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    Rocking Chair, une expérience immersive au Marni

    Rencontre avec Etienne Béchard et Sidonie Fossé autour de la dernière création de la Compagnie Opinion Public, Rocking chair. Un spectacle qui fera vivre une expérience hors normes aux spectateurs. 


    Rocking Chair est un spectacle qui se concentre surtout autour d’un personnage féminin. Pouvez-vous nous parler de la construction de votre spectacle en fonction de ce protagoniste ? 

    Etienne Béchard : On est parti de l’idée de la solitude et de la folie. On avait un peu trop d’idées au début…On s’est dit qu’on allait les mettre toutes et créer un spectacle à choix multiples, comme ça tous les scénarios pouvaient rentrer. Ça collait du coup avec la folie du personnage… Son incapacité à faire des choix, allait avec ce personnage ultra dépressif qui n’arrive pas à choisir. On s’est dit que ce serait le public qui ferait ses choix à sa place.

    Le public ne doit bien entendu pas prendre toute la responsabilité sur lui de ce qui arrive sur la scène. On a quand même prévu les choses qui peuvent arriver. Maintenant, le spectacle travaille aussi sur la responsabilité que l’on peut avoir avec les réseaux sociaux. En fait, on mélange un peu toutes ces idées. On va plus parler d’un aspect ou d’un autre selon les scénarios.

    On n’a pas voulu faire une pièce sur les femmes battues. C’est juste que dans sa vie, on a besoin que notre personnage ait vécu des traumatismes qui la rendent folle. A l’intérieur des scénarios, il y a toujours une belle rencontre et quelque chose qui dégénère et qui amène à ces traumatismes.

    Sidonie Fossé : Et puis aussi appuyer sur différentes facettes du personnage. De temps en temps prédateur, de temps en temps victime… Parfois dépressif, joyeux ou timide, souriant. Ce choix multiple nous a aussi permis d’aller explorer toutes les caractéristiques de ce protagoniste féminin. Le fait qu’elle soit seule chez elle et s’invente des histoires, appuie sur plusieurs aspects de son caractère…

    E.B : Dans des scénarios, elle va être plus bipolaire ; dans d’autres schizophrène ou encore psychopathe. Ça tourne un peu…

    S.F : Oui ! Dans d’autres, elle va être amoureuse, timide, lyrique. On a essayé avec la danse de faire résonner certains aspects de son caractère.

    E.B : On s’est aussi demandé, par rapport aux traumatismes, comment une scène qui peut être vraiment traumatisante peut-elle être montrée en danse ? Visuellement, on peut faire le faire et du coup, c’est très parlant sans que l’on dise un mot. On a essayé de faire une pièce assez théâtrale, cinématographique tout en gardant quand même une atmosphère de danse. Un vocabulaire danse… Par rapport au personnage aussi : on a six fins différentes dans la pièce. Pour chacune, on a mis des petits indices dans les scénarios. Les fins ne raconteront pas toujours la même chose par rapport à ce personnage. Quel genre de folie elle a ? Pourquoi ?… Il y a des fins où on va la comprendre et d’autres où on va se dire qu’elle est complètement folle. On a essayé de mettre des indices partout pour que chaque scénario garde une cohérence.

    Pouvez-vous nous parler de la méthodologie de travail utilisée pour la création de ce spectacle ? Combien de temps cette création vous a pris ?

    E.B : Si on part de la première idée, l’année passée on parlait déjà d’une pièce sur la solitude et la folie. De la première idée à aujourd’hui, cela a fort changé évidemment. Je dirais qu’on a mis un an en tout…

    S.F : Le travail réel au studio a commencé en août. Début août.

    E.B : On a commencé l’écriture deux semaines en juin. Et à partir du mois d’août, on est parti non-stop jusqu’à maintenant (…) On est parti sur les trois scénarios principaux dans lesquels elle peut rencontrer trois personnages. Et après ça, on a développé.

    S.F : Autour de ces trois personnages masculins, on a cherché trois lieux de rencontre aussi…

    E.B : Trois faits traumatisant autour de ces trois lieux. Après, on a développé puis on a changé des choses en fonction de ce qui ne fonctionnait pas (…) Maintenant, c’est encore une pièce qui va évoluer. On a encore changé une fin hier soir. On imagine dans le futur reprendre cette pièce en ajoutant et modifiant encore des choses.

    De quoi vous êtes-vous nourris pour développer ce projet ? 

    E.B : On s’est inspiré de ce qui se fait dans l’art et le cinéma. Le metteur en scène nous parlait de films, de choses. Du coup, on regardait comment les personnages développaient certains aspects pour aller chercher plus profondément en nous. Pour nous aussi, c’est fort. Je me souviens, il y a une répète où j’étais parti une semaine puis revenu. L’équipe avait travaillé une scène et quand je l’ai vue, j’ai fondu en larmes. Alors qu’on l’a écrite ensemble et que je savais ce qui allait se passer… C’est le genre d’émotions que l’on n’a jamais travaillé jusque-là. Des émotions très fortes. C’est pour ça qu’on dit aussi que c’est pour un public averti.

