Scénario : Makyo
Illustrateur : Simone Gabrielli
Éditeur : Delcourt
Sortie : 25 septembre 2024
Genre : Biopic, Histoire
Robespierre, figure clé de la Révolution française, ne cesse de fasciner et d’inspirer des biopics en tout genre. Dans la bande dessinée historique Robespierre, le sphinx mélancolique, l’Incorruptible est présenté non pas comme un idéologue austère, autoritaire et paranoïaque, mais plutôt comme un homme incompris à la pensée complexe et aux passions cachées.
Robespierre raconté par lui-même…
Inaugurant une nouvelle série de BD consacrées aux « Mal aimés de l’Histoire », Robespierre, le sphinx mélancolique s’intéresse à l’évolution du personnage pendant les années clés de la Révolution, de fuite du roi Louis XVI à Varennes en 1791 à la fin de la Terreur en 1794. Pour suivre une progression chronologique tout en permettant quelques retours en arrière sur le passé de Robespierre (notamment son enfance, marquée par la mort de sa mère), le scénariste a choisi de mettre en scène Robespierre en train de dicter ses mémoires à sa « bonne amie » Eléonore, la fille de son logeur. Le lecteur est ainsi invité à adopter le point de vue du personnage principal sur les évènements.
D’autre part, la BD accorde une large place aux discours de Robespierre à la tribune de l’Assemblée. Directement inspirées des archives, ces scènes de déclamation permettent au lecteur de mieux comprendre la rhétorique de l’époque et les grands éléments de la pensée de Robespierre. On découvre ainsi l’influence que les idées de Jean-Jacques Rousseau ont eu sur lui, ou encore le mélange paradoxal d’anticléricalisme et de spiritualité mystique qui le caractérise. On comprend aussi pourquoi, malgré une apparente contradiction, Robespierre milite à la fois contre la peine de mort (jugée injuste et inefficace) et pour l’exécution de Louis XVI (qui ne mérite pas d’être jugé comme un homme car il a « déjà été jugé » par ses actes de trahison dans sa fonction de souverain). La centaine de pages de l’album ne permettant malheureusement pas de contraster les idées de Robespierre avec celles des autres grands tribuns de la Révolution, on se perd un peu dans la galerie des personnages. La scène de confrontation entre la Commune et la Convention est par exemple assez confuse pour le lecteur peu au fait du contexte historique.
… dans un cadre clairement fictionnel
Mais Robespierre, le sphinx mélancolique reste avant tout une œuvre de fiction. Makyo, le scénariste, prend plusieurs libertés avec les faits historiques. Il s’amuse à imaginer un Robespierre bien moins austère dans la sphère intime que dans la sphère publique. Son personnage cache une passion secrète pour une femme, mais aussi pour l’art « bourgeois » de la peinture. Pourtant, ces aspects ne sont en rien attestés par les sources. Quant à l’entretien que Robespierre aurait eu en tête-à-tête avec Louis XVI la veille de son exécution, il est complètement fictionnel et sert surtout à dramatiser la décision de Robespierre de voter pour la mort du Roi, en faisant ainsi un moment déchirant.
En définitive, malgré ses petits défauts (des dialogues pas toujours très naturels, des scènes un peu confuses), Robespierre, le sphinx mélancolique séduit par son approche originale du personnage et par ses belles illustrations avec des effets d’ombre qui créent une atmosphère sombre, propice à l’évocation des années troubles de la Révolution.