-il ainsi : les Italiens sont restés. Ce n’est plus possible aujourd’hui pour tant d’autres demandeurs. Une pièce qui leur est dédiée, sans aucun doute.

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