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    Rocketman, autocélébration mégalo

    Rocketman
    de Dexter Fletcher
    Biopic, comédie musicale
    Avec Taron Egerton, Jamie Bell, Richard Madden, Bryce Dallas Howard, Steven Mackintosh
    Sorti le 29 mai 2019

    Présenté comme une version fantasmée de la vie et de la carrière d’Elton John, ce biopic qui ne s’assume pas prend le chemin de la comédie musicale pour mieux dissimuler son autocélébration victimaire et sa vision biaisée de la figure de l’artiste.

    Arborant une structure enchâssée lui permettant de faire intervenir son acteur-vedette dès les premières minutes du film, Rocketman s’ouvre pratiquement sur un plan qui représente bien son projet, sa mégalomanie galopante et sa fausse lucidité : en très gros plan, Elton John (sous les traits de Taron Egerton) se présente et fait de lui-même un portrait a priori peu reluisant – alcoolique, drogué, on en passe et des meilleures – les yeux embués, pour mieux asseoir cette posture d’artiste maudit dans lequel les deux heures suivantes n’auront de cesse de le statufier.

    Le film s’applique donc ensuite à restituer benoîtement le parcours d’artiste de Reginald Dwight, alias Elton John, depuis la découverte de son don exceptionnel par sa famille alors qu’il était encore en culottes courtes. Très vite, Rocketman se livre comme une comédie musicale qui va très vite, enchaînant les tableaux kitsch, brillants et pétaradants, avec des velléités évidentes d’en mettre plein la vue, tel un feu d’artifices permanent, un spectacle son et lumière dont les spectateurs médusés se gausseraient en s’exclamant « c’est bien fait » ou encore « on en a pour son argent ».

    Derrière ce mur clinquant dont la volonté première est probablement de ne pas laisser une seule seconde de répit – donc de réflexion – à son audience, laquelle doit forcément être toute acquise à sa cause, se cache un discours battu et rebattu sur la condition de l’artiste quel qu’il soit, et qui tend à faire de cette grande figure – « L’Artiste » – une sorte de divinité aux propriétés mythologiques et à fort potentiel martyrologique.

    L’Artiste est forcément seul contre tous, malaimé, manipulé de toutes parts, surtout par les méchants producteurs et autres grands argentiers se frottant les mains en criant « dollar ». Il est aussi forcément touché par la grâce et doté d’un talent incommensurable qui lui permet de ne jamais connaître la crise d’inspiration. Dans cet ordre d’idées, l’une des scènes les plus ridicules du film montre Elton John composer « Your Song » au piano en deux coups de cuillère à pot, devant les yeux émerveillés de sa famille et de ses amis.

    Cette vision faussement romantique et véritablement ringarde, qui exclut toute forme de recul critique, et place la prédestination du talent au-dessus de tout – du travail, de l’effort, de la persévérance et de l’accident – constitue une vraie tare de la représentation contemporaine de la figure de l’artiste, notamment au cinéma. Elle était déjà à l’œuvre dans un autre biopic édifiant sorti récemment, à savoir Bohemian Rhapsody – signé Bryan Singer mais terminé en sous-main par Dexter Fletcher, réalisateur de ce Rocketman –, et atteint son apogée, à un degré surréaliste, dans cette œuvre mégalomane et pompière.

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