    S.F : Il y a un côté cinéma et tellement proche à la fois…

    Quelle scénographie avez-vous choisie pour illustrer le sujet de la pièce ? On peut y voir une atmosphère d’enfermement.

    E.B : C’est une prise de parti qu’on a changé il y a environ un mois. C’était environ la même scénographie, mais on voulait que, lorsqu’on allait dans un autre lieu, ne soit gardé quasiment que le lieu où l’on va. Ça ne fonctionnait pas sous deux aspects. Niveau technique déjà, c’était très compliqué de vider le lieu et de mettre autre chose. Ce qui nous faisait perdre du temps et du dynamisme dans la pièce. En plus, au niveau du concept, on sortait trop de sa tête, car tout s’y passe. C’est aussi pour ça qu’il y a tous ces objets qui sont suspendus. Quand le personnage se dit qu’elle va se rappeler d’une chose, elle tire les ficelles de son esprit et les objets descendent sur la scène… Comme lorsqu’elle rentre dans son armoire et qu’on la voit sur les vidéos, elle rentre dans son univers. C’est un peu son enfermement dans son traumatisme. Cet appartement, cette armoire un peu glauque (rire).

    Il y a un côté glauque, mais on ne voulait pas que rentrer dans du sombre, on voulait aussi garder notre qualité d’esthétique de travail en danse. On savait qu’il y aurait des scènes très dures, surtout pour des gens qui auraient vécu cela… On voulait adoucir certains aspects par la danse. Mais c’est vrai que ça reste un peu glauque… C’est la pièce et le personnage qui veulent ça.

    S.F : C’est vrai que l’on a vraiment voulu rester dans le domaine de la danse tout en soignant les aspects théâtraux. En faisant intervenir par exemple, Patrice, qui lui est metteur en scène dans le théâtre. Dans cette pièce, on a joué avec différents plans : l’aspect cinématographique avec le tulle, l’aspect théâtral avec un guide nous permettait de viser la justesse et que le public le ressente. Avec le tulle, on a créé de la distance… On a essayé d’être le plus vrai pour toucher public. Et puis, il y a l’aspect « dansé » qui est la base de notre compagnie et qu’on ne voulait pas mettre de côté.

    E.B : Le fait d’avoir un metteur en scène à nos côtés nous a aussi aidé en danse. A garder le personnage, la justesse et ne pas être que dans le démonstratif. On a vraiment fouillé le personnage. Les mouvements qu’on a créés ont du sens entre les personnages. C’est vraiment intéressant aussi pour nous en tant qu’artistes.

    S.F : La gestion de l’espace est aussi différente dans cette pièce. C’est une contrainte que l’on doit encore travailler…

    E.B : L’espace est plus difficile à gérer avec le mobilier qui nous gêne. Il faut qu’on arrive à trouver notre espace…

    L’idée d’inclure le spectateur dans le spectacle par le biais d’une application est très novateur, mais c’est aussi un défi pour vous. 

    E.B : Oui ! Je ne sais pas comment c’est ressenti par le public, mais le fait qu’il fasse des choix est aussi très intéressant pour nous. On ne sait jamais ce qui va se passer avant que le public n’ait choisi. On a 20 secondes, on voit le choix en coulisses et on change de scénario. Pour nous, il y a vraiment une spontanéité. On doit réagir à tous les choix.

    S.F : On est sur le qui-vive et on doit rapidement se mettre dans la peau du personnage. Je trouve que c’est un challenge artistique qui nous a fait pas mal grandir. C’est une expérience qui vaut le coup d’être vécue. Ce mode de fonctionnement n’existe pas à notre connaissance, en tout cas dans le domaine de la danse. Alors oui en théâtre, le procédé existe aux répétitions. Par exemple tirer dans un chapeau et improviser.

    E.B : L’idée était de faire un choix multiple. On s’est dit, on doit acheter des télécommandes pour mettre sous les sièges des gens. Puis on s’est dit qu’aujourd’hui on pouvait le faire avec un smartphone. Tout le monde peut jouer et ceux qui n’en n’ont pas envie peuvent juste regarder. Les choix du public se font au pourcentage, donc on ne sait pas où on va avant qu’ils aient choisi. Les choix seront en fonction du pourcentage majoritaire dans la salle.

    Parmi vos spectacles précédents, considéreriez-vous que celui-ci ait été le plus compliqué que vous ayez fait au niveau de l’écriture ?

    E.B : Ah oui complètement ! C’est le plus travaillé de nos spectacles au niveau de l’écriture. C’est le plus scénarisé. Et c’est pour ça que l’on sent que l’on peut aller encore plus loin. Je crois que pour une première c’est déjà un bon résultat, mais on a envie d’aller plus loin. On n’a pas envie de faire une nouvelle création tout de suite, mais d’approfondir celle-là tellement c’était riche comme expérience.

    Rocking Chair est présenté jusqu’au 7 décembre au Théâtre Marni.

